Chapitre 15 - 1148 -

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Les semaines passent à une vitesse folle et je constate que nous sommes de mieux en mieux organisés. Sur le terrain, tout roule comme sur des roulettes et même si je soupçonne certains de mes cousins d’avoir gardé des liens avec Bastian, je pense pouvoir compter sur eux. Ils auraient beaucoup trop à perdre s’il me trahissait et la peur d’être écarté de l’embellie que nous vivons est une pression suffisante. Le renvoi de Loran et sa famille est a servi de mesure exemplaire et a calmé les langues et les esprits rebelles. L’argent qui ne manque pas a fait le reste du boulot, la page semble pour le moment tournée et chacun vogue attentivement à ses occupations. Le clan est soudé, plus que jamais. J’en découvre chaque jour avec satisfaction les avantages, mes cousins me vouent une véritable admiration et fidélité.

En échange, je m’applique à garder de bonnes relations avec le requin et chaque semaine de nouvelles commandes arrivent.

Je valide toutes les opérations, au préalable travaillées dans le détail avec les principaux collaborateurs de mes débuts. Paco, Tito et Yankee gèrent les équipes tandis que je peux compter sur Karlo et Stazek pour les transactions.

Ces deux derniers passent beaucoup de temps avec moi dans mon chalet et depuis que Loran n’est plus là, ils peuvent aller et venir à leur guise sans être la source de suspicion ou de surveillance. Tout le campement les a largement intégrés, ils font désormais parti de la famille, même s’ils vivent à l’extérieur dans des appartements respectifs. Je ne leur connais pas de petites amies régulières, un peu comme Tito et moi, ils accumulent les aventures d’un soir ou parfois de quelques jours.

Malgré mon implication dans la gestion globale des affaires, je continue de me déplacer lorsque la commande est complexe. C’est ainsi que j’ai décidé d’accompagner Tito, sur une opération dans le Sud. Celui-ci prévoyait de s’y rendre avec Stazek et deux novices, mais de ce que ces derniers, partis en repérage, m’ont rapporté, la bagnole est dans le sous-sol d’une villa, mieux gardé qu’un coffre-fort de banque.

Mon frère, Karlo et mes deux jeunes cousins, ont réussi à s’infiltrer dans l’habitation et ce sont fait enfermer à l’intérieur, tandis que je patiente dans la voiture, avec Stazek.

Demeurer inactif pendant que le reste de mon équipe est en train d’intervenir me rend terriblement nerveux. Rien de ce qu’il se trame à l’intérieur de la résidence ne filtre et comme Stazek n’est pas plus bavard que moi, le silence est vraiment pesant. Nous n’avons pas d’autres occupations que d’enchaîner cigarette sur cigarette.

Soudain, un échange de plusieurs coups de feu nous sort de notre léthargie.

— Merde ! dis-je en jetant ma clope.

J’ouvre ma fenêtre et regarde autour de moi pour vérifier d’où cela provient ; à nouveau des coups, que je reconnais être des tirs de fusil, font écho dans la rue tandis que des chiens se mettent à aboyer et que des lumières s’allument dans les maisons.

Sur le champ, je demande à mon fidèle ami de démarrer la voiture, prêt à quitter les lieux en vitesse si l’aventure tournait mal.

— Putain, faut qu’ils sortent, prie Stazek à haute voix, en tapotant le volant.

Son vœu ne tarde pas à être exaucé. Nous écarquillons grands les yeux quand la caisse que nous convoitons traverse la porte de garage dans un énorme fracassement.

— Putain, ils ont détruit tout l’avant ! grogne mon coéquipier alors qu’il s’engage à les suivre.

Nous parcourons une quinzaine de kilomètres dans la nuit. Je n’ai qu’une hâte, que nous nous arrêtions afin de comprendre ce qu’il s’est passé et surtout contrôler que tout le monde va bien.

Avec ce que me bassine Picouly ces derniers temps, j’ai peur qu’elle nous ait porté la poisse. Je chasse aussitôt cette idée en me disant que chacun façonne son destin par ses propres décisions.

Tant pis pour l’état déplorable de la voiture, ce sont les risques du métier et ce n’est pas la première que nous vendons qui aura la carrosserie à restaurer.

Lorsque nous nous arrêtons à hauteur du coupé sport, je constate que le pare-chocs est à moitié arraché. J’ouvre ma portière en même temps que Karlo, découvrant avec surprise que c’est lui qui a pris le volant. Chose totalement inhabituelle, puisque Tito conduit tous les bolides mieux que quiconque et surtout ne laisse jamais sa place.

— Scar, on a un problème… Tito est blessé !

Je retiens ma respiration et dans la foulée, mon cœur s’arrête de battre. Mon frère, mon double, mon compagnon de toujours, comment va-t-il ?

Je me penche dans l’habitacle obscur de la voiture et l’aperçois à l’arrière semi-allongé et recouvert de sang.

— Putain ! hurlé-je en ouvrant la porte pour constater par moi-même.

Je retrouve mon souffle lorsque Tito murmure qu’il va bien, ce qui me semble absolument impossible vu tout le sang qu’il a perdu.

Sa main droite sur le cœur, il se tient le torse et j’identifie sur le champ sa blessure.

Je recule d’un pas et me passe la main dans les cheveux. Je n’ai que très peu de temps pour prendre une décision. Livrer la voiture puis m’occuper de Tito ? Chercher un hôpital et abandonner la caisse ? Les enjeux sont énormes, mais rien ne vaut plus que la vie de mon frère.

Je me penche à nouveau vers lui et je l’interroge :

— Tu peux bouger ? Marcher ? T’as mal ?

— Tu poses trop de questions, Scar ! me répond-il en tentant de se lever.

— Aidez-le !

Je crie, je m’agite pour sortir moi-même mon frère de l’habitacle. Je ne me contrôle plus, pourtant je sais que les bonnes décisions se prennent la tête froide.

Tito tient à peine debout, il gémit, mais ne se plaint pas. Au contraire, il s’excuse et tente de se justifier pendant que je l’adosse au capot de notre voiture et l’oblige à se taire.

— Faut que je regarde !

Je tire sur son T-shirt tâché de sang pour vérifier la plaie.

— Ça va, Scar, se défend-il. Finis ce que t’as à faire, bordel, t’occupes pas de moi…

Je découvre son torse perforé sur un côté, la balle semble l’avoir bien éraflée, peut-être a-t-elle-même touché quelque chose, mais cela n’a pas l’air d’être les poumons ni le cœur. Il saigne tout de même énormément et je devine qu’il faut immédiatement faire un point de compression.

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