Le premier pas

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Une fois tous les deux ans, la bibliothèque de l'université de Miskatonic brade les livres dont elle ne veut plus dans ses rayons avant de les renvoyer au recyclage, faisant le bonheur des bibliophiles et des curieux. J'étais ce jour-là à la recherche de gros volumes épais, non pour les lire, mais pour réaliser, en utilisant leurs reliures, une décoration qui me permettrait de fabriquer deux petites tables de nuit donnant l'illusion d'être constituées d'un empilement de grimoires. Je possède en effet une boutique de curiosités où, en complément de la vente d'objets anciens, je réalise des meubles sur mesure pour des clients exigeants, dont certains sont d'ailleurs membres de l'université. Je trouvais aisément mon bonheur (du moins, je le pensais à l'époque) et regagnais mon domicile lesté de plusieurs volumes de belle taille et d'un poids certain. J'étais gêné par ma charge et l'odeur de la mer toute proche, qui jamais ne m'avait incommodé, me sembla, au bout de quelques centaines de mètres, de plus ne plus oppressante. Je parvins toutefois sans encombre dans ma boutique et me déchargeais avec soulagement de mon fardeau littéraire.

Je me mis à l'ouvrage immédiatement : je devais évider l'intérieur des livres et coller leur reliure sur des cadres de bois qui, vissés les uns aux autres, assureraient la solidité de cette pile et constitueraient le petit meuble que je désirais. Ce n'est qu'à ce moment que je m'intéressais aux sujets dont traitaient les ouvrages : visiblement peu lus par les étudiants modernes, ils avaient un aspect neuf, ce qui était important pour moi, et consistaient principalement en une collection d'articles de revues scientifiques, les annales de paléontologie d'Arkham.

Je recherchais rapidement si quelques-uns contenaient quelque belle gravure à encadrer et revendre, mais ce n'était pas le cas. Je feuilletais rapidement un fort volume d'un beau vert lorsqu'un morceau de la reliure se détacha, laissant choir un épais carnet de feuilles manuscrites. Les feuillets jaunis portaient le premier monogramme de l'université de Miskatonic, que l'on peut encore voir au fronton de ses plus anciens bâtiments, ce qui me conduisit à penser qu'il devait se trouver dans ce volume depuis fort longtemps. Le feuilletant, j'aperçus de belles illustrations que je pris pour des bas-reliefs d'animaux fantastiques, aussi je me promis de lui accorder davantage d'attention. Toutefois, je ne pus m'y consacrer avant quelques jours. Au soir fatidique de ce huit novembre de l'an 19.., je pris en main ces feuillets en comptant déchiffrer cette écriture qui, nette et appliquée sur les premières feuilles, prenait insensiblement une forme plus compacte, signe de l'agitation croissante de son auteur.

Depuis, j'hésite à sortir la nuit tombée et ma maison, dont les fenêtres supérieures donnent sur l'océan, me semble étrangement bien trop proche du rivage. Le bruit des vagues s'est pour moi mué en une succion perpétuelle qui hante mes rêves et parasite mes journées. J'aurais mieux fait de brûler ce cahier avec les autres pages sans intérêt de ces vieux livres, mais je me dois à présent de prévenir ceux qui me succéderont des horreurs sans nom qui m'y ont été révélées.

Les feuillets cachés dans la reliure des annales constituent un journal écrit par Samuel Sanderson, étudiant en paléontologie. Il se poursuit sur de nombreuses années, Sanderson étant devenu par la suite un professeur d'université aux thèses controversées avant de disparaitre de façon tragique, ayant été retrouvé noyé dans la baie un fusil à gros calibre encore en bandoulière, ce singulier attirail pour un pêcheur ayant marqué en son temps les mémoires. Il semble avoir noté compulsivement de nombreux événements de sa vie solitaire, de ses repas à ses problèmes de santé. Je ne donne ici qu'une recension partielle de ses écrits, elle sera de nature à éclairer d'un jour nouveau, et combien horrible, les récentes découvertes sur lesquelles je reviendrai par la suite.

* * *

Journal de S. Sanderson.

