Chapitre 18

18 minutes de lecture

  Je regarde pour la énième fois l’heure afficher sur l’écran de mon portable. Deux heures quarante-cinq, seulement six petites minutes se sont écoulé. Je tourne aux ronds dans mon lit à chercher le sommeil en vain. Je redoute la confrontation avec Roger. Dans quelques heures, je vais me retrouver dans le même endroit que lui. Je ne sais pas comment réagir si je dois lui faire face.

Un vacarme provenant de dehors me sort de mes pensées. Je me lève pour aller à ma fenêtre. Cacher derrière mes rideaux, j’observe dans la pénombre la bande et leur chien qui s’amusent à dégrader les murs défrichés de l’immeuble d’en face. L’un d’eux ne semble guère intéresser par l’activité de ses congénères, il préfère balancer des bouteilles à moitié vides sur les voitures stationnées à côté. Je suis rassurée d’avoir garé la mienne plus loin.

Leur rottweiler aboyé lorsqu’une femme au crâne rasée brise la vitre d’une veille Chevrolet, l’alarme se met à hurler dans tout le quartier. Cependant, elle parait peu inquiète, elle fouille à l’intérieur du véhicule tranquillement, sans se soucier de l’infraction qu’elle a commise. La bande ne réagit pas devant ce raffut. Ils semblent même amusés, comme s’ils savaient qu’ils ne craignent rien.

Peut-être qu’ils ont raison, je ne perçois aucune sirène de police, seul le cri strident émanant de la voiture heurte mes tympans. Irritée par ce spectacle pathétique, je me dirige vers le réfrigérateur pour en sortir une bouteille, c’est bien l’unique truc qui le remplisse un tant soit peu. J’avale pratiquement d’une traite le liquide translucide, l’eau froide presque glaciale contraste avec la température presque étouffante qui règne dans la pièce.

Je ne suis en sécurité nulle part, au travail il y a Roger et ici, il ne faut même pas en parler. N’importe qui peut forcer ma porte, la preuve avec Kieran. Je ne compte plus les fois où je l’ai trouvé à l’intérieur de chez moi. J’ouvre le tiroir où je range un peu tout et en sors le couteau que m’a offert Kieran. Je déplie la lame et viens caresser le côté tranchant avec mon pouce. L’acier est froid sous mon doigt.

Kieran avait raison, je vais peut-être en avoir besoin. Je le referme pour le glisser dans mon sac à main. Dans un film, j’ai déjà entendu dire que les larmes étaient comme les préservatifs. Mieux en avoir sur soi et ne pas en avoir l’utilité que l’inverse. Plus jeune, je ne comprenais pas cette phase, maintenant elle me semble limpide.

Je tourne sous les couettes pour tenter de trouver le sommeil. Il faut que je dorme même un peu si je ne veux pas être fatiguée demain. Hors de question de donner une raison de plus à Andréa pour me renvoyer. Je ferme les paupières et essaie de me vider l’esprit, mais chaque fois les événements de la matinée d’hier me percutent de plein fouet. Je dois penser à autre chose, la seule autre personne qui me hante, c’est Kieran. Dès qu’il est dans ma tête, mes fantasmes prennent le dessus réveillant mon entre-jambes.

Je m’imagine lui enlever son tee-shirt pour embrasser chaque parcelle de son torse, mes baisers le rendraient fou et il me suppliera de continuer. Je m’amuserai à frôler du bout des doigts son membre à travers son jeans. Rien qu’à l’idée de le sentir se gorger de sang m’excite d’autant plus.

J’ouvre les yeux, émoustillée, si je veux pouvoir dormir je vais devoir d’abord calmer le feu ardent qui a pris possession de mon corps. Ma main glisse sous mon short en laine où mon majeur trouve avec facilité mon clitoris. D’un geste doux, lent, je le caresse.

Des gémissements incontrôlables s’échappent d’entre mes lèvres tandis que j’accélère le mouvement. Rien qu’à la penser que ce sont les doigts de Kieran et non les miens éveille en moi des sensations exquises. Mes muscles se contractent, ma zone sensible devient à fleur de peau. Sans prévenir, je me raidis, les battements de mon cœur s’emballent. Incapable de retenir mes gémissements, je couvre ma bouche de ma main pour étouffer mes cris.

