Chapitre 31

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C’est la première fois qu’il lui vienne à l’idée… Que Mercure puisse disparaître.
 On parle bien de la mort. La mort, le froid et le noir.
 Mercure lui paraissait immortel, trop doux et gentil pour s’attirer les foudres de qui que ce soit, trop timide pour attirer l’attention, trop bienveillant pour défier la mort. Il vivrait pour toujours et Agathe aurait connu la reconnaissance autant de fois qu’il le faudrait pour rester près de lui.

Alors pourquoi dans ces monstrueuses lettres on parle de lui découper la peau, lui prélever les organes et les stoker dans des bocaux avec une étiquette pour chacun des morceaux ?
 Agathe ne supporte pas de lire « Le Sujet » plutôt qu’un prénom. Elle claque des dents parfois, contracte sa mâchoire, chiffonne presque le papier avec ses doigts.
Les lettres sont en train de baver.
 Agathe se frotte les yeux avec ses poignets un par un, elle agite la tête, éloigne les feuilles de son visage. Ses poings finissent par taper sur la commode, peu importe que ça craque de temps à autre. Agathe enfin…
 Au moment le moins propice, Dylan fait son entrée dans la Maison de Porcelaine, un air toujours aussi détendu et les mains dans les poches, il a une cigarette au coin de la bouche.
 « Agathe, qu’est-ce qui t’arrive ? C’est rare de te voir autant en colère.
 — Tu m’as suivis ? Tu m’énerves Dylan ! Laisse-moi tranquille ! » Dylan recrache sa fumée en pivotant sa cigarette de l’autre côté de sa bouche.
 « Tu me manque, Agathe.
 — Nous avons déjà eu cette discutions ! Pendant qu’on y est, mon père est très en colère pour la vitre que tu as cassé.
 — Comment il sait que c’est moi ?
 — C’est facile Dylan, tu as écris avec un marqueur rouge sur la vitre, en plus de se lire complètement à l’envers depuis l’intérieur, et de l’humidité de l’air qui efface le message, il n’y a pas de j à « dégage ». Un message si peut intelligent ne peut être signé que par toi. » C’est presque drôle, mais les deux jeunes adultes n’ont pas les mêmes qualifications pour ce qui est drôle ou non. Agathe détourne la tête, elle ne veut pas le voir, pas maintenant. Quand Dylan est là, le temps est toujours orageux. Le garçon balance sa tête vers l’avant pour pointer les lettres blanches que la jeune femme plaque fermement contre le bois de la commode.
 « C’est ça qui te mets en colère ? Ils n’ont rien d’extraordinaire ces messages, c’est quoi le problème ? »
 Rien d’extraordinaire. Agathe essaie, elle fait de son mieux, elle voudrait se mettre à la place de Dylan pour comprendre où est la faille, où se situe l’erreur dans son cerveau qui l’empêche de considérer chaque mot comme grave.
 La faille, c’est que le nom de Mercure n’apparaît nul part.
 « Tu les as lu ? Comment ça se fait ! » Agathe monte en pression, ça n’a pas de sens. Le vent souffle d’avantage sur la Maison de Porcelaine. Dylan hausse les épaule en faisant rouler ses yeux.
 « On est déjà venu fumer une ou deux fois avec des potes, tout le monde se fiche de cette baraque. On a cassé une ou deux assiettes dans faire exprès.
 — C’était pour ça les morceaux de verres pleins de mégots !
 — On a recyclé ! Tu n’es jamais contente, Agathe. » Dylan retire sa cigarette consumée et la jette par terre, il ne prend pas la peine de l’écraser, l’humidité l’a déjà tué. Agathe pourrait lui lancer la première chose qui lui vient sous la main pour qu’il arrête de salir cet endroit merveilleux. Chaque bouffée d’air est un délit.
 « Et pour les lettres, c’est juste qu’on a fouillé un peu partout puis on les a trouvé. Pas très intéressant en fait, nous on cherchait de la thune.
 — Pourquoi essaies-tu de gâcher tout ce qui a de la valeur dans ma vie ? Tu ne peux pas t’en empêcher ! » Les remarques à son égard commencent à soûler le garçon, Agathe est moins nerveuse d’habitude. Il la voit se frotter les doigts et taper son pieds sur le sol. Une voix qui s’élève facilement, elle grince, et n’est pas mélodieuse.
 « Cette maison est à Mercure, n’y reviens plus jamais. »

Deux adultes se dévisagent violemment.