3 Juillet

Je suis arrivé sur le chantier de fouilles de K, avec trois autres étudiants. C'est un travail répétitif et harassant : nous creusons les couches de schiste déposées voici plus de trois cents millions d'années et, méthodiquement, nous les fendons pour mettre au jour des fossiles datant de cette période que le professeur West nomme « la sortie des eaux des vertébrés ». La plupart du temps, nous ne trouvons que des fragments sans grand intérêt.

6 Juillet

Cet après-midi, le professeur West est venu interrompre notre travail pour nous conduire vers sa dernière trouvaille : un paléosol parfaitement conservé. Il s'agit d'un ancien rivage donc une catastrophe géologique, peut être une coulée de boue ou une pluie de cendres, a assuré une excellente conservation. Nous dégageons avec précautions les lames de schiste qui révèlent cet ancien terrain dont nous ignorons encore la superficie. L'un d'entre nous, Herbert, à mis au jour un poisson fossile parfaitement conservé d'une espèce nouvelle, découverte dont West s'est immédiatement attribué la paternité. Pour ma part, j'ai mis au jour les traces laissées dans le sol, voici trois cents millions d'années, par des vers et des crustacés dont je ne retrouve que les carapaces incomplètes. À cette époque, aucun animal à vertèbre ne marchait sur Terre, aussi je ne désespère pas de découvrir les traces de cette transition des poissons aux amphibiens, même si je m'inquiète de West, qui semble vouloir s'approprier tout ce que ses étudiants peuvent découvrir. Fendre le schiste sous la chaleur est épuisant.

7 Juillet

Herbert à mis au jour des traces d'un animal qui a rampé hors de l'eau, avec des fossiles de carapaces d'insecte. Peut être a-t-il pris là son dernier repas, il y a des centaines de millions d'années. West était comme fou, tant la scène est bien conservée. Il a immédiatement rédigé un billet pour la société de paléontologie, décrivant « sa découverte ». Si je trouve quelque chose, contrairement à Herbert, je recouvrirai de terre ma trouvaille et je rédigerai moi même une communication.

9 Juillet

Herbert et West se sont disputés. Cela devient fréquent. De nombreux poissons fossiles ainsi que des plantes, comme des débris de fougères géantes, ont été mis au jour. Cette campagne s'annonce déjà couronnée de succès.

15 juillet.

J'ai tout recouvert de terre.

J'ai dégagé un ancien rivage, on voit même dans la roche les rides que l'eau avait construite sur le fond sablonneux de l'époque, transformé en pierre depuis. J'ai arrosé la roche pour mieux discerner les traces les plus légères. J'ai bu un peu, puis lorsque j'ai posé de nouveau les yeux au sol, j'ai cru que j'avais par erreur marché sur ce rivage fossile. J'ai regardé autour de moi, mais ce n'était pas une farce. West et les autres étudiants étaient en train d'examiner des fossiles de poissons, j'étais seul. Le soleil a vite séché la roche, et je n'ai plus rien vu. Tremblant, j'ai de nouveau humecté la roche. Une trace de pas. Cela ne pouvait pas être vrai. Avais-je involontairement abimé le gisement ? Je regardais de plus près : c'était apparemment la trace d'un pied nu, mais bien plus grand que le mien. On y discernait aisément les traces d'un talon et de six doigts griffus qui, il y a trois cents millions d'années, avaient marqué le sable de cette plage engloutie à présent sous des tonnes de roches. Ce ne pouvait, ce ne devait être qu'un artefact, une illusion.

J'ai tout recouvert de terre.

22 Juillet

J'ai dégagé la roche et fendu le schiste dans la direction indiquée par mon empreinte. Si ce n'est pas un accident, je pensais en trouver d'autres, priant le ciel pour que, à l'inverse de mes désirs au début du chantier, je ne découvre aucune traces suspectes. Malheureusement, elles sont là. Des « pas ». J'ai dessiné ces derniers, pris quelques photographies le plus discrètement possible. J'ai recouvert de terre les traces, dont certaines, cette fois, sont très nettes, ne laissant aucune place au doute.