Une vague indescriptible de plaisir se protège dans chaque cellule de mon corps. Lui et ma tête s’unissent dans un abandon total, je ne contrôle plus rien. Mes pensées sont incohérentes. Je suis juste bien, encore essoufflée je ferme mes paupières.

Je croque dans le sandwich au poulet sans réellement faire attention à son gout, je suis si concentrée sur mon livre que rien ne peut me perturber. C’est Fanny qui me la offert pour mon anniversaire l’année dernière, mais j’étais si occupée que je n’ai pas eu le temps de l’ouvrir. Je profite de la pièce qui me sert de punition pour retrouver le goût à lecture pendant le déjeuner. Au moins ici je suis tranquille, personne pour me déranger et surtout pas Roger.

En sortant tout à l’heure pour m’acheter de quoi manger j’ai réussi à l’éviter, dès que je l’ai entendu je me suis précipitée dehors telle une voleuse. J’ai également décidé de suivre le conseil de Kieran et j’ai pris rendez-vous pour ce soir. Il est censé venir vers dix-neuf heures chez moi et j’espère que ça va aller vite.

Je dois préparer des empanadas avant que Kieran arrive, ce n’est pas une recette compliquer, mais je n’ai jamais était doué pour la cuisine contrairement à Fanny. Elle m’a envoyé les étapes à suivre pas à pas ce matin. Ça ne doit pas être compliqué, sinon on va devoir se contenter de pâte au jambon.

Pourquoi suis-je si anxieuse à l’idée de faire un plat pour lui, je dois avouer que c’est une première. Plus je le fréquente et plus il me plait, j’ai du mal à canaliser le désir que je ressens pour lui. Je dois garder le contrôle, notre relation est seulement amicale enfin pas vraiment, je ne sais pas ce qu’on est, mais, quelle qu’elle soit, elle n’évoluera pas.

Pourtant rien qu’à l’idée de sentir ses lèvres se poser sur les miennes me fait frémir. Non, il faut que j’arrête. Je souffle d’agacement en me rendant compte que ça fait dix minutes que je lis en boucle la même ligne. J’avais réussi à extirper Kieran de mes pensées, mais maintenant c’est fichu. Je ferme le livre sachant que je n’arriverai plus à me concentrer. Je range le roman dans mon sac au moment que j’entends les gonds de la porte grincer. Mon sang se glace en voyant Roger pénétré dans la pièce.

— Camélia, je peux te parler ?

Je me lève immédiatement et récupère mes affaires pour sortir. Il croit vraiment que je vais rester là à écouter les mots qui émanent de sa bouche. Je lui tourne le dos, mais il se met à courir pour se planter devant moi.

— Laisse-moi partir ou je hurle !

— Tu as le droit de m’en vouloir, mais je tenais juste à te dire que je suis profondément désolé. Ce que je t’ai fait subir ses dernières semaines est impardonnable et inexcusable.

— Pourquoi essaies-tu !

— Ma cousine est décédée d’une overdose il y a un mois et demi, elle n’était pas parfaite, mais elle ne mérite pas d’être retrouvée dans une poubelle.

Sa douleur marque son visage tandis qu’il s’assoit sur la chaise désemparer. Ne sachant pas quoi dire, je préfère garder le silence. Parfois, il vaut mieux se taire et écouter.

— Alessa était rayonnante, la joie de vivre incarner, jusqu’aux jours où elle a rencontré ce type. Je l’ai dépérir de jour en jour. J’ai tout fait pour l’aider, je l’ai foncé à aller au centre de désintoxication plusieurs fois, mais ça n’a jamais servi à rien. Aussitôt qu’elle sortait elle voler de l’argent pour accourir voir son dealer. À la fin je ne la reconnaissez plus, ses dents étaient abimées, ses traits tirés. Elle était si jolie, m’avoue-t-il amèrement avant de reposer ses yeux voilés par la tristesse sur moi. Elle a été retrouvée a deux rues de chez toi. Quand je t’ai ramené, je suis partie en vrille. Tu ressembles beaucoup à Alessa et je ne supporterai pas que tu subisses les mêmes atrocités qu’elle.

— Je ne suis pas elle, tempéré-je avec douceur.

Face à ma remarque il se lève soudainement gêné, un semblant de sourire passe sur ses lèvres.

— Non tu es plus forte, et je n’aurai jamais dû me comporter ainsi, je sais que tu ne m’excuseras jamais, bredouille-t-il en s’avançant vers la sortie.

— Je te pardonne, lui lancé-je alors qu’il ouvre la porte.

