Chapitre 4 - 1779 -

7 minutes de lecture

Chapitre 4

Je suis pleinement satisfait du travail de repérage que font mes petits cousins, ils commencent enfin à être attentifs et précis sur mes demandes. Ces derniers ont également de plus en plus l’œil affiné et savent trouver par eux-mêmes ce qui peut être susceptible de m’intéresser. Ainsi, après avoir fait l’étal de toutes leurs propositions, je me creuse la tête pendant plusieurs jours pour me décider sur le modèle de voiture qui va convaincre notre futur acheteur de bosser avec nous.

Je suis incertain et la pression monte, tandis que le temps passe et que notre rendez-vous pour la première livraison approche. C’est compliqué de s’aventurer à sélectionner un modèle puissant, propre et surtout de grande valeur. Cela ne court pas les rues et je cherche la perfection pour séduire mon nouveau collaborateur. Après en avoir longuement discuté avec mon clan, notre choix finit par se porter sur une Lamborghini Diablo Roadster VT rouge écarlate résidant sur La Rochelle.

Une fois décidés, nous passons rapidement à l’action.

Notre début de nuit se déroule à merveille, Karlo nous conduit dans une 205 GTI que nous avons dérobé en début de soirée. Pas question de nous faire remarquer au volant d’une de nos voitures. Il nous emmène à l’adresse que je connais par cœur et dans laquelle se cache le trésor que je convoite.

Assis sur le siège passager, je lui fais signe de se garer à proximité de la résidence, dans une impasse sombre. J’ai mémorisé le plan de la ville pour ne pas m’encombrer d’une carte, je sais exactement où nous nous trouvons et les issues potentielles. Sur la banquette arrière, impatient, Tito charge son arme et tend des munitions à Stazek. Nous répétons une dernière fois ce que chacun doit faire par la suite tandis que je planque deux pistolets dans le fourre-tout tableau de bord.

— On met les cagoules ? m’interroge Tito.

— Les gants aussi !

J’insiste sur ce fait, je ne tiens pas à ce que nous laissions nos empreintes partout, la police est de plus en plus performante sur le sujet et j’ai lu plein d’articles dans la presse où les voleurs ou assassins sont confondus à cause des traces de doigts trouvées sur les lieux du crime.

Nous sommes quasiment prêts à sortir du véhicule quand deux faisceaux lumineux s’engagent dans l’impasse et foncent vers nous. Tito annonce une Ferrari. Mais immédiatement, à la forme particulière des phares et au son du moteur, je comprends que mon frère se trompe et qu’il s’agit du bolide que nous sommes venus chercher :

— C’est la Lamborghini, la voiture la plus puissante du moment : 492 chevaux !

— Qu’est-ce qu’elle fout là ? m’interroge Karlo aussi surpris que nous tous.

Après la phase de stupéfaction, tout le monde s’affole dans l’habitacle. Notre plan doit être totalement revu et nous devons improviser.

— Merde, on fait quoi ? demande Karlo qui démarre la 205.

— On la suit, ça sera certainement plus facile de l’avoir à l’extérieur.

Nous n’avons plus de temps à perdre, Karlo fait demi-tour sur le champ et après un léger dérapage, entreprends de poursuivre la Lamborghini.

— Garde la distance, on doit pas se faire repérer.

La bagnole devant semble s’amuser à accélérer, puis à ralentir, elle grille même deux feux rouges auxquels nous préférons nous arrêter pour ne pas attirer l’attention.

Lorsque la voiture finit par s’engager sur les quais, elle se calme et prend une allure réglementaire. Il fait noir et tout est désert, nous sommes en semaine, nous évitons les bandes de joyeux lurons qui traînent ici le week-end.

— Il va se garer au tabac… commente Tito, en se cramponnant à la poignée au-dessus de sa tête.

Aussitôt, je jette un coup d’œil autour de moi à ma montre qui affiche minuit. Il n’y pas un chat sur les quais, la ville est morte. Je ne comprends pas pourquoi notre gars est sorti en Lamborghini se chercher des cigarettes, mes petits cousins n’ont jamais noté cette habitude. Il a d’autres véhicules, pourquoi choisir celle-ci ? Ne trouvant pas les réponses à mes interrogations, je songe qu’il faut réagir vite si on ne veut pas lui laisser l’opportunité de nous filer entre les doigts. Lorsque je vois l’homme stationné en double file descendre de sa bagnole, j’annonce avec certitude :

— OK, on met les cagoules et on le cueille à la sortie !

Karlo se gare à quelques mètres, sur un emplacement de parking, derrière un utilitaire qui cache notre voiture, mais lui permet d’observer. À partir de là, tout s’enchaîne excessivement vite. L’homme verrouille sa caisse alors qu’en même temps, Stazek, Tito et moi, masqués, ouvrons nos portières avec précaution.

Karlo dépose à ma place sur le siège passager son pistolet et reste au volant de la 205, prêt à dégainer et à déguerpir. Pendant ce temps, nous avançons à pas de loups pour vérifier que la voiture est désormais vide. Je tiens mon fusil chargé le long du corps et me poste à la sortie du tabac dont la porte est restée ouverte. J’ai du mal à respirer à travers ma cagoule militaire qui ne laisse apparaître que mes yeux bleus. À l’intérieur, j’entends notre homme parler du dernier match de foot avec le commerçant. Tout semble normal. Stazek est derrière moi alors que Tito est baissé devant la voiture. Je ne distingue que son front.

