Chapitre 14 - 1199 -

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Je n’ai pas changé grand-chose à la vie du camp depuis ma nomination officielle. Les affaires étaient déjà bien établies et j’ai rassuré mes cousins en leur confirmant que je ne leur demanderai pas de réversions de leur salaire, et que je distribuerai équitablement en fonction des diverses tâches leur paiement. En revanche, je suis intransigeant sur la discrétion et la fidélité. Ce qui se déroule au camp, demeure sur le camp. Pas de confidences sur l’oreiller, les femmes n’ont pas besoin de connaître nos plans, rien ne doit jamais filtrer à l’extérieur du terrain.

Loran, Bastian et Lucinda ont débarrassé le plancher, tel que je l’ai imposé. Ma sœur est extrêmement contrariée après moi et pour ne pas en rajouter davantage, j’ai consenti à héberger Belinda quelque temps.

Je regrette déjà cet accord. Ma caravane est la plus spacieuse du camp, pourtant, la belle blonde et son rejeton occupent tout l’espace. La cuisine est envahie de biberons en attente de stérilisation, les poubelles regorgent de couches sales et des layettes en train de sécher sont suspendues un peu dans les pièces. De plus, le marmot pleure beaucoup, notamment la nuit et les cloisons ne sont pas suffisamment épaisses pour isoler les cris qui font aboyer mes chiens. J’étouffe, je ne me sens plus chez moi. J’ai vécu beaucoup trop longtemps seul pour pouvoir accepter leur présence.

Je m’occupe à l’extérieur en compagnie de Cannibale et Tennia puis sitôt après dîner, lorsque je ne travaille pas sur un projet, je sors avec mes frères, à la recherche d’une fille pour passer un moment et me détendre. Chaque fois que j’élabore un nouveau plan, je m’enferme très tôt dans ma chambre pour éviter de croiser mes colocataires.

C’est le cas ce soir lorsque la nuit tombe, après une bonne douche, je m’isole dans ma piaule en attendant et que le marmot cesse enfin de pleurer.

Mais cette nuit, à peine s’est-il endormi que Belinda gratte à ma porte.

J’hésite un moment avant de lui répondre. J’ai déjà envisagé la situation et elle est parfaitement claire pour moi. Je finis tout de même par bougonner une invitation à ouvrir.

Belinda, en nuisette, passe sa tête dans l’embrasure. Elle scrute mon torse nu et cherche à percer la signification de mon dernier tatouage : un étalon noir.

— Scar, je voulais te dire bonne nuit et merci encore et encore pour ce que tu as fait.

— Tu me l’as déjà dit hier et avant-hier et encore le jour d’avant… Tu vas pas me le dire chaque jour.

Belinda sourit et s’avance d’un pas tandis que je pose le livre que je tenais pour me redresser.

— Je peux dormir avec toi, si tu veux… me propose-t-elle en se mordant la lèvre.

Je prends une mine surprise alors que je ne le suis pas du tout et je me passe la main dans les cheveux.

— Ta suggestion me touche, et…

Évidemment, je ne dirai pas non pour une partie de jambes en l’air comme nous en avions l’habitude autrefois, mais le gosse qui pionce à côté me rappelle que je dois être raisonnable. Je n’aime pas Belinda et je peux trouver à l’extérieur une fille bien plus jolie pour s’occuper de moi. La blonde a perdu de son charme après l’accouchement, elle a pris pas mal de poids qu’elle semble avoir du mal à perdre et son visage est un peu plus rond. J’analyse tout de même les formes de son corps qui ne sont pas pour me déplaire, je dois bien l’avouer. Mais je me ravise immédiatement, je sais que si je remets le couvert avec la blonde, je ne pourrais plus faire marche arrière cette fois. Alors je réussis à lui dire assez peu convaincu :

— Ce serait mieux que tu dormes avec ton fils !

Belinda pince ses lèvres et hésite. Je suis conscient que si elle insiste trop, je n’aurai pas la force de la repousser, mais elle finit par faire demi-tour et me souhaite une bonne nuit avant de fermer la porte.

Je me replonge dans mon livre et sors mon bloc-notes pour me remémorer l’endroit où je me suis arrêté dans les préparatifs de ma dernière commande. Après avoir pas mal progressé sur le projet, je m’écroule dans un profond sommeil.

À peine quelques heures plus tard, les cris du mioche m’extirpent du pays des rêves. Encore à moitié assoupi, je remue dans mon lit en bougonnant, me souvenant vaguement des avances de Belinda la veille. Les pleurs se font de plus en plus perçants et comme à l’accoutumée, mes chiens se mettent à aboyer. Maintenant, complètement réveillé, je suis à bout. Je ne supporte plus la présence du bébé ni de Belinda. Il faut que cette situation cesse une bonne fois pour toutes.

Décidé de faire bouger les choses, je me lève furieux, sans prendre la peine d’enfiler un pantalon.

Dans le couloir, la lumière est allumée et Belinda, le gosse contre elle, s’affaire à préparer un biberon.

— Je suis désolée… murmure-t-elle en saisissant que le marmot m’a réveillé.

Je m’avance vers elle, lui passe à proximité et tends le bras pour lancer la cafetière. Je soupire fortement en découvrant que l’horloge affiche quatre heures et que Belinda n’arrive pas à calmer le bébé qu’elle berce avec ténacité.

Je cogne un coup dans le Plexiglas pour faire taire mes chiens à l’extérieur. La blonde comprend que je suis énervé et me regarde avec désolation en saisissant le biberon enfin chaud.

— Tu veux lui donner ? me demande-t-elle en me tendant son enfant.

C’est la première fois que je me retrouve aussi près de lui. Nos deux visages se font face, lui la bouche grande ouverte, réclamant son lait et moi la bouche bée de le découvrir si virulent.

Sa tache de naissance est bien présente, rouge vif, formant exactement la même auréole que la mienne, comme si le dessin avait été calqué au millimètre près. Je ne sais pas trop quoi en penser si ce n’est qu’en effet il s’agit bien de mon fils. Je ne suis pourtant pas le moins du monde saisi par un élan d’amour quelconque ni même d’affection, bien au contraire, apeuré par le petit être vulnérable, je le repousse.

— Non, je veux pas le toucher…

Belinda semble déçue et recule. Elle s’assoit sur la banquette et enfourgue la tétine dans la bouche du mioche qui cesse aussitôt de geindre et avale avec intensité le liquide.

— Il t’a réveillé ? m’interroge-t-elle.

Je confirme d’un coup de tête en me servant mon café puis je me tourne vers elle pour lui annoncer ma décision.

— Demain, je vais vous acheter une caravane. On la mettra à côté de la mienne, tu seras en sécurité avec les chiens autour et au moins tu seras chez toi…

— D’accord, approuve-t-elle.

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