Il me remercie d’un signe de tête et disparait. Malgré son histoire touchante, je reste toujours sur mes gardes, je ne lui fais pas confiance. Je suis obligée de lui faire croire que j’oublie tout ce qui m’a fait pour avoir une meilleure condition de travail.

Je fais abstraction des confidences de Roger et continue de trier les dossiers toute l’après-midi. Je me suis empressée de partir à dix-huit d’heure précise, si je veux que les empanadas soient prêtes avant que Kieran arrive. Je me dépêche de rentrer chez moi et m’attelle à ma tâche. Je suis soigneusement les instructions de Fanny.

Je commence par remuer le lait, l’eau et le sel, dans un grand saladier. Dans un autre plat, je mélange du bout des doigts les œufs à la farine. J’ajoute petit à petit ma préparation et la pétris.

Je suis entrain de réalisé vingt portions de pâte, quand le serrurier frappe a ma porte. N’étant pas du genre loquace, il pose le nouveau verrou rapidement sans me parler à part pour me demander l’argent une fois qu’il a terminé son travail.

Les minutes passe d’une vitesse affolante, je me dépêche de les enfournes à cent quatre-vingts degrés. Je dois les sortir dans vingt ce qui me laisse le temps de me rafraichir et changer. J’enfile un haut noir où le dos est entièrement découvert, seule de la dentèle le couvre. J’attache mes cheveux avec un élastique pour qu’on puisse le voir. Je me regarde une dernière fois dans le miroir avant d’aller éteindre le four. Je vérifie la cuisson pour m’assurer qu’ils ne sont pas crus quand j’entends qu’on frappe.

— Entre, lui crié-je en faisant attention à mes doigts.

Kieran passe le pas de la porte au même moment qu’un juron sort de ma bouche provoquer par la désagréable sensation de brûlure qui assaille ma chair. J’essaie de faire abstraction de mon index qui me lance et tente une nouvelle fois.

— Saleté de four !

Le torchon qui me sert d’isolant n’est aucunement efficace et ma paume en pâtit. Si ça continue comme ça, on va finir la soirée aux urgences.

— Attends, laisse-moi faire.

N’ayant pas le choix je me décale. J’en profite pour passer ma main sous l’eau froide pour calmer les piquent qui a pris possession de mon doigt.

— Merci, décidément je ne peux pas cuisiner sans me brûler.

Contrairement à moi, Kieran sort le plat sans sourciller et vient le poser sur le comptoir. Je regarde les empanadas soucieuses, ils ont à peine pris de la couleur, d’habitude ils ont tout doré, mais là ils sont blancs. Pourtant j’ai laissé exactement le temps de cuisson que m’a indiqué Fanny, pourvu qu’ils ne soient pas crus.

— Ça sent super bon en tout cas, me complimente Kieran en refermant le four.

— J’ai essayé de faire un repas typiquement chilien, mais je ne te promets pas que ça soit mangeable.

J’ironise, mais au fond j’ai réellement peur que mon plat soit indigeste. Mon corps est coincé dans ma cuisine, Kieran me bloque le seul passage. J’avance vers lui et sors deux bières dans mon réfrigérateur. Je les décapsule avant d’en donner une à Kieran. Il avale quelques gorgées sans pour autant détacher ses yeux de moi, il me scrute, m’observant, tel un prédateur.

Il a cette façon de me regarder qui me rend folle, je pourrai là tout de suite tout envoyer valser pour me jeter dans ses bras et l’embrasser. Je suis persuadée que ses baisers doivent être aussi bons que dans mes fantasmes. Il faut que j’arrête, il n’y aura jamais rien entre nous. Je bois quasiment d’une seule traite le liquide amer, je dois calmer ma libido.

— Tu n’aurais pas dû en faire autant d’effort juste pour moi

Un sourire charmeur, presque arrogant accompagne ses mots. Bien qu’il tente de ne pas me le montrer, je sens ses yeux parcourir chaque centimètre carré de ma peau. Apparemment, mon haut ne le laisse pas de marbre. Le décolleté reste chaste, mais le tissu met en valeur ma poitrine sans soutien-gorge. Le voir éviter de fixer trop longtemps mes seins me fait sourire.

— Qui te dit que c’est pour toi, lui fis-je remarqué amusée.

— Ah parce que tu attends quelqu’un d’autre, rétorque-t-il en haussant un sourcil.

