Docteur Manhattan

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Dans l’imaginaire populaire, le projet Manhattan, qui doit son nom à certains de ses bureaux situés dans le district en question, est une œuvre titanesque mais mal comprise.

Certains pensent surtout au Docteur Manhattan, surhomme fictif d’une bande-dessinée américaine, scientifique désintégré au niveau moléculaire lors d’une expérience ratée et qui a su se réassembler pour devenir un être de lumière bleuâtre et ionisant, omniscient et tout puissant.

La vérité, c’est que le projet Manhattan fut la première rencontre de l’industrie de masse, de l’argent, de la science et de la guerre au service de la politique, organisée autour d’une volonté absolue : écraser l’Allemagne nazie et, pour ce faire, développer la bombe A avant Hitler, longtemps soupçonné de plus ou moins sérieusement s’y essayer.

Pour développer la bombe, les USA ont tout donné : un budget virtuellement illimité (deux milliards de dollars de 1945 soit environ 26 milliards de dollars de 2013, un cinquième du programme Apollo), des moyens humains hors normes aussi bien au niveau qualitatif (une telle concentration d’intelligence et de prix Nobel au mètre carré n’a sans doute jamais été égalée ni même approchée) que quantitatif (cent trente mille personnes impliquées), des réalisations industrielles inimaginables (les premiers réacteurs nucléaires, de nouvelles usines de plusieurs dizaines de kilomètres carrés entièrement dédiées à la réussite du projet), une volonté d’acier (le projet était piloté par les militaires), un niveau de secret démentiel (une ville anonyme construite dans le désert, munie d’un simple numéro de boîte postale), un foisonnement d’idées ahurissant (séparation isotopique par ultracentrifugation, diffusion gazeuse, diffusion thermique et électromagnétique, bombe à percussion et bombe à implosion : toutes les technologies possibles ont été testées de front, aucune n’a été favorisée, chacune disposait de son propre budget virtuellement illimité, un seul mot d’ordre: y arriver).

Le résultat: devant Robert Oppenheimer, directeur scientifique aussi génial qu’excentrique, le 16 juillet 1945, vingt-et-un jours avant Hiroshima, après seulement quatre années de travail, la bombe Gadget explose à Alamogordo dans le désert américain lors de l’essai Trinity, libérant vingt kilotonnes d’énergie et faisant entrer l’humanité dans l’ère nucléaire à marche forcée. Il est probable que jamais aucune entreprise humaine ne fit et ne fera jamais aussi rapidement et fortement progresser la science.

Que ce déchaînement d’énergie et d’intelligence ait été inutile (l’Allemagne nazie a capitulé avant que la bombe ne soit prête et le Japon n’a en réalité pas plié face à Hiroshima) est une autre histoire que je raconterai plus tard.

Il y eut évidemment un équivalent côté Russe : des laboratoires enterrés dans les montagnes, soixante-dix villes secrètes et des centaines de milliers de personnes assignées à résidence ainsi que soixante-dix mille prisonniers des goulags de Sibérie mirent au point la bombe soviétique avec quatre ans de retard sur les Américains, avec une brutalité et une efficacité dont l’Ouest n’avait pas idée.

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