PIB

15 minutes de lecture

J’étais devant la télé et la dernière info était que le prix de l’essence était encore en train de monter. Les commentateurs politiques expliquaient qu’on allait encore repartir pour un cycle de gilets jaunes.

C’était bien possible, ce retour des gilets jaunes, mais je ne pouvais m’empêcher de penser qu’on avait tout simplement déraillé.

Je veux dire, bien sûr que l’essence est chère, disons facialement, comme ça, a capella, mais en réalité, elle ne coûte quasiment rien si on veut bien faire un tout petit effort de remise en perspective.

En 2021, pour une heure de salaire minimum, on peut s’acheter grosso modo deux fois plus d’essence que pour une heure de salaire minimum de 1970. Donc, oui, l’essence est chère, oui l’essence est de plus en plus chère en euros, mais en relatif c’est totalement faux, l’essence est en réalité de moins en moins cher.

Ensuite, on a oublié un peu vite qu’avoir une voiture pouvant nous emmener aussi vite et aussi loin, c’est une anomalie. Allez expliquer ce qu’est une voiture et ce qu’elle vous permet de faire au Français moyen d’il y a deux siècles, et vous me direz s’il n’est pas bluffé.

On n’arrête pas de se plaindre mais on ne se rend pas compte de ce que l’on a. Il faudra vraiment qu’on m’explique comment, dans un monde capitaliste où on nous assène que ce qui est rare est cher, on peut acheter et brûler aussi facilement et aussi bêtement ce que la nature a mis des centaines de millions d’années à produire et qui n’est pas renouvelable.

Rendez-vous compte : la densité énergétique des énergies fossiles est tellement élevée et le coût de ces énergies fossiles est tellement bas que, en moyenne, un Français consomme, pour une partie certes non négligeable mais totalement abordable de son salaire (même minimum), cinq mille kilowattheures d’énergie par an, ce qui revient à avoir sous sa coupe l’énergie de l’équivalent de quatre cents à cinq cents esclaves humains qui travailleraient à la sueur de leur front pour produire une énergie équivalente. Pour un euro d’essence, vous avez autant d’énergie que deux esclaves à temps plein pendant une journée. Combien vous coûteraient ces esclaves au salaire minimum ? L’essence vous semble-t-elle toujours aussi chère ? En plus, elle ne se plaint pas et ne prend pas de pause et encore moins de vacances… Vous n’avez pas l’impression que vous êtes un nanti d’avoir accès à autant d’énergie à aussi vil prix ?

Vous pensez vraiment être un démuni ?

Ce que je veux dire, c’est que nous avons accès à une énergie bon marché et à profusion, les chiffres sont frappants, mais personne n’y pense, tout le monde trouve ça juste normal de pomper l’énergie non renouvelable de la planète, tout simplement parce que, oui, ça fait quelques dizaines d’années, voire deux siècles qu’on fait comme ça, du coup ça nous semble normal, personne ne trouve rien à y redire.

Les trente glorieuses, ce fantasme absolu de tout un chacun, et surtout des politiques, où tout allait bien, y compris et surtout la croissance économique, ce à quoi on s’est habitué et ce que l’on veut absolument tous retrouver (la croissance, la croissance, la croissance !), eh bien, c’était ça, qui était anormal. La croissance économique, l’emploi pour tous, l’énergie pour tous, ce mode de vie que l’on estime normal et que l’on exige que les politiques restaurent, ça n’avait rien de normal en réalité, c’était une pure anomalie. C’était la rencontre délirante et fiévreuse de l’après-guerre, de la social-démocratie, de l’économie néolibérale, de la technologie et de l’énergie. Ça ne se reproduira pas, sauf catastrophe majeure à même d’opérer un reboot aussi sauvage que démographique. Et il n’est pas souhaitable que ça se reproduise. L’économie a prospéré non pas grâce à notre intelligence, enfin si un peu en partie, mais aussi et surtout grâce à l’énergie à profusion que nous avions, qui nous a permis de produire à tout va sans nous poser de questions.

Nous vivons à crédit sur une planète exsangue comme si on en avait d’autres, alors qu’on est tout seul à la dérive dans un espace incommensurable qui nous ne nous sauvera pas.

