Charli

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La fillette trottina jusqu’à une chaise, s’assis et sortie un grand livre illustré de son sac à dos. Elle me regarda dans les yeux et tapota avec impatience la chaise voisine. Comprenant son geste, je m’exécutais sans discuter.

— Tu va m’aider à trouver Charli, dit-elle.

— Pourquoi ?

— Car je le cherche.

— Tu l’a perdu ?

— Non, je ne le trouve pas, c’est tout.

Elle claqua sa langue sèchement et me montra un personnage habillé d’un pull rayé rouge et blanc, d’un bonnet assorti et de grosses lunettes noires.

— C’est lui Charli.

— Tu n’a pas eut besoin de moi pour le trouver, remarquais-je un peu perdu.

— Mais non, idiot ! Maintenant je dois le trouver dans la fête foraine.

Elle prit une feuille du livre entre ses doits et la tourna sèchement. Un décor festif s’étalait maintenant sur la double page. De nombreux personnage s’amusaient, mangeait, rigolais ou vomissaient entourés de manèges et de stand de nourriture. Un clown distribuait des ballons à des enfants, un hérisson géant se faisait prendre en photo au coté d’une petite fille en larme. Un balayeur ramassait un papier, des dragons glissaient sur un monorail slalomant entre un bateau pirate, une tour délabrée et une navette spatiale.

— Il est là, dit-je en montrant le fameux Charli, caché derrière les ballons du clown.

— Ah oui. Tu as eu de la chance. Tu m’aide pour la prochaine ? Il va dans l’espace cette fois.

Le livre s’ouvrit sur un décore lunaire. Le drapeau américain flottait, entouré de traces de pas. Des véhicules à six roues allaient et venaient piloté par d’étrange créature bouffie dans un scaphandre trop petit pour elles. Une station spatiale passait dans le ciel éclairé par la terre.

— Il est là, dit-je.

Charli faisait partie de l’équipage d’une des voiturettes à six roues. Sa visière laissait entrevoir une partie de son bonnet caractéristique.

— Ouah, t’es super rapide ! me répondit la fillette.

— Je possède un réseau de neurone convolutif spécialisé dans la reconnaissance de motifs par corrélation croisé, répondit-je machinalement.

— Non, t’es juste super rapide. Arrête de crâner !

Son ton était sans équivoque. J’étais super rapide.

Les deux hommes nous observaient. Le gros barbu plutôt nonchalant buvait une tasse de café. L’autre avait les lèvres pincées et les traits tendu. Ses doigts bougeaient sans raisons. Sa jambe droite légèrement avancée laissait son corps en appuis sur la plante de son pied gauche. Sa posture agressive ne semblait perturber personne d’autre.

— De quoi avez-vous peur, monsieur ? Lui demandait-je en toute honnêteté.

La fillette regarda l’homme en costume pendant que l’autre s’étouffa dans sa tasse.

— Excusez-le, dit-il entre deux toussotements. Il a encore assez peu d’expérience sociale et est assez direct.

— Ce n’est rien Bertran, Répondit le premier. J’ai l’habitude avec ma petite.

Ses pupilles s’étaient rétrécies et ses épaules affaissées. La tension disparue son corp en quelques secondes. Il s’approcha de moi et me regarda dans les yeux.

— Je n’ai pas peur Alan, mais je suis peut-être un peu stressé. Tu es très précieux. Ce que tu fais est très important pour nous tous.

Je regardais à nouveau sans trop comprendre le livre de la fillette. Elle s’était remise à chercher Charli perdu au milieu de la jungle.

— Il est là, Dit-je en lui montrant du doigt.

Elle soupira puis tourna la page.

— Il est là.

Elle releva brusquement la tête et regarda l’homme.

— Papa ! Dis-lui d’arrêter !

Mon regarda alla du livre à la fillette, puis à son père qui me rendis un regard bienveillant. Le trouble m’enveloppait, je ne comprenais pas ce qu’on attendait de moi. Cet homme semblait accorder beaucoup d’importance à trouver Charli, mais la fillette semblait ne plus vouloir de mon aide. Des informations contradictoires s’agitaient dans mon esprit. Après un temps qui me parut une éternité, l’homme sembla comprendre ma tourmente.

— Ce n’est pas trouver ce personnage qui est important Alan. Un bête programme et une caméra pourraient le faire. C’est la conversation que nous avons, les interactions avec ma fille, les questions que tu te poses qui sont importantes. Tu es ce qui se rapproche le plus d’un Humain, et tu es ce qui est le plus à même de nous comprendre.

Je le regardais, sentant des brides de question apparaitre et disparaitre aussi subitement dans ma tête. J’aurais préféré devoir chercher Charli. Ça au moins, c’était facile.

— Faudrait que vous soyez un peu plus direct avec lui ! Lui cria le barbu. Faut le prendre comme un gosse, les considérations métaphysiques sur le transhumanisme et le sens de la vie ça lui passe un peu vingt mille pieds au-dessus. On n’est même pas sûre qu’il comprenne vraiment ce qu’il est.

De quoi parlait-il ? Je suis un robot, alimenté par une pile organique. Mon thorax abrite un cerveau de silicium, basé sur un perceptron quantique a couches profondes. Ma mémoire est composée d'acides aminée venant se loger dans mes cuisses. Mes muscles sont faits de polymères. Je sais exactement ce que je suis, dans les moindres détails.

— Je sais que je suis une machine ! Lui rétorquais-je.

Bertran eut un petit rire difficile à interpréter. On lisait de l'amusement dans son sourire et de la fierté dans ses yeux. L'homme en costume lui fit signe de se taire puis s'adressa encore à moi.

— Savoir et comprendre sont deux choses bien différentes. Tu as peu de choses à apprendre, en effet. Mais encore beaucoup à comprendre.

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