— Peut-être que j’ai invité Lyd a se joindre a nous, suggéré-je curieuse de savoir sa réaction.

D’ailleurs, je ne suis pas déçue, il perd immédiatement son sourire craquant. Ses yeux changent également et je pourrai presque apercevoir sa mâchoire se contracter un court instant. Il termine d’engloutir le liquide qu’il reste dans la bouteille en verre avant de se tourner de nouveau vers moi.

— Ah parce que vous vous êtes revue depuis l’autre soirée ?

Malgré sa question énoncée avec nonchalance, son regard est devenu froid. C’est exactement le même qu’il m’a lancé lorsque Lydéric m’a ramenée chez moi. Est-ce le fait que je fréquente un garçon ou simplement que ce soit un de ses amis qui le dérangent. Ne souhaitant pas gâcher cette soirée je m’approche de lui et me pose contre levier. Nos bras s’effleurent ce qui attire son regard vers moi.

— Attention, on pourrait presque que croire que tu me veux pour toi tout seul.

Sans pouvoir faire un mouvement, son corps vient se planter devant moi. Sans un mot, ses doigts frôlent ma taille m’électrisant. Je dois ne prendre énormément sur moi pour ne rien laisser paraitre aucune réaction. Pourtant mon cœur s’emballe et encore plus au moment où d’un geste rapide il me fait avancer pour me coller a lui.

Sa main se glisse au creux de mes reins alors que la mienne se pose sur son bras. Je ne dois pas me déconcentrer avec son parfum, son toucher ou ses yeux d’un noir envoutant. Il suffirait que je me hisse pour atteindre sa bouche.

— C’est peut-être le cas, murmure-t-il.

— Cela t’amuse n’est-ce pas, prononcé-je en me mettant sur la pointe des pieds.

Ma main se repose sur son torse alors que nos lèvres sont si proches que nos souffles s’entremêlent. Son regard à cet instant me supplie de céder à mes envies. Je ne suis pas folle, il me fait autant de sensation que je lui en fais, je l’aperçois dans ses yeux. Je dois m’éloigner de lui avant que je ne puisse plus du tout contrôler mon corps.

— Je ne comprends pas de quoi tu parles, susurre-t-il en remontant avec une lenteur délicieuse ses doigts le long de ma colonne vertébrale.

— Fais attention à ne pas tomber dans ton propre jeu, lui lancé-je en remarquant ses iris se poser sur mes lèvres.

Je ne lui laisse pas le temps de réagir et lui tourne le dos. Je dois m’éloigner de son torse avant de devoir lui enlever son tee-shirt, rien qu’à l’idée de voir de pouvoir embrasser ses pectoraux mon entre-jambes se réveille. Je dois calmer mon corps à tout prix. Les mains presque tremblantes j’ouvre le placard au-dessus de l’évier, quand soudain je sens mes fesses très proches de son membre. J’agrippe le bord de levier pour ne pas faiblir. Il lève son bras pour prendre les assiettes a ma place et me chuchote à l’oreille.

— Je tenterai d’être prudent.

Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine que je suis sûre que Kieran l’entend. Il va me falloir quelque chose de plus fort en alcool si je veux pouvoir survivre à cette soirée. Malheureusement, j’ai seulement pensé à acheter de la bière, alors que je n’apprécie même pas sa saveur. Je ferai abstraction, je sors deux bouteilles du réfrigérateur et les pose sur le comptoir. Je m’assois sur le tabouret à côté de Kieran et lui sert à manger.

— Ça a l’air très bon.

— Avant de me complimenter tu devrais goûter, lui suggère peu confiante.

— Tes talents de cuisinière ne peuvent pas être si horribles que ça, me demande-t-il en prenant une empanada.

Alors qu’il croque un morceau sous mes yeux attentifs, une grimace apparait sur son visage. J’aurais dû commander quelque chose à manger. Surement pour ne pas me vexer, il s’efforce non sans mal à avaler.

— C’est si dégoûtant que ça ?

— Non, c’est juste un peu fort en saveur, me ment-il avant de boire.

Je croque un morceau et me rends rapidement compte que Kieran minimise grandement la vérité. Le pire n’est pas la bouille pâteuse à peine chaude, mais le goût horrible qui vient agresser mes papilles. Incapable de pouvoir avaler ce truc je prends un papier absorbant pour recracher sous le rire distrait de Kieran.

