Madame Abbot. Professeur de Sciences de la vie et de la Terre. Les cheveux hirsutes. De grosses lunettes jaunes qui lui font des yeux globuleux. Je lui trouve parfois des airs de mérou. Ses cours sont un véritable calvaire et il me vient à songer au suicide quand elle traite de la biodiversité. Ou du corps humain. Ou de la tectonique des plaques. Ou de n'importe quel autre sujet. Toute la bonne volonté du monde n'y change rien.

Je jette un coup d'oeil à Jim, qui semble s'être trouvé un nouveau hobby : la confection d'avions en papiers. Luke ne s'est pas privé de sécher les cours, et Camille... Camille dort. Elle dort vraiment ! Et elle bave...

La sonnerie retentit, arrachant cette dernière à sa torpeur profonde, et nous rangeons prestement nos affaires.

- N'oubliez pas, vendredi prochain, nous disséquerons le corps de nos amis les amphibiens. Que personne n'oublie sa blouse ! Mlle Hermann, pourriez-vous rester un instant, je vous prie ?

Camille ouvre de grands yeux et je ris dans ma barbe. Elle n'a pas l'habitude de se faire rabrouer, mais je suppose que son sommeil prime sur son éducation. Nous l'attendons à l'extérieur avec Jim. Ce dernier paraît tendu. Je ne lui en demande pas la raison, il n'aime pas beaucoup parler de lui.

Lorsqu'elle sort enfin, les yeux encore entrouverts ( le savon que Madame Abbot lui a passé devait être dénué de vivacité ), la professeure m'arrête :

- Ah, Helen, vous tombez bien en vérité. Voyez-vous, je me demandais si... Enfin, si ça n'est pas trop vous demander... Il faudrait que...

Abrège.

-Voilà, le dernier devoir a été un véritable fiasco. 8,7 la moyenne de classe ! Vous y croyez, vous ? En 20 ans de carrière !

20 ans, seulement ? Il faudrait songer à la retraite, ma vieille.

- Je ne vais pas tourner autour du pot. Vous serait-il envisageable de partager votre devoir en guise de correction ? Nous sommes déjà bien en retard sur le programme, et je n'ai pas le temps de... Enfin, vous voyez ?

- Je vois, oui.

- Si vous pouviez m'apportez votre devoir en salle des profs dans la fin de la journée, je vous en serai très reconnaissante. J'en ferai des photocopies et je vous le rendrai en classe. Cela vous convient-il ?

- Bien sûr, professeure, ce serait un honneur, dis-je en affichant mon plus beau sourire.