Chapitre 20

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Quelques jours plus tard, sous le soleil rayonnant, Monsieur Ford coupe du bois sur son établie, devant son atelier en vue d’un nouveau projet. Maintenant que son activité a repris, il se sent beaucoup mieux, joyeux à l’idée de travailler sur un nouveau navire de pêche que lui a commandé un de ses vieux amis d’un village voisin.
 Pour cette tranquille après-midi, Mercure lui tient compagnie, assis sur la chaîne de sécurité, il se balance doucement. De temps à autre, il regarde un chat noir qui se balade sur les remparts.
 Monsieur Ford se sert de sa scie sauteuse par intervalle de temps, le bruit n’est même pas désagréable, et Mercure aime voir de nouveau morceau de bois tomber au sol. Toutes les planches sont regroupées contre le mur de pierres, elles ne sont pas encore poncées, et Monsieur Ford compte en découper encore une vingtaine.
 « Agathe ne veut toujours pas sortir de sa chambre ?
 — Non, elle a dit qu’elle devait s’occuper de ses cours pour la rentrée. » Monsieur Ford apporte une nouvelle planche à découper, puis allonge son mètre dessus, elle doit mesurer exactement deux mètres dix. La mine de son crayon est tellement grasse et écrasée que le trait mesure à lui seul au moins trois centimètres d’épaisseur, il s’en sort quand même.
 « Ça ne t’intéresserait pas de te lancer dans une ou deux années d’études, comme Agathe ? Étudier à la maison a quelques avantages agréables. » La scie gronde encore pendant une dizaine de secondes, et le bois tombe par terre. Le jeune homme hausse les épaules, sans quitter la planche des yeux.
 « Pour étudier quoi ?
 — Je ne sais pas, quels sont les sujets qui t’intéressent dans lavie ? »
 Cette fois Mercure ne hausse même pas les épaules, il ne sait pas, rien ne lui vient à l’esprit. De plus, il voit des problèmes évidents qui l’empêcheront d’étudier de façon régulière. L’été est synonyme de vacances pour les étudiants, et Mercure ne voit pas l’Hiver.
 « Tu n’es pas obligé d’entamer des études importantes, tu peux t’intéresser à des sujets plus légers, comme l’apprentissage d’un instrument, le théâtre, ce genre d’art. Ou même une autre langue. »
 Mercure se met à penser. Il se souvient d’une fille qui rêvait de chanter, et qui ne s’épanouissait pas du tout en tant que secrétaire dans un cabinet d’avocats. Elle passait sa journée à taper sur sa machine à écrire et le soir quand elle rentrait, elle n’avait qu’une envie, c’était de fumer sur le bord de son balcon. Il faisait bien souvient nuit et elle ne pouvait rien distinguer du décor nocturne. C’était le meilleur moment pour s’imaginer porter une magnifique robe évasée, et chanter devant un public intéressé.

C’est arrivé l’année d’après.

Mercure était installé à une table dans une brasserie de centre-ville, une scène et des instruments de musique étaient disposés dans le fond. La lumière tamisée donnait le sentiment de se retrouver dans un sommeil léger, où les oreillers seraient en plumes. Un piano doux avait ouvert la représentation, et accompagnait parfaitement la voix de la chanteuse sur scène. Comme une chaussure à son pied. Son rouge à lèvres se déformait et s’étirait selon les notes toujours justes et brillantes, et les projecteurs faisaient luire les sublimes cheveux blonds de la femme. Amélie était la chanteuse la plus douée que Mercure n’est jamais vu. Elle n’avait pas fait les moindres études pour y arriver, elle chantait tard le soir au travail quand le bureau de son patron était désert.
 La première fois qu’il l’a entendu chanter, c’était le soir de leur rencontre, dans un bar alors qu’un anniversaire se fêtait. L’ambiance était très agréable même si Mercure ne connaissait pas tous ces gens, lui n’était que de passage. Jusqu’au moment où une jeune femme blonde vint s’asseoir en face de lui, complètement saoule. Ils se regardèrent un instant, Mercure visiblement gêné, puis la femme éclata de rire, sa bière s’agitant dans tous les sens dans sa main droite.

Mercure était immédiatement tombé amoureux de ce rire.


Le rouquin est sorti immédiatement de ses pensées lorsque Monsieur Ford pousse un cri tout en lâchant la scie et la planche de bois. En activant l’engin, le chat trop rapproché a pris peur et s’est empêtré dans les jambes de l’homme. A présent, le gant de sécurité est imbibé de rouge coulant sur le sol.
 « Vous vous êtes blessé ! » S’écrie Mercure en se rapprochant pour aider Monsieur Ford à retirer son gant. Le père d’Agathe appuie fermement contre la blessure au creux de sa main, le sang se repent partout et tache maintenant ses vêtements.
 « Va voir dans le meuble, il y a une trousse de secourt dans le tiroir du bas. » Mercure ne perd pas un seul instant, il se précipite vers le meuble en bois et en extirpe la petite mallette transparente sur laquelle est collée une croix rouge autocollante. Monsieur Ford commence à ressentir quelques vertiges et ne parvient plus à presser la plaie suffisamment fort pour empêcher le sang de passer. Mercure vient l’aider à s’asseoir sur le tabouret près de l’établie avant que l’homme ne s’effondre par terre, et appuie sur la plaie avec ses deux mains.
 « Asseyez-vous, on va la recouvrir, puis on ira à la clinique.
 Les mains de Mercure sont chaudes, Monsieur Ford peut les sentir malgré la blessure. Le rouquin retire ses mains et se dépêche de prendre ce dont il a besoin dans la mallette. Une compresse, du bandage, de l’aseptisant. Pendant ce temps, Monsieur Ford observe l’intérieur de sa main.

Il n’y a plus rien.

Alors il retourne sa main, inspecte la seconde au cas ou la douleur lui fasse perdre la tête, mais toujours rien. La blessure a disparu et sa main se porte à merveille. Même la douleur vient de s’envoler. Ne reste que le sang qui sèche sur sa peau.
 « Mercure... » Le garçon se retourne, il vient de préparer un disque de coton avec du désinfectant dessus et s’apprêtait à l’appliquer dans le creux de la main de Monsieur Ford. Il se retrouve lui aussi hébété quand il ne voit plus la blessure à soigner.

« Tu as posé tes mains sur la mienne, et maintenant, il n’y a plus rien. »

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