Lucius

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  • Bon sang ! Qu’est-ce qu’il m’énerve !

La jeune sirène frappa violemment son miroir au point de le briser. Lucius esquissa un sourire amusé et enlaça tendrement la princesse pour la calmer. Un tel acte était passible de la peine capitale pour un capitaine des armées comme lui, mais qui viendrait les surprendre ? Oui, l’ainée de la lignée de Tryphon devait épouser un noble, mais personne n’osait défier ce stratège militaire hors pair. Quant au roi, il était mourant, un vieux grabataire qu’on sortait pour les cérémonies officielles comme celles de ce matin. On le promenait alors, le laissant saluer la foule de sirènes venues l’acclamer. Il répondait par un geste fébrile de la main. Au crépuscule de sa vie, il ne tarderait pas à faire le grand voyage et le trône reviendrait à son unique fils, cet abruti de Léandre qui mettait les nerfs de Cordélia. En tant qu’ainée, elle aurait dû devenir reine, malheureusement, la naissance d’un héritier mâle avait bousculé la donne. Elle qui se conformait au protocole, suivait quasi toutes les règles le plus strictement possible, devait sa place à ce bon à rien qui se moque des conventions et ne daigne même pas se montrer aux cérémonies officielles.

Lucius savait qu’il ne viendrait pas. Il y a deux jours, il a été aperçu au-delà de la frontière, dans la zone interdite. Se rapprocher des Surfaciens était un crime grave pour tout le monde, y compris le Dauphin. Malheureusement, il avait échoué à le prendre sur le fait. Il s’en voulait, car la condamnation du fils offrirait un pont d’or à Cordélia qui pourrait alors accéder au poste qu’elle mérite. Léandre n’avait pas été vu depuis, Lucius rêvait qu’il soit quelque part à la surface. Il pourrait faire d’une pierre deux coups : faire disparaitre le prétendant au trône durant de son sauvetage et déclencher une guerre contre les monstres d’en haut. Il ne manquait qu’une chose à son plan : la confirmation par ses espions que Léandre se promenait sur terre. Si c’était bien le cas : échec et mat !

Lucius réconforta Cordélia encore quelques instants avant de la quitter. De nombreuses tâches l’attendaient. Il nageait vers son quartier général lorsqu’un triton l'accosta. Il ne lui glissa qu’une phrase presque inaudible :

  • C’est un oui.

Lucius jubila. Il se permit même un petit rire victorieux. La chance insolente de Léandre venait de tourner, dans quelques jours, il prendrait la tête du Royaume des Sirènes sans même devoir organiser le moindre coup d’État. Il fit demi-tour et repartit vers le Palais, il devait parler à Tryphon et d’urgence.

***

Grâce à ses galons à son habitude de s’entretenir seul avec le monarque, Lucius entra quelques instants plus tard dans la chambre. Tryphon était allongé dans son immense lit, fatigué des maigres péripéties de sa journée. Le Général l’interpella doucement pour ne pas le réveiller en sursaut.

  • Mon Roi, j’ai de très mauvaises nouvelles à vous annoncer.

Son ton mesuré, grave et posé, feignait une pointe d’inquiétude. Il attendit de capter un signe du vieil homme avant d’enchainer.

  • Votre fils a été capturé par les Surfaciens.

Tryphon émit un râle sonore et commença mollement à gesticuler. Lucius garda son masque inexpressif malgré sa jubilation intérieure.

  • Ai-je votre bénédiction pour prendre les soldats qu’il faut afin de le ramener sain et sauf ?

Malgré la voix du roi enrayée et inaudible, le général capta l’accord qu’il attendait. Il brandit alors le document officiel qu’il avait rédigé, qui lui donnait les pleins pouvoirs pour déclencher une guerre. Tryphon le ratifia d’une main tremblante. Lucius se tourna vers la coiffeuse. Des dizaines de fioles étaient alignées sur cette dernière. Un arsenal impressionnant de médicaments permettant de grappiller quelques heures de vie supplémentaires. Il prépara un mélange apaisant, les médecins lui avaient montré comment faire. Juste avant d’achever le remède, il glissa un regard vers le vieil homme, à moitié mourant dans son lit. Lucius esquissa un sourire sadique et sortit une petite fiole de sa veste militaire. Il versa quelques gouttes et fit définitivement disparaître la preuve.

Le roi prit son médicament comme un enfant bien sage puis replongea dans un sommeil profond. Lucius se retira silencieusement, fier de lui. C’était sans nul doute le plus propre des coups d’État.

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