Chapitre 14

18 minutes de lecture

   Lassée de la journée, je me retrouve face à la