Nous sommes bientôt huit milliards sur la planète, c’est beaucoup trop, en tous cas si on souhaite continuer à vivre « comme ça ». Car, ce qui est dramatique, c’est qu’il ne suffirait pas d’exterminer les riches qui volent en jets privés et se prélassent sur leurs yachts avec leurs putes de luxe en dégustant des fraises importées en avion. Non. Nous sommes tous le problème, y compris le Français moyen, modeste, qui se dit qu’il n’a rien à se reprocher, qu’il ne voit pas pourquoi lui il ferait des efforts. La réalité, c’est que même les modestes consomment déjà trop. Leurs petits appartements consomment trop, leurs petites voitures consomment trop, les bouches qu’ils ont à nourrir consomment trop. Les chiffres sont là, têtus et indiscutables. Le Français moyen demande à la planète cinq à dix fois plus d’énergie que ce qu’elle est raisonnablement capable de gérer. Bien sûr que les ultrariches sont certainement encore pires que le Français moyen, mais le Français moyen est déjà totalement en dehors des clous. On peut faire les calculs de différentes manières, en comptant les tonnes d’équivalent dioxyde de carbone externalisées ou non, on peut se battre sur certains chiffres et sur certaines hypothèses, on peut raisonner à température moyenne mondiale constante ou selon différents échauffements moyens, mais le problème reste globalement toujours le même : à presque huit milliards sur la planète, tout le monde consomme globalement deux fois trop, et les pays développés consomment quatre à cinq fois trop. Si on retombait à quatre milliards (la population planétaire de l’an 1975, ça n’est pas si loin), et qu’on faisait des progrès technologiques, et que ces progrès technologiques étaient réellement utilisés pour consommer moins et non pas pour consommer plus, alors peut-être qu’on pourrait non seulement continuer à vivre, mais peut-être même qu’on pourrait carrément continuer à vivre en conservant à peu près nos modes de vie d’enculés.

Mais ça ne se fera pas.

On ne réduira pas la population.

Et non, la technologie ne nous sauvera pas.

Car à chaque fois que les ingénieurs ont conçu des appareils qui consommaient moins, que ce soit des voitures, des avions ou de l’électroménager, ça n’a jamais fait reculer la consommation mondiale, qui n’a toujours fait que croître.

Il faut certes faire progresser la technologie, mais il faut aussi et surtout changer nos modes de vie, nos pensées (et in fine, ça devra passer par la fiscalité).

Y compris pour les plus modestes.

C’est mathématique.

C’est physique.

C’est énergétique.

Car, non, l’économie ne s’est pas « dématérialisée ». Vous ne voyez peut-être pas les flux physiques associés, mais ils sont bien là : on construit des bâtiments avec du gravier et du béton, on terrasse en déplaçant les sols, on brûle des gaz et des liquides, Amazon expédie des cartons pleins de plastique, de métaux et d’autres cartons, les ordinateurs et les smartphones sont faits de métaux, de terres rares et de plastique, vous bouffez des protéines, votre nouveau frigo contient du métal, l’informatique en nuage n’est rien d’autre qu’un assemblage de machines physiques et jusqu’à preuve du contraire vous ne chiez pas des arcs-en-ciel.

La dématérialisation est un mythe, l’économie est toujours bâtie sur des flux physiques, sur l’énergie et la matière, l’économie est totalement indexée et corrélée à la matière, le PIB est intriqué à l’énergie, et l’énergie va se raréfier.

Mieux : elle se raréfie déjà.

Oui, c’est ainsi : la vie est pourrie.

Quand je pense à tous ces fous furieux qui ne raisonnent qu’en termes de PIB, alors que cet indicateur à la con est tellement mal fichu qu’il est incapable de tenir compte des réserves non renouvelables qui s’épuisent et des rejets polluants qui s’accumulent, qui fait en sorte que si votre toit s’effondre et que votre voisin couvreur le répare gratuitement c’est mauvais pour l’économie, alors que si vous casquez plein pot auprès d’un ouvrier qui salopera le travail, alors là, oui, c’est bon pour le pays, je me dis qu’on est quand même sérieusement mal barré.

Le PIB exige de la croissance, tous les gouvernements du monde exigent du PIB, donc tout le monde veut de l’énergie, or l’énergie est majoritairement non durable et sur le déclin, voilà le problème auquel on va devoir se frotter. Parce que la croissance, c’est impossible, c’est insoutenable.

C’est mathématique, une nouvelle fois.

C’est d’une limpidité absolue mais personne ne veut regarder.

Peut-être parce que c’est incompatible avec la démocratie.