 « Tu l’aimes.
 — Je suis née pour ne vivre qu’avec lui. »

Le sujet est toujours le même. Le Sujet. Dylan le déteste.
 Il y a forcément une raison pour laquelle Agathe l’a aimé un jour. En tout cas, rien qu’elle ne puisse retrouver en Mercure. Des raisons qu’elle regrettes. Des regrets qui blessent Dylan.

Encore un méchant coup de vent vient taper sur les vitres de la Maison de Porcelaine. Dylan traîne son regard vers le bas, serrant ses lèvres et sa mâchoire inférieur. Ses poings son serrés et des mains enfin sorties de sa veste. Comme si aujourd’hui, c’était une vraie personne. Le regard d’Agathe déforme son visage, une douleur givrante qui pâli son teint.
 Le sujet fait un nouveau virage pour revenir aux lettres de l’horreur dans les mains d’Agathe. Dylan les observes avec haine.
 « C’est de Mercure dont il s’agit, n’est-ce-pas ? C’est le sujet de science si formidable dont parle ce docteur dans tous ces papiers. J’ai refusé de croire que ce gars avait quoi que ce soit de beau en lui, c’est juste un autre mec un peu bizarre que les gens évitent. Et moi aussi. » Dylan pose son regard sur celui d’Agathe, pourquoi est-il si changé ? Il est résolu. La jeune femme n’aime pas du tout ça. Ce n’est qu’une autre forme de folie qu’il puisse manifester. Mercure l’a déjà vu avant l’incendie.
 « Je vais faire un pas dans ta direction, Agathe. J’accepte d’admettre qu’il est différent, qu’il puisse fasciner, qu’il ait un truc en plus. Un truc que nous, nous ne pouvons pas comprendre. Tu sera d’accord avec moi, il n’a rien à faire ici avec nous. Ces gens ont raison, si c’est un sujet formidable pour la science, nous devrions leur donner.
 — Non ! » Dylan fait un pas en avant en tendant la mains, Agathe ressens le plus violent frisson de sa vie.
 « Donne-moi les lettres Agathe, je vais aller leur rapporter. Mercure ne nous gênera plus.
 — Jamais ! Tu ne peux pas faire ça ! Je ne te laisserai pas faire ! » Agathe crie de rage quand elle dit ces mots. Le tronc qui garçon se balance en avant, de plus en plus et il respire fort, on croirait à une de crise d’angoisse, ou de n’importe quoi d’autre. Tout ceci pendant qu’Agathe lui crie de partir, qu’elle ne veut plus jamais le voir. Le cœur de Dylan cogne d’avantage. Il va exploser, sa jalousie va le faire éclater en des millions de fragments. Ils ne sont pas fait de pierre comme Agathe le pense. Le garçon agrippe sa veste, ses ongles vont la déchirer. Il va hurler. Il va hurler.

 « Agathe !! »

La première assiette en porcelaine qui lui passe sous la main est jetée devant lui, droit devant. Agathe pousse un crie de terreur et se replie sur elle même, c’est ce qui la sauve de l’objet qui s’éclate sur le mur derrière elle. Le bois est abîmé, rien ne pourra le réparer. Quel son dévastateur. Une autre assiette s’écrase au sol et se fracasse en mille morceaux. Les motifs sont éparpillés, ils n’ont plus aucun sens. Au rythme de la pluie torrentielle qui s’abat dehors.
 Agathe pourrait s’enfuir, elle pourrait hurler à l’aide. Au lieu de cela, elle pleure, certes, mais elle s’arme aussi d’un objet en porcelaine.

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