— Allez, bonne nuit ! lance une voix éraillée.

Des pas s’approchent et je comprends que tout va se jouer dans les minutes qui vont suivre. L’homme franchit le seuil de la porte. Je reste collé au mur, immobile. Il ne m’a pas vu et je le laisse s’avancer jusqu’à sa voiture où Tito le cueille au vol alors qu’il sort la clef de sa poche.

— Mains en l’air, hurle mon frère.

Aussitôt, je rentre dans le tabac en braquant mon fusil vers le commerçant.

— Tu bouges pas, toi ! Fais voir tes mains !

L’homme est tétanisé et ne réplique pas.

— Sors de derrière ! Je veux te voir !

Je suis obligé d’insister et de répéter plusieurs fois pour observer le vieux barbu réagir. Stazek qui est resté à la porte m’indique :

— C’est bon pour la caisse !

À l’extérieur, le moteur démarre.

— Fais rentrer le gars ici et attrape le scotch, on les attache ensemble, pour qu’on est le temps de filer…

Le propriétaire de la voiture, un petit homme trapu, vêtu d’un jogging, s’avance les mains en l’air. Son visage est chargé de colère, il nous lance des avertissements que j’écoute à peine, trop concentré sur le commerçant que j’oblige à s’allonger sur le sol. Son pull s’est retroussé et me laisse voir son ventre gras et velu. Je lui impose de se tourner et de se mettre à plat ventre. Puis je lui retire ses lunettes à travers lesquelles ils me dévisagent, pour les jeter à l’autre bout du magasin.

— Je vous retrouverai, bande de bâtards ! nous menace le sportif.

— Ferme ta gueule, toi ! Couche-toi !

Il n’écoute pas mes consignes et ricane. Je m’avance aussitôt vers lui et lui assène un puissant coup de crosse dans le ventre pour le faire plier. Il tombe à genoux et d’un coup de pied, je le pousse en avant. Il s’écroule enfin sur le sol en exhortant un grand râle.

Je saisis un rouleau de scotch, posé sur un carton fermé et ordonne à Stazek de les attacher tandis que je pointe mon fusil dans leur direction pour les garder à ma merci.

Rapidement et dans le silence, mon ami achève de les bâillonner pour ne pas qu’ils appellent au secours, il me lance :

— Tu devrais pas traîner, je vais finir !

Il a raison, la voiture tourne en amont du commerce et cela pourrait intriguer le voisinage. Stazek a quasiment terminé, il tire un chariot chargé de journaux devant les deux hommes pour les cacher.

La suite du plan est simple, il va rejoindre Karlo toujours en position dans la 205.

Je jette un œil autour de moi dans le bureau de tabac avant de quitter la boutique, mon fusil devant moi au cas quelqu’un me cueillerait à l’extérieur.

— La voix est libre ! indiqué-je à Stazek qui me sort derrière moi.

Puis, je monte dans la Lamborghini où Tito m’attend.

— Il fait quoi Stazek ? m’interroge de dernier en retirant sa cagoule.

— Il a fini !

Je lui signale d’un coup de menton notre ami qui arrive. Il nous fait signe de la main que tout se déroule comme il faut et s’élance vers le parking où est garée la voiture de Karlo. Tito démarre immédiatement pour prendre la direction de notre futur rendez-vous. À mon tour, je découvre ma tête pour souffler. La pression redescend et je suis satisfait du cheminement de notre opération.

Je règle mon rétro et baisse mon pare-soleil pour vérifier dans le miroir si la 205 nous suit. Rapidement, je la vois apparaître et je suis rassuré, mais après deux cents mètres les phares de la voiture de derrière scintillent.

— Qu’est-ce qu’il fout ? interroge Tito.

— Arrête-toi au feu !

Je lui fais signe de ralentir et comme indiqué, il stoppe la Lamborghini au rouge. J’ouvre ma vitre et sors la tête par la fenêtre pour saisir ce que veut Karlo.

— Stazek est avec vous ? hurle-t-il.

Mon cœur cogne dans ma poitrine, lorsque je comprends qu’il est parti sans notre partenaire. Je suis assailli par la colère, comment a-t-il agir ainsi ? L’oubli de l’un d’entre nous sur les lieux de l’embuscade est une faute grave, impardonnable. Je savais pertinemment en m’aventurant sur cette voie que j’aurai des imprévus à gérer, mais je pensais avoir suffisamment briffée mon équipe pour ne pas avoir ce genre de soucis.

— Tito, tu files à Châtelaillon-Plage ! Le rendez-vous est à vingt kilomètres de ce village, tu nous attends, on t’y retrouve.

Je descends de la voiture, mon fusil dans une main, ma cagoule dans l’autre et monte à côté de Karlo. Je retire son pistolet du siège passager et le garde sur ses genoux.

— Comment t’as pu oublier Stazek ?

— Je l’ai pas oublié, il n’est pas venu me rejoindre !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Antoine COBAINE ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0