Chapitre 24

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Agathe savoure la clarté de la lune. Assise sous le porche de la Maison de Porcelaine, la fraîcheur de la nuit lui fait du bien, malgré une toute petite brise qui soulève ses cheveux par moment. Elle a décidé de rester ici avec lui, Mercure etait toujours bien souvent seul avant le début de l’été, mais maintenant ce n’est plus pareil, elle s’inquiète pour lui et de savoir où il dort chaque nuit, bien qu’il n’ait plus de raison de dormir ailleurs que dans sa chambre à la maison. Son seul regret est de ne pas avoir prévenu son père d’où ils sont partit. Elle lui expliquera demain matin, il comprendra.
 Alors que tout est calme et tranquille, Agathe entend quelques grondements au loin, et un souffle de vent qui se lève. Il y aura peut-être de l’orage pour le reste de la nuit. La Maison de Porcelaine ne semble pas très bien isolée en revanche, elle commence à avoir peur qu’ils ne subissent la pluie. Agathe se demande si elle à le temps de retourner chez elle récupérer une couverture.
 Une branche craque sur le sentier qui mène à la petite maison, ce qui attire immédiatement l’attention de la jeune femme. Il faut dire qu’à part la lune, il n’y a pas de lumière ici, c’est assez inquiétant maintenant que le vent se lève et qu’elle entend du bruit. Agathe est prête à bondir dans la maison, son regard rivé en direction du bruit.
 « Salut Agathe ! »
 Elle n’en croit pas ses yeux, ceux-ci se remplissent instantanément de colère lorsqu’elle aperçoit le garçon à la veste rouge et aux cheveux de jais. Pourtant le garçon lui, se rapproche d’un pas tranquille. Comme s’il était normal de se balader dans la forêt en pleine nuit.
 « Qu’est-ce que tu veux ? Tu m’as suivis ? »
 Agathe se lève maintenant, en serrant les poings. Son humeur a changé instantanément. Il n’y a pas beaucoup de choses qui la pousse à un état aussi négatif. Le garçon monte sur l’estrade d’une enjambée et se permet de venir lui embrasser la joue. Avec dégoût sur le visage, Agathe le repousse immédiatement tout en reculant de plusieurs pas.
 « Me touche pas !
 — Tu veux qu’on y aille plus doucement ? D’accord, pas de soucis, ça prendra le temps qu’il faut, ma belle. » Le haussement d’épaule du garçon et son attitude décontracté agace au plus haut point Agathe.
 « Ça suffit Dylan ! C’est terminé, tu le sais très bien. Et puis, j’ai un copain maintenant. »

 Dylan.
 Le prénom d’un garçon peu fréquentable et d’une nature incroyablement jalouse. Il perd instantanément son sourire.
 « Comment ça ?
 — J’aime un garçon et on est ensemble maintenant. Je ne veux plus de toi dans ma vie. Rentre chez toi, je ne comprends même pas ce que tu fais à Dryade en pleine nuit.
 — Je suis venu voir ce qu’il en est de mon petit feu d’artifice au port. » Quand elle se rend compte de ce qu’il vient de dire, Agathe est prête à exploser. Son visage est décomposé et son cœur se met à battre plus vite.
 « Tu es à l’origine de l’accident au port ? Tu es en train de me dire que c’est de ta faute si mon père a du tout rénover ? Il donne toute son énergie à l’atelier ! T’es vraiment un connard ! »
Une violente bourrasque de vent les frappe, Dylan décide de refermer sa veste quand les premières gouttes légères tombent du ciel. La lumière s’amoindrit.
 « Je t’arrête tout de suite Agathe, c’est la faute du rouquin, s’il était pas venu nous déranger on aurait pas foutu le feu.
 — Mercure a passé beaucoup de temps à la clinique, il a gravement été brûlé à cause de toi ! » Dylan ne connaît pas ce prénom, et si Agathe en parle avec autant de rage c’est que…
« Quoi, c’est lui ton copain ! Tu sors avec un naze pareil ?
 — Je ne te permets pas de l’insulter ! Mercure a une infinité de qualité, c’est un très gentil garçon et il est doué d’amour, de vrai. Il ne te ressemble en rien. Ces quelques semaines passées avec lui valent bien plus que tout le temps que nous avons passé ensemble toi et moi. » Dylan ne semble plus du tout amusé, son regard est noir et on pourrait même penser qu’il se retient de lever la main sur Agathe, même si ça n’est jamais arrivé. Il prend une grande inspiration.
 « Tu regrettera Agathe, ce gars ne peut pas te donner autant que moi je t’ai donné.
 — Ton argent me dégoûte.
 — Tu avais l’air d’aimer le collier que je t’ai offert pourtant.
 — Je l’ai enterré. Le jeter à la mer aurait constitué un déchet pour elle. »
 A son tour Dylan, se charge de rage peu à peu, un grognement peu distingué s’échappe de sa gorge. Un coup de tonnerre résonne au loin. Si la discussion continue il se passera un drame.
 « Espèce de…
 — Dégage maintenant. » Agathe n’a jamais aussi mal parlé à quelqu’un, si son père l’a voyait il ne serait pas très fier. Mais la colère qu’elle renferme pourrait la pousser à hurler tellement fort que tout le village l’entendrait, même d’ici. Agathe est cependant plus intelligente que ça, elle ne s’abaisse pas à la violence aussi facilement que Dylan. Aujourd’hui, elle ne comprend même pas ce qu’elle a pu lui trouver dans le temps. Peut-être aveuglé par l’attention et les cadeaux qu’il lui offrait régulièrement. Elle sait maintenant que tout ça n’était que du vol, Dylan n’a pas grandi dans un quartier favorisé. Et tout cet argent qu’il obtenait, elle ne veut même pas savoir comment il se le procurait.
 Alors que Dylan s’apprêtait à lancer une dernière injure, Agathe lui crie une nouvelle fois de partir. Puisqu’elle refuse la conversation, il fait demi-tour et s’en va, les mains dans les poches, la folie dans les yeux, marmonnant pour lui-même. Son visage est sombre, une fois dans le noir de la forêt, il disparaît complètement. Comme un chat noir, comme une ombre après laquelle on ne peut pas courir.
 « Tu vas voir, ton gars, on va le faire disparaître et tu ne te souviendra même plus de son nom. Il ne t’évoquera plus rien, tu ne pensera même plus à la couleur dégueulasse de ses cheveux. »

Quand Dylan est assez loin, Agathe court se réfugier dans la Maison de Porcelaine. Elle n’hésite pas un instant à venir se blottir contre Mercure, quitte à subir la chaleur invasive qui se repend sur son corps. Seulement quand la poussé d’adrénaline et de colère redescendent, elle prend le temps de caresser son visage, ses cheveux, ses épaules. Elle embrasse ses joues avec douceur. La pluie se met à tomber plus fort dehors, et l’eau s’infiltre dans les parois de la maison. Le bruit qu’elle produit est presque identique à celui des cliquetis de la porcelaine. Agathe se met à murmurer.
 « Dylan est fou… il ne sait pas ce qu’il fait. Et s’il s’en prend à toi de nouveau, alors moi aussi je deviendrai folle. Je vais faire mon possible pour l’éloigner de toi, que tu puisses profiter du soleil comme avant sans avoir à te méfier du reste du monde. »
 Agathe ferme les yeux sans imaginer réussir à dormir après ça. Tout ce qui compte, c’est qu’elle soit blottit contre Mercure et qu’elle s’assure qu’il ne lui arrive rien pendant qu’il dort.

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