Jeudi

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Je reçus un mail laconique du responsable Sûreté ATR me demandant de passer dans son bureau pour passer en revue une de mes anciennes notes, rédigées du temps révolu mais encore frais où je faisais encore de la technique. J’avoue que je n’en menais pas large, tant la réputation de l’homme était exécrable. Je tentai de me rasséréner en me disant que ce serait peut-être l’occasion de remettre sur la table la pertinence réelle du projet, sur une base technique rationnelle.

Je tombai de haut. Le responsable Sûreté ne comprenait rien à la physique des particules, et il ne s’en cachait pas. Il m’avoua n’avoir fait que survoler la note et ne pas avoir lu la conclusion. Au fond de moi, je bouillonnais. Convoquer quelqu’un pour discuter d’un document que l’on n’a pas fait l’effort de lire est pour moi une marque insupportable de désinvolture et de manque de respect du travail des autres. C’est pourtant un comportement classique en entreprise.

En comprenant l’objet de sa requête, je crus tomber de ma chaise : il me reprochait d’avoir écrit « scénarios » au lieu de « scenarii ». J’étais donc convoqué chez un pseudo grand manitou pour une question de pure forme, et le fond, pourtant véritablement problématique, n’avait encore jamais été abordé. Connaissant bien le sujet pour avoir déjà eu affaire à des salopards tatillons et incultes de son genre, je lui fis remarquer très calmement que l’Académie française reconnaissait et, même, encourageait l’usage de la forme « scénarios ». Devant l’invocation de l’Académie française, il resta interdit, se disant probablement que je ne l’aurais pas citée sans être sûr de moi. Je le vis mouliner quelques secondes pour tenter de retomber sur ses pattes. Il me sortit, sans trop y croire lui-même, qu’il préférait « la formulation latine » du mot, pensant sans doute redorer son blason littéraire. Je laissais passer quelques secondes, avant d’enfoncer le clou en lui expliquant que le mot « scénario » n’était pas un emprunt au latin – mais à l’italien. Il devint tout rouge. L’humiliation n’est pas dans mes pratiques habituelles mais je l’estime justifiée (et, avouons-le, terriblement jouissive) lorsque c’est en réponse à une agression (et j’estime que son comportement était bien une agression intellectuelle). Je me levai et quittai son bureau sans un mot.

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