Parce que les candidats, pour être élus, doivent promettre un peu plus à chacun, or, un peu plus à chacun, ça veut tout simplement dire de la croissance. Les politiques n’ont pas le choix : les électeurs veulent toujours plus, donc ils promettent de la croissance. Cette croissance, ils ne l’auront pas, donc ça finira mal, et même s’ils l’obtiennent, ça finira mal aussi car la planète ne peut pas continuer de supporter ça.

Après tout, on a les hommes politiques qu’on mérite.

Nous n’avons que les mots « emplois », « pouvoir d’achat », « essence », « voiture », « vacances » et « moi moi moi » à la bouche. Tant qu’on n’aura pas changé ça, on continuera d’aller dans le mur.

Comment vous gérez votre budget ?

En vous disant que le mois prochain vous allez (voire vous devez) dépenser la totalité de votre salaire, voire plus parce que vous allez forcément avoir une augmentation ?

Bien sûr que non : vous ne dépensez pas tout et vous faites des économies (ou tout au moins vous essayez d'en faire).

Vous sentez bien que tout claquer et être constamment dans le rouge, être indéfiniment endetté auprès de votre banquier, ce n’est pas une bonne idée.

Vous ne vous en sortez peut-être pas mais vous savez qu'il ne faut pas faire ça.

C'est pourtant exactement ce que fait l'État.

Il dépense tout et même plus en comptant sur la croissance, croissance qui ne vient pas ou est insuffisante voire négative, du coup on s'endette et on continue en espérant que l’année prochaine ça ira, inventant une dette perpétuelle qui finira bien par craquer.

Il ne s’agit pas de prôner la décroissance, du moins pas encore, mais tout simplement de prôner l’équilibre.

Comme vos comptes à la maison.

C'est aussi simple et aussi peu moyenâgeux que ça.

Nous devons collectivement arrêter de vouloir plus, et nous contenter de ce que nous avons, peut-être alors que les politiques arrêteront de promettre plus et seront élus quand même, et peut-être qu’enfin on pourra viser l’équilibre, réparer toutes les conneries qu’on a faites, puis, oui, se préparer tout doucement à une phase de décroissance inéluctable.

Car c’est inéluctable.

Le PIB suit la consommation énergétique, et celle-ci va forcément diminuer – elle diminue déjà. La production de gaz décroît depuis 2010, et le pétrole a manifestement déjà commencé sa décroissance également.

Reste cet enculé de charbon, qui devrait être une énergie du passé mais qui en pratique est l’énergie du présent et de l’avenir, qui a le vent en poupe un peu partout, probablement justement parce que les autres énergies fossiles sont en déclin mais que nous ne l’acceptons pas et augmentons ainsi ce qui peut l’être pour maintenir nos économies à flots.

Mais même la production de charbon va baisser.

C’est mathématique, puisqu’il n’y en a pas une quantité infinie, et qu’on ne va pas tout exploiter à vitesse constante jusqu’à la dernière pelletée, et aussi parce que le changement climatique va doucement monter en puissance, perturbant les récoltes, les économies et les administrations des dictatures aussi bien que des démocraties.

Et les énergies renouvelables, même en y mettant le paquet, ne suffiront pas à redresser la barre suffisamment rapidement.

Bref, l’économie va se contracter, elle le fait déjà, ça commence par des gels du point d’indice des fonctionnaires, puis on ferme des lits d’hôpitaux, puis on augmente d’un euro tel ou tel service, puis on supprime un juge ici, un magistrat là, un enseignant ici, un cheminot là, etcetera.

Les minimas sociaux baissent, les retraites diminuent, les vieux meurent, le chômage des jeunes augmente, on rabote le budget de l’armée, on abandonne les handicapés, et pendant ce temps-là l’essence continue d’augmenter. Tout va s’amenuiser, y compris notre durée de vie, au début ça va aller doucement, puis ça va sévir de plus en plus fort, éventuellement jusqu’au point de rupture et jusqu’à l’embrasement de la société qui redeviendra celle du plus fort.

Dès lors, on fait quoi ?

On continue de consommer, on ne fait rien et on se dit qu’on verra bien le moment venu ?

On préfère aller à la rupture brutale de manière subie, ou bien on préfère y aller doucement de manière choisie en augmentant progressivement mais implacablement le prix des hydrocarbures pour que chacun apprenne à se calmer tranquillement, laissant le temps aux esprits de réfléchir et de s’adapter, aux industriels de muter pour nous proposer des modes de vie transformés mais pas forcément nuls, inintéressants et dénués de sens ?