— Tu veux dire immangeable, m’exclamé-je en n’allant jeter tout le plat a la poubelle, je crois que le mieux, sa serait que je ne m’approche plus jamais des fourneaux.

— Et si tu me laisser faire, me propose Kierran en se levant.

— Tu sais faire cuisinier toi ?

— Je suis quelqu’un au multiple talent.

Je l’observe fouiller dans mon réfrigérateur sceptique, surtout quand il sort du lard fumé et de la crème fraiche. Je bois ma bière tout en regardant ses fait et geste. À l’aise il sert une casserole qu’il remplit d’eau et un poêle avant de les mettre sur le feu. Le dos tourner, je ne peux m’empêcher de m’attarder sur ses fesses qui ne sont pas mal du tout. C’est impossible qu’il y ait un corps parfait, il doit bien y avoir un défaut. Peut-être que son torse n’est pas aussi bien sculpté que je le pense ou qu’il a des poils, un vrai ours.

— Samedi soir, je vais au Blood of Perl, viens avec moi.

Sa question sonne plus comme un ordre et je dois avouer que cela m’amuse, elle a au moins le don de faire arrêter de le fixer.

— La dernière fois que tu m’as amenée là-bas, je me suis retrouvée seule dans une marée humaine, lui rappelé-je sournoisement.

— Promis cette fois je te lâcherai pas une seconde.

— Ton invitation est très tentante, je vais devoir la décliner, j’ai prévu d’aller chez mes parents ce week-end. Ça fait longtemps que je n’ai pas vu mon père.

Ma réponse provoque comme un choc en lui, il se tourne vers moi en fronçant le front. Ses bras croisés sur sa poitrine il m’observe un instant. Son expression est indéchiffrable, je suis incapable de savoir ce qui lui traverse l’esprit.

— Tes parents sont séparés ?

— Non, il travaille plus la moitié de l’année sur des plateformes pétrolières alors dès qu’il rentre, je mets mes projets de côté pour aller le passer du temps avec lui.

— Je t’envie, j’adorerai pouvoir faire de même dès que Maisy vient me rendre visite, m’avoue-t-il avec un sourire mélancolique.

— Quand est-ce qu’elle revient ? lui demandé-je doucement.

Je ne l’ai jamais vue si vulnérable. J’aimerais pouvoir lui prendre sa main, l’attire vers moi pour que je puisse prendre soin de lui. Il ne m’a jamais aussi plus qu’à ce moment précis.

— Lors de ses prochaines vacances scolaires, les vols pour venir ici sont trop longs pour seulement un week-end.

— Pourquoi n’y vas-tu pas ?

— Je ne peux pas me permette de partir trop loin, ma situation est..

— Compliquer, terminé-je sa phrase pour lui.

— On peut dire ça comme ça, sourit-il amèrement en terminant sa bière.

Le voyant tourner de nouveau le dos je conclus que notre conversation est close. Cela ne doit pas être évident pour lui. Sa vie semble dix fois plus complexe que la mienne. Comment fait-il pour supporter tout ça ? Je me lève de mon tabouret et l’aider a essoré les pâtes pour les mettre dans un saladier propre. Kieran verse un mélange d’œufs, de crème et parmesan, je crois, dessus et remue le tout.

— J’ai remarqué que tu avais changé les serrures de ta porte, tu m’as enfin écouté.

— Oui maintenant tu ne pourras plus d’introduire chez moi, le taquine-t-je en venant prendre le plat pour le poser sur la table.

— Quel dommage, ironise-t-il en me servant.

Je tente d’enrouler les pâtes autour de ma fourchette et de les apporter jusqu’à ma bouche sans me salir. Dès que la sauce se caresse ma langue, mes papilles se réveillent. Ça n’a absolument rien à voir avec mon semblant de repas chilien que j’ai voulu faire.

— C’est un pur délice ! m’exclamé-je euphorique, où as-tu appris ça ?

— Ma tante tenait un restaurant semi-gastronomique, j’adorais rester des heures a observer la cuisine s’activer, m’explique-t-il amusé de ma réaction légèrement trop excessif.

— Pourquoi n’en as tu pas fait ton métier ?

— Pendant un temps, j’ai fantasmé à l’idée de faire partie d’une brigade, mais j’étais déjà entraîné dans toutes ses histoires de drogue et trafic en tout genre. Il ne m’aura pas laissé partir et pour être honnête je ne le voulais pas non plus.

