Michel Strogoff regardait le quai bondé au-delà de la fenêtre. Il était assis dans un compartiment vide depuis plus de cinq minutes et il commençait à s’impatiente, quand la porte de la pièce exigu grinça. Une jeune femme entra d’un pas léger et s’installa en face de l’homme. Elle déposa son sac et sortie un vieux livre relié.

Michel Strogoff délia son regard pour le poser sur la nouvelle venue. Ses petits pieds fragiles étaient chaussés d’une paire de bottes en cuir noir. Elle portait un élégant manteau bleu marine dont les ourlets étaient recouverts d’une fourrure blanche. Sous ce drapage de velours, une robe parfaitement ajustée épousait les courbes fines et délicates de sa silhouette. La jeune femme tenait entre ses mains finement sculptées un ouvrage à la reliure de cuir, aussi rouge que les pétales d’une rose fraichement éclose. Il semblait avoir été lu et relu, ses pages étaient cornées et son allure d’antan avait dû lui échapper.

Elle avait un visage pâle, mais ses joues gardaient cette petite teinte rosée des grands froids. Ses lèvres fleur de cerisier esquissaient un doux sourire. Soudain, une couleur d’un bleu profond, comme les abysses d’un océan, le reflet des vitraux de la cathédrale Saint-Basile le happa. Les iris magnifiques de cette femme qui ne devait avoir plus d’une vingtaine d’années manquèrent de faire chavirer le torrent d’émotions qui le traversaient. Elle était coiffée d’un bijou en or qui relevait ses cheveux en demi-chignon.

Un détail frappa Michel Strogoff qui aperçut une lettre destinée à une certaine Malicia. Il se surprit à se dire : " ô Malicia ! Un si beau prénom pour une si jolie femme. Une femme qui est portée par la lecture, une femme qui rayonne comme le soleil d'été, une femme qui enivre mes sens. "

Le train se remit alors en marche et le temps reprit son court pendant que les mots s'échappèrent du bel homme en mission : "Vous êtes rayonnants ! Malicia, c'est juste ? " Et c'est alors qu'elle leva la tête pour lui sourire.