Cette augmentation du prix des hydrocarbures renflouera progressivement les dettes de l’État qui pourra financer des grands plans de rénovation thermique, des grands chantiers de réacteurs nucléaires et des grands chantiers d’énergies renouvelables, qui nous permettront de voir l’avenir un peu plus sereinement.

Pourquoi le nucléaire ?

Parce que c’est pragmatique.

Les renouvelables, c’est faisable, mais paradoxalement beaucoup plus complexe, et c’est aussi beaucoup plus coûteux. Nous sommes dans une course contre la montre, il faut agir vite et fort, et chaque euro investi dans le nucléaire sera plus efficace qu’un euro investi dans les renouvelables.

Mais il faut faire les deux.

Il faut investir massivement à la fois dans le nucléaire et dans le renouvelable, pour des raisons à la fois psychologiques et politiques, mais aussi techniques, philosophiques et pragmatiques. Le nucléaire, on devrait pouvoir un jour s’en passer grâce aux renouvelables, donc il faut y aller, simplement ce sera très long et très coûteux, donc en attendant, il faut, pour la France, investir cent milliards d’euros pour construire une quarantaine de réacteurs RFPR, mais aussi investir cent milliards d’euros pour construire des dizaines de gigawatts de renouvelables, principalement de l’éolien offshore et du solaire thermique, il faut aussi investir dans tout le système de batteries qui viendront avec ces renouvelables, tout en isolant massivement nos bâtiments, développant les voitures électriques et à hydrogène, et surtout en consommant moins et en décapitant le dieu croissance. Bien sûr que le nucléaire comporte un risque, mais mesuré. Vous voulez vraiment vous inquiéter des hypothétiques dangers des déchets nucléaires hyper localisés et à horizon plusieurs siècles voire plusieurs milliers d’années ou plus, ou bien plutôt vous inquiéter de ce qu’on a devant nous, de manière très concrète et à horizon quasi immédiat : le dérèglement climatique et tous les bouleversements économiques, écologiques et sociaux qu’il va entraîner ?

Il est dramatique de voir que nous avons eu deux occasions de changer nos modes de vie, mais que nous n’en avons absolument pas tiré parti. La crise des subprimes en 2008 a stoppé la croissance mais on a tout fait pour la relancer. Pareil pour le covid.

C’est débile, parce que la croissance, il faudra bien l’arrêter un jour, on n’a pas le choix, c’est mathématique une nouvelle fois, on sait que ça nous fera mal tellement on y est accro, ça sera un sevrage hyper brutal façon héroïnomane, alors quand cette fichue croissance s’est arrêtée d’elle-même, c’était l’occasion de réfléchir à comment continuer à vivre sans elle.

Mais non.

On a réagi comme des cons et on a juste essayé de la relancer, en endettant les économies à des niveaux qui vont bientôt devenir tellement délirants que le système va craquer, provoquant une nouvelle crise, et ainsi de suite.

On lâche sans hésiter des milliers de milliards de dollars pour sauver les banques et la croissance, mais on se fout totalement du reste – à commencer par le climat.

Sinon, on peut se dire qu’on verra bien, qu’on trouvera toujours le moyen de s’en sortir pendant que les autres crèveront, qu’un réchauffement moyen de la planète de deux ou cinq degrés ce n’est finalement pas la mer à boire, et puis de toute façon le GIEC nous ment ou bien il s’est trompé, le climat ne va pas se réchauffer.

Sauf que, spoiler alert, le climat se réchauffe déjà, et le GIEC, en gros, ce sont philosophiquement les mêmes personnes que tous les autres scientifiques qui ont produit les technologies qui vous ont donné Facebook et le Wi-Fi, YouTube, l’Airbus et la 5G, alors quand vous pensez que vous avez fait vos propres « recherches » en regardant quelques vidéos de connards sur YouTube et que vous êtes persuadés que le réchauffement climatique c’est des conneries et que vous ne croyez pas en la science, il serait bon que vous en saisissiez bien toute l’ironie. Vous ne croyez pas en la Science mais vous croyez en YouTube.

Et quand bien même le climat ne se réchauffait pas, on fera comment sans pétrole et sans charbon si on ne s’est pas un minimum sorti les doigts pour décarboner nos sociétés ? Je veux dire, indépendamment du climat, même si on ne pense vraiment qu’à nos gueules, on a tout intérêt à développer des alternatives, c’est pas du bonus, c’est vital. Elle roulera comment votre voiture quand on n’aura plus de pétrole ?