J’ai l’impression qu’on pourrait parler toute la nuit ainsi, c’est agréable. Jamais auparavant je n’ai pu avoir cette sorte d’alchimie avec une autre personne, même pas avec mes ex petit ami. Je ne saurai pas pourquoi avec lui c’est si facile.

— Tu ne regrettes pas ? Ta vie aura pu être différente, loin de tout ce monde obscur.

— J’ai fait ce qu’il devait être fait pour l’avenir de mon enfant, admet-il en levant ses yeux vers moi. Je ne te demande pas de me comprendre Camélia, mais contrairement à toi, mes parents pensaient plus a leurs soi-disant réputations qu’aux biens être de leurs petites-filles. Quand Megan est tombée enceinte, ils ont été la voir pour lui donner une grande enveloppe qui contenait près de cinq mille dollars, ils avaient l’espoir qu’elle aille se faire avorter en douce.

Choquée par ce que je viens d’entendre, je n’arrive pas à sortir le moindre mot de ma bouche.

— Quand j’ai su ça, j’ai brûlé leurs frics et couper les ponts avec eux, ça fait plus de six ans que je ne leur est pas adressé la parole, finit-il par me dire.

Sa confession ne fait qu’accentuer mon désir d’être plus proche de lui. Ça me donne envie de le connaitre davantage et rester toute la nuit à ses côtés.

— Camélia, ne me regarde pas avec ses yeux.

Je frissonne lorsque ses doigts frôlent ma joue avec tendresse. Son geste est si délicat que je ne veux pas qu’il s’arrête.

— Qu’est-ce qu’ils ont ?

— Il est rempli de pitié, me reproche-t-il.

Je me lève brusquement offusquée du ton qu’il vient de prendre à l’instant. Je le regarde sidérer, j’imaginais que lui me comprenait, mais apparemment je me suis trompée.

— Tu vas me dire que j’ai tort sur toute la ligne, poursuit-il en se redressant, je ne souhaitais pas te vexer, je constate juste.

— La première fois que je t’ai vue, je croyais que tu étais une brute épaisse égoïste. Puis tu m’as parlé, je t’ai trouvé arrogant, prétentieux. J’étais persuadé que tu étais ce style de mec qui ne pense qu’à ses propres intérêts et n’hésites pas à blesser les autres sur son chemin.

— Rassure-moi il y a un mais, plaisant-il en s’approchant de moi.

— Mais maintenant, je me surprends moi-même à adorer passer du temps avec toi et apprendre à mieux te connaitre, lui avoue-t-il droit dans les yeux.

Ma confession a au moins le don de lui faire retrouver ce sourire charmeur. Face à son silence, je finis par baisser le regard comprenant que je viens de me ridiculiser. Je m’éloigne pour commencer à débarrasser la table, mais Kieran me retire les assiettes et m’oblige à me tourner vers lui. Ses doigts passent sous mon menton pour m’obliger à lever les yeux vers les siens.

— Alors comme ça je suis arrogant.

— Si tu savais à quel point, rajouté-je moqueuse.

— Du coup, je peux t’avouer qu’au début je te trouver hautaine.

Je fais sembler d'être choqué par ses propos et la pousse de toute mes forces, mais mes vaines tentatives le fond rire.

— Menteur, je suis parfaite, répliqué-je hilare en m’éloignant de lui.

Au moment où il ouvre sa bouche pour répliquer, la sonnerie de son téléphone l’interrompt. Je le laisse tranquillement et débarrasse la table. Je mets les assiettes dans l’évier et les bouteilles de bière à la poubelle.

— Je suis désolé, mais je vais devoir écourté notre soirée, je dois régler un problème urgent, m’annonce-t-il en rangeant son portable de la poche arrière de son jeans.

— C’est la pire excuse que j’ai entendue pour ne pas faire la vaisselle, lui fis remarquer en venant l’éclabousser avec un peu d’eau.

— Peut-être, mais elle marche, me lance-t-il en ouvrant ma porte avant d’ajouter, je t’ai trouvé très belle ce soir.

Un sourire incontrôlable nait sur mes lèvres lorsqu’il disparait. Ses mots ont à impact beaucoup plus important que je ne veux l’admettre et ça me fait peur. Je pense que ce week-end m’aidera à mettre mes idées au clair et m’éloigner un peu de Kieran. Je ne peux pas céder à la tentation, il doit juste rester un fantasme et rien de plus. Si seulement c’était aussi facile.

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