26 Juillet

La campagne de fouille s'achève dans quatre jours. West a découvert une trace semblable à la mienne. Il l'a regardée en riant, disant que c'était un artefact, une illusion. Comme je lui demandais s'il en avait déjà rencontré, il m'a affirmé qu'il y avait, dans les tiroirs des sous-sols de la section de paléontologie, de nombreux pseudofossiles semblables catalogués comme artefacts. Il m'a aussi demandé de ne pas perdre mon temps avec ces concrétions sans avenir qui n'ont autre intérêt que leurs conditions de formation. Si seulement il avait pu avoir raison !

7 Aout.

Je reviens à l'instant du terrain de fouille. J'ai dégagé ces derniers jours les traces fossiles sur une dizaine de mètres. Elles s'achèvent à la limite d'une grande dépression de la roche, de plusieurs dizaines de yards de diamètre, cernée par des trous de forme géométrique, souvent carrés, profonds d'un demi-pouce. J'ai prélevé quelques échantillons de roche, avec deux trous complets, dont un qui comporte, au fond, une trace brillante. J'ai aussi prélevé une empreinte. J'ai demandé à effectuer un stage au département de paléontologie ces prochains jours, alors que je pensais partir en vacances à Bangor, dans le Maine. Je veux comparer mes « artefacts » avec ceux que West a dit être communs dans les réserves de la Miskatonic.

15 Aout.

J'ai examiné les échantillons classés en tant qu'artefacts. Nombreux sont ceux qui ne sont en effet que de simples, mais curieuses, concrétions, mais en ouvrant un des tiroirs de bois vernis des grands meubles datant de la fondation de l'université, j'ai eu le souffle coupé.

Une trace identique à la mienne, ou du moins très similaire, était visible dans du calcaire âgé de plus de soixante millions d'années. J'ai fouillé rapidement les autres tiroirs, où les artefacts ont été classés par terrains et époques d'origine : j'en ai trouvé trois autres provenant de terrains datés de soixante, quarante et dix millions d'années. Les miens sont donc les plus anciens. Il faut que ce ne soit que des concrétions minérales à la formation mystérieuse et aux formes surprenantes. Je veux, désespérément, qu'il en soit ainsi, mais l'alignement et la disposition de mes « pas » m'indiquent clairement qu'une créature de plus de trois mètres a, il y a plus de trois cents millions d'années, marché sur une plage alors que nos ancêtres vertébrés étaient à peine plus que des poissons se trainant dans la vase. J'ai dessiné les fossiles trouvés dans les parages, ainsi que les traces aux différentes époques : elles sont similaires. Celui qui a laissé ces traces, ou du moins son espèce, a perduré pendant au moins deux cent quatre-vingt-dix millions d'années. Je dois étudier plus avant ces étranges marques fossiles ainsi que les fragments de trous carrés auprès desquels elles s'interrompent.

2 Septembre

J'ai dû garder la chambre ces derniers jours. En fouillant les réserves du département de paléontologie, j'ai trouvé des fossiles dans un merveilleux état de conservation qui avaient été rejeté sans examen, par erreur. J'ai là de quoi réaliser un article qui m'ouvrira peut-être les portes du professorat. Cela me distraira, du moins, de mes autres découvertes, qui seraient plutôt de nature à me barrer définitivement l'accès à toute activité scientifique digne de ce nom.

J'ai usé la roche pour libérer la trace brillante visible au fond du trou carré sans la détruire. C'est une petite feuille de métal. À lui seul, ce fait est incompréhensible. Aucun métal ne résisterait à un ensevelissement de trois cents millions d'années. Pourtant, devant moi, ce modeste carré d'un demi-pouce de côté et de quelques lignes d'épaisseur, blanc brillant, semble terriblement contemporain. Trop, peut-être. Je me suis résolu à en détacher un morceau pour en confier l'analyse à un ami du département de métallurgie.

Ce que j'ai découvert me donne le vertige. Qui sont ces êtres qui ont parcouru la Terre pendant que la vie y traçait son chemin ? D'où viennent-ils ? Qu'ont-ils vécu? J'espère qu'il y a encore une chance que je me sois trompé.

15 Septembre

J'ai passé ces deux derniers jours dans un état d'agitation extrême. Le département de métallurgie me demande avec insistance la provenance de mon échantillon. Ce métal leur est inconnu. Ses propriétés sont extravagantes. Il semble, par exemple, conduire le courant électrique sans aucune résistance. Cette particularité seule en fait une découverte sans égale. J'ai toutefois pu récupérer l'échantillon, dont l'examen spectroscopique a révélé encore une propriété extravagante : il semble avait été exposé à des rayonnements intenses, à des conditions physiques qui ne sont pas de ce monde. Un fragment minuscule, vaporisé dans une flamme extrêmement chaude, a montré un spectre dont certaines parties, énigmatiques, sont étrangement voisines du spectre d'une étoile des Pléiades, Célaéno. Ces résultats s'enchainent et me conduisent dangereusement près de la folie. Si je révélais mes découvertes, je passerais immédiatement pour mentalement dérangé, et mes preuves ne seraient même pas examinées.

7 Octobre

J'ai voulu suivre les avis de mes proches qui, me trouvant surmené si près de la rentrée universitaire, m'ont conseillé de prendre un peu de repos. Je me suis donc retrouvé avec Herbert et Howard, mes collègues de chantier de l'été dernier, à déambuler sur la plage après avoir vidé quelques bières. Je veux croire que mon discernement en a été altéré. Il le faut pour que mon esprit conserve quelque trace de sérénité.

Nous nous sommes retrouvés près du rivage, dans le soir tombant. La mer semblait une étendue noire qui s'entêtait à mourir sur les rives, déposant à chacune de ses allée et venue de longues algues brunes entremêlées de visqueuses créatures marines. Howard nous apprit que nous n'étions pas loin d'un entrepôt où, il y a quelques jours, avait eu lieu un meurtre horrible. Le cadavre d'un pécheur y a été retrouvé, complément disloqué et en parti dévoré, probablement par des crabes ou autres crustacés, qui quittent l'abri des eaux à la marée descendante et se sont repus de son cadavre. Howard a voulu nous montrer l'entrepôt en question, mais en nous approchant une odeur fétide, comme celle exhalée par un marais contenant des restes en putréfaction, nous a dissuadé d'aller plus avant. Nous nous sommes retournés vers cet océan de ténèbres glauques qui venait lécher nos pieds. C'est alors que je l'ai vue, dans l'indistincte lumière du jour finissant.

Pas longtemps.

Mais je l'ai vue.

3 Janvier

J'ai du cesser de compléter ce journal quelques mois, ayant du prendre quelque repos. J'ai voulu me persuader, lentement, d'avoir été le jouet de mes sens. J'ai occupé mon esprit en rédigeant une série d'articles sur la zoologie du dévonien, observant un scrupuleux silence sur certains faits qui se doivent de rester ignorés.

J'en suis venu à réfléchir à tout ce que nous ignorons dans le gouffre des centaines de millions d'années qui nous séparent de l'origine. Nous pensons être les premiers. Et si nous nous trompions ? Si l'humanité demain disparaissait, quelles traces subsisteraient de son existence, et surtout, combien de temps ? En moins d'un million d'années, nul témoignage de notre passage sur Terre. D'autres formes de vie, d'autres animaux sont-ils parvenus à la conscience ? Ont-ils construit des cités merveilleuses, jetés des ponts au-dessus d'océans depuis longtemps disparus ? Les sauriens géants du mésozoïque ont-ils eu des descendants, ou des contemporains, capables de bâtir des empires, d'écrire des épopées et de bâtir des navires ? Si cela a été le cas, il n'en subsiste rien et, séparées par des milliers de siècles, des civilisations peuvent se succéder sur le globe tout en restant chacune totalement inconnue des suivantes. Peut-être même d'autres entités, d'autres intelligences, ont elles autrefois régné sur ce globe avant d'en disparaitre, ou bien de repartir vers leur origine inconnue, dans les profondeurs de l'espace.

Et si elles n'étaient pas reparties ?

