Chapitre 13 - 1131 -

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Cette nuit, il n’y a ni lune ni étoiles au-dessus de ma tête pour observer la scène. La cadence régulière de mes pas sur le sol caillouteux et l’odeur des pins mouillés, qui s’agitent au tour de moi, me guident. Dans l’obscurité la plus totale, je longe le petit chemin creusé par les passages quotidiens pour me rendre vers le camp. Mon fusil sur l’épaule, je suis décidé à faire disparaître mon ennemi. Je ne suis pas stressé, seulement habité par la colère et la haine. Le temps de nous affronter est arrivé, Bastian ! Je ne reculerai plus devant toi, tu as dépassé les bornes et réveillé au fond de moi mes pires cauchemars. Aujourd’hui, je ne te crains plus et tu vas payer cher ce que tu m’as fait !

En passant à proximité des caravanes de mes frères et de Picouly, je prends garde à ne pas faire trop de bruit en marchant. Aucune lumière ne filtre et j’en déduis qu’ils doivent tous dormir, tant mieux, ils ne se mettront pas en travers de ma route.

Lorsque finalement j’arrive au centre du terrain, je tourne après le grand orme pour atteindre la caravane silencieuse de Bastian qui a du tomber raide à cause de l’alcool. Je me positionne à quelques mètres de la porte d’entrée.

Seul, au milieu de la nuit, tandis qu’un vent frais me caresse le visage, je me souviens de mes premiers jours ici, de Bastian qui faisait le malin et qui roulait les mécaniques, de ses railleries incessantes sur ma façon de parler ou de m’habiller, de cette putain de raclée qu’il m’a donnée alors que deux cousins me tenaient, toutes les années où j’ai attendu patiemment que ce moment advienne enfin. Je n’ai rien oublié.

La haine ne m’a jamais quitté, elle est désormais plus forte quand j’arme mon fusil pour cibler la porte de Bastian. Sans réellement viser, ni me poser de question, j’appuie sur la gâchette. Le coup sec et puissant part, pulvérisant la porte sur le champ. Un cri grave suit, identique à celui d’un animal apeuré, il s’agit seulement de mon ennemi qui a probablement sursauté à cause de la détonation et de l’explosion. Dans leur chenil grillagé, les chiens aboient et hurlent à la mort tandis que tout autour de moi des lumières s’allument dans les caravanes. J’ai réveillé tout le camp et je vais leur montrer qui est désormais leur chef.

Cette place devait revenir à Paco, mais il n’a jamais osé la prendre. Je ne suis pas de cette veine, j’ai assez attendu, l’heure est arrivée. Bastian et Loran ne sont plus rien. Ils ont perdu toute autorité lorsque j’ai décidé de ne plus leur reverser mes gains et encourager mes cousins à faire de même. Je les ai petit à petit appauvris et ruinés. Puis il y a eu le déshonneur de Lucinda, sa grossesse hors mariage, le scandale sur le mystère de sa paternité. Loran ne lui adresse plus la parole. Maintenant, il y a Belinda qui a accouché d’un fils qui me ressemble, qui porte ma marque. Bastian et Loran n’ont plus rien, ni fortune, ni dignité, ils ne méritent plus la place qu’ils occupent. Cette place qui me reviendra si Paco la refuse encore.

— Scar, pose ton fusil, m’ordonne la voix étranglée de Loran.

Il est debout, torse nu, son gros ventre proéminent et répugnant en avant, sur le seuil de sa caravane, juste à côté de celle de son fils.

Je ne bouge pas d’un pouce, continuant de braquer mon arme en direction de Bastian qui peine à sortir. Ça remue à l’intérieur de son habitacle, comme s’il cherchait quelque chose, peut-être son fusil.

— Oh non, Scar ! S’il te plaît, ne le tue pas ! me supplie maintenant Lucinda en pleurs.

Elle s’avance vers moi, pieds nus, dans sa nuisette blanche qui vole au vent. Je jette à peine un œil vers elle, le temps pour moi de l’obliger à fuir.

— Dégage de là où je retire sur Bastian ! Cette histoire ne te concerne pas !

Elle s’arrête et me dévisage avant de comprendre qu’elle ne me fera pas changer d’avis. Elle s’enfuit alors vers la caravane de Picouly.

— Bastian, tu as trois minutes pour sortir ! On doit parler d’homme à homme ! Si tu ne te pointes pas, c’est moi qui viens te chercher…

Droit et fier, j’attends tandis que mes cousins et leur famille se rassemblent autour de moi. Ils essaient à tour de rôle ne me raisonner, mais je n’écoute pas, je reste concentré sur la porte arrachée.

Les trois minutes s’écoulent alors que mon adversaire ne s’est toujours pas montré. J’avance d’un pas décidé et sans hésiter, je pose un pied sur le plancher éclater. Je découvre au milieu des décombres et d’un bazar monstre, Bastian agenouillé.

— Mon cousin me tue pas, me tue pas ! supplie-t-il en s’inclinant devant moi.

La rage de le voir si faible m’envahit et je lui assène un grand coup de pied dans le ventre.

— Dehors !

Je le pousse vers la porte et l’oblige à sortir.

— Scar, ça suffit ! me crie Picouly

Un long châle en laine sur les épaules et tout échevelée, elle s’avance vers moi alors que Yankee tente de la retenir

— Pose ton fusil, fais pas le con ! me demande Paco.

En cercle, autour de la caravane défoncée, toute ma famille s’est réunie.

Bastian gise au sol, encore ivre de sa nuit.

Je pointe le canon de mon arme vers Loran.

— Je vais m’adresser à toi, mon oncle ! Désormais, tu n’es plus rien ! Personne ne te doit plus rien ! Ici, c’est chez nous. Mon père était chef avant toi et cette place revient à Paco.

— Scar ! tente de m’arrêter mon frère.

— Laisse-moi finir !

— Loran, au lever du jour, tu vas prendre ta caravane, ton fils et ta fille ainsi que tout ce qui vous appartient et vous allez disparaître ! Vous n’êtes plus les bienvenues sur notre camp. Si vous avez le malheur de revenir, je n’hésiterai pas à vous tuer.

Je pointe maintenant mon flingue en direction de Bastian.

— Ce que tu as fait à Belinda n’est pas digne d’un homme, tu n’es rien Bastian, tu m’entends ? Ta femme et le petit restent ici !

Je désarme mon fusil et lance à mes frères et Picouly :

— Réunion de famille à midi ! Et allez tous vous recoucher, y a plus rien à voir.

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