Chapitre 19 - 1020 -

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Rapidement, je me refais l’histoire. Je repense à la fois où Stazek avait disparu lors d’une opération et que j’étais reparti le chercher, prenant beaucoup de risques. Je n’ai jamais véritablement compris ce qu’il s’était passé. Puis il y a eu la fois où Tito s’est fait tiré dessus, et si c’était un piège ? Si nous étions attendus sur place et qu’il s’agissait d’un réel guet-apens ? Je revois Stazek de plus en plus nerveux au fur et à mesure des opérations. Je repense aux mots de Picouly sur la trahison puis je chasse cette idée, je ne suis pas superstitieux, je ne dois pas me fier aux histoires de grand-mères.

Il n’empêche que j’aurai dû être plus méfiant, davantage vigilant. Je me souviens de ce que ma sœur m’a dit lorsque Tito a été blessé : s’il arrive quelque chose à Yankee ou un de mes frères, je ne te le pardonnerai jamais ! Elle a été très sèche, me tenait pour seul responsable et je sais qu’elle a raison.

Je suis le donneur d’ordre, celui qui a lentement entraîné sa famille, ses amis, sur cette douce et terrible pente, sans en mesurer les risques et les enjeux. J’ai foncé tête baissée, appelé par l’appat du gain et la volonté de m’élever au plus haut point afin de me venger.

Me venger de mon oncle et de Pierrot qui m’ont sans cesse rabaissé, me venger de la perte d’Agnès parce que je ne la méritais pas, me venger de la vie qui m’avait tout pris ou plutôt rien offert.

Voilà où cela m’a mené. Je vais gâcher ce que j’ai de plus précieux et que j’ai négligé : ma famille et mes deux amis. Je ne peux plus faire marche arrière, quelque chose de grave s’est produit, je le sens, je le sais.

Je me ressaisis, chasse ces foutues idées noires, ces angoisses qui m’assaillent pour reprendre le partage des billets. Il faut en finir et que cet argent disparaisse rapidement.

— Tito, tu vas distribuer sans plus attendre ! Tant que nous n’avons aucune confirmation, je mettrai la part de Stazek de côté.

— Et si c’est validé ? m’interroge-t-il en fourguant une liasse dans la poche de son blouson.

— On avisera…

Je me tourne vers Paco assis à côté de moi.

— Débarrasse-nous de tous les pistolets et fusils qui ont servi lors des dernières affaires. Surtout ceux des échanges de coups de feu ! Si tu doutes, tu jettes ! Balance ça au fond d’un lac vaseux ou je ne sais où, surtout dans un endroit où on ne les retrouvera pas…

Je marque une pause et me rallume une cigarette. Il faut que je termine ça et que je me débarrasse de quelques notes qui sont dans ma caravane. Heureusement que je n’ai pas l’habitude de conserver quoi que ce soit, que je fonctionne avec ma tête et ma mémoire...

— Yankee et Karlo, vous allez vous renseigner, depuis une cabine téléphonique dans Bordeaux, un endroit relativement neutre. Soyez prudents. Vous revenez dès que vous avez des infos. Prévenez vos femmes pour qu’elles se tiennent prêtes à partir sur le champ si les nouvelles sont mauvaises !

Une fois le partage terminé, je prends ma part et fonce dans ma caravane. Je rassemble les cartes qui contiennent les tracés de la dernière opération, mon carnet de notes et de calculs, quelques tickets de paiement de plein d’essence et tout ce qui pourrait servir de preuves pour mon implication : cagoules, pistolets, cartouches, fusils…

Tout se qui se brûle est aussitôt placé dans le barbecue qui flambe. Le reste est donné à Paco qui se chargera de tout faire disparaître.

Puis j’attrape un large sac de sport dans lequel je mets mon passeport, suffisamment d’argent pour tenir plusieurs mois et quelques habits de rechange.

Puis je me positionne sur ma terrasse, dans l’attente du retour de Yankee et Karlo.

Je ne suis pas tranquille, que va-t-il advenir ? Est-ce que je pourrais me pardonner d’avoir tout gâché ? Si je disparais, qui va s’occuper de mes chiens et prendre la relève du camp pendant mon absence ? Et surtout, où vais-je me rendre ?

Un peu plus de trois heures plus tard, Karlo et Yankee reviennent enfin. À leur allure courbée et leurs visages tendus, je comprends que les nouvelles sont mauvaises.

— C’est pas bon pour nous… lance Yankee.

— Le requin est en garde à vu. Il y a eu une descente des schmits hier soir juste après notre départ.

— Stazek est une balance, c’est tout ce qu’ils ont bien voulu me dire. On ne sait pas s’il est chez les flics ou si les hommes du requin s’en sont chargés…

— Alors on doit plier bagage, de suite et on verra comment le requin s’en sortira ! On n’a pas le choix… Il faut dissoudre le camp et tous se séparer !

Sans plus attendre, nous mettons tout en ordre chacun de notre côté, puis moins d’une heure plus tard, nous nous réunissons tous au chalet, cette fois-ci pour nous dire au revoir.

Ma sœur Picouly pleure et Yankee doit faire preuve d’autorité pour la convaincre. Ils vont se rendre dans sa famille, vers Lyon. Elle serre dans ses bras toutes les personnes qu’elle croise, sauf moi. Elle me tient pour responsable.

Paco part avec sa femme à Marseille chez des cousins éloignés. Tito va aller au Pays basque avec la fille qui vit avec lui pour officialiser leur union puis il rejoindra Paco un peu plus tard.

Karlo emmène Belinda en Espagne, il préfère quitter la France et se mettre à l’abri en dehors des frontières.

De mon côté, mon sac est déjà prêt et mon choix de destination réfléchi. Il faut juste que je confie la responsabilité de mes chiens et du camp a quelqu’un, jusqu’à mon retour.

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