Et ça ne pourrait pas nous faire de mal de respirer moins de gaz toxiques et moins de particules, et de tuer moins d’animaux qui n’ont rien demandé, et d’arrêter de flinguer la biodiversité.

Mais le changement climatique est là.

Pour rappel, lors de la dernière grande transition climatique depuis la dernière ère glaciaire, le climat s’est réchauffé de quelques degrés en dix mille ans. Là, d’après le GIEC, ce qui nous attend, c’est quelques degrés en cent ans, soit cent fois plus vite. Si vous pensez que tout va bien se passer, repensez-y à deux fois. Il faut bien comprendre que les mécanismes à l’œuvre sont complexes, très complexes, y compris même parfois pour les esprits les plus brillants de la planète, et que les changements s’opèrent lentement en comparaison à une vie humaine, et donc que nous ne sommes pas armés ni intellectuellement ni psychologiquement pour saisir ce qui va nous tomber dessus, mais soyez-en sûrs, ça va nous tomber dessus, enfin surtout sur nos enfants et nos petits-enfants. Nous, on passera probablement entre les gouttes, mais eux, ils vont vraiment prendre super cher. Nous, on pourra encore profiter, faire les insouciants, aller se dorer la pilule aux Antilles, bouffer des tonnes de côtes de bœuf et plonger aux Maldives. Mais eux, ils paieront l’addition, et elle sera terriblement salée.

Lorsque le climat s’est réchauffé de cinq degrés ces vingt mille dernières années, la France est passée d’un climat sibérien à un climat modéré et les eaux ont monté de cent vingt mètres bien sonnés. Vous pensez qu’augmenter encore la température de quelques degrés en l’espace d’un petit siècle, ça va passer ?

Et puis, vous vous souvenez du « printemps arabe » de 2011 ? Lorsque les gentils réseaux sociaux ont permis aux peuples de se libérer du joug de méchants dirigeants antidémocratiques ? En réalité, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est le prix de la nourriture, littéralement le prix du pain comme en France en 1789. Et pourquoi le prix du pain avait-il flambé dans certains pays arabes et pas dans d’autres ? Parce que certains dépendaient terriblement d’approvisionnements en céréales russes, et qu’en 2010 la Russie a connu de très mauvaises récoltes à cause du climat. Et ça n’était qu’un tout petit aléa climatique comparé à ce qui nous attend. Le climat va se dérégler et, en retour, dérégler nos économies et nos systèmes politiques mondialisés et imbriqués. Au début on ne fera pas le lien, puis on fera le lien mais on parviendra à gérer, puis on gèrera de moins en moins, et puis…

Le Club de Rome nous avait tous prévenus dès les années 1970, mais nous sommes restés sourds et aveugles au fait que la croissance perpétuelle n’est tout simplement pas viable et ne saurait donc être souhaitable.

Et nos économistes d’aujourd’hui continuent de nous dire que la solution à l’après Covid ce n’est même plus la croissance, mais carrément l’hypercroissance.

Comment les choses pourraient-elles être plus mal engagées ? Vous imaginez sérieusement huit milliards de connards sous-doués se mettre d’accord subitement (car on n’a vraiment plus le temps) ?

Non.

La contraction de l’économie, notre dépendance à l’énergie, notre soif d’hypercroissance et notre débilité fondamentale nous envoient droit dans le mur. Difficile de dire ce qui va craquer en premier, difficile de dire quand ça va craquer, mais si on ne se responsabilise pas un peu, ça va craquer, au nom du sacro-saint PIB, et ça pourrait finir en une sorte de supercrise de 1929 assaisonnée d’une ultrapandémie de supercovid, saupoudrée de chaleurs caniculaires et de vagues de froid sibériens, en gros on va se mettre bien.

Enfin, moi, je dis ça, mais je suis le premier à faire l’enculé : même si j’ai bien réduit ma consommation de viande, je continue d’en manger, et je ne me prive pas pour prendre l’avion plusieurs fois par an pour aller faire de la plongée.

Je fais partie du problème.

Nous sommes le problème.

Bref.

Si les arbres produisaient du Wi-Fi, ça ferait longtemps qu’on aurait sauvé la planète mais, pas de bol, les arbres ne produisent « que » de l’oxygène.

Annotations

Vous aimez lire Sam Fralk ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0