La nuit, l'océan me murmure une chanson venue du fond des âges, et qui me terrifie. Nous connaissons mieux la face de la Lune que le fond de ses gouffres. Quelles immondes terreurs auraient pu s'y réfugier pour y vivre dans ses noires profondeurs, comme les loups sont retournés à l'océan pour devenir des orques ?

La nuit, l'océan reflète les étoiles froides qui sont des soleils autour desquels tournent des mondes.

La nuit, je revois encore cette vague, ourlée d'écume, lécher et faire disparaitre la trace fraiche dans le sable de la plage. La trace fraiche d'un pied à six doigts armé de griffes, la trace d'une créature qui arpentait déjà la Terre alors que nous n'étions que des tritons se débattant dans la fange. Je pourrais parcourir l'océan à la recherche de ces créatures, mais je crains fort que ce ne soit elles qui me cherchent. Qui, de nos deux espèces, sera la proie, qui sera le chasseur ? Je laisse aux siècles futurs le choix de la réponse.

* * *

La suite du journal décrivait l'ascension sociale de Sanderson à l'université, ses repas, ses recherches, mais ne faisait plus référence à cette histoire de traces mystérieuses.

Si l'on voulait bien y réfléchir, ce qu'il disait était terrifiant, mais comme le reste de son journal donnait tous les signes d'une personnalité très perturbée, je ne m'en suis guère inquiété. J'ai par contre encadré, et bien vendu, ses dessins au crayon de fossiles, et même les croquis de ses fameuses empreintes m'ont été achetées un bon prix par un voyageur, un type grand et maigre de Providence, qui m'a même demandé si j'avais d'autres documents du même genre. J'ai failli lui parler du carnet, mais ses yeux noirs, comme hallucinés, m'ont dissuadé de le faire.

J'aurais pu en rester là, mais, ce matin, j'ai vu ce journal.

En fait, j'ai surtout voulu emballer un vase qui plaisait à un client avec des vieux journaux. Et je l'ai vue. Sur une photographie, l'empreinte à six doigts griffus. Comme celle des gravures, du moins, dans mon souvenir, puisque je ne les ai pas conservées.

L'article de l'Arkham Advertiser traitait de bétail retrouvé mort près de Dunwich après l'attaque de ce que l'on pensait être un ours, ou du moins un gros prédateur, au vu des marques retrouvées sur les dépouilles des animaux. Ce n'était qu'un entrefilet, mais le journaliste avide de sensationnel avait cru bon de l'illustrer de mauvaises photographies montrant les « traces de l'animal » et le fermier posant devant le cadavre mutilé d'une vache, fourche en main.

Le client a emporté son vase, j'ai dû m'assoir, transi d'angoisse. Et si Samuelson avait raison ? J'ai relu son carnet, et je me suis promis de passer bientôt à l'université pour essayer d'en savoir plus sur ces fameux fossiles, ces traces qui ne devraient pas être. Du moins, je vais essayer.

* * *

Le soir tombe, la lumière s'enfuit au fond de l'océan, et, depuis l'étage, je contemple la surface des eaux. Les Pléiades vont bientôt se lever ; déjà Aldébaran, l'oeil rouge du Taureau, est nettement visible dans cette nuit presque liquide. Samuelson parlait d'une des étoiles des Pléiades, je crois, que mes yeux ne sauraient distinguer. Ciel et océan, étrangement semblables, qui vont se marier à l'horizon des possibles.

Qu'y a-t-il derrière ces deux ciels ? Ont-ils dans le passé consommé leur union ? Des êtres immondes étrangers à la mort même, venus de ciels différents, habitent-ils encore les profondeurs, s'aventurant quelquefois sur Terre pour des raisons qui ne peuvent qu'échapper à nos esprits limités ? Qu'est-ce qui sommeille dans les profondeurs de l'onde ?

Les vagues ont un bruit de succion. Je dois éviter de les regarder la nuit, j'ai l'impression d'y voir s'agiter des silhouettes difformes. Jeux de mon imagination, sans aucun doute.

Il faudra que je fasse renforcer mes verrous. Mais quelle serrure pourra garantir ma raison contre la terreur qui frappe désormais aux portes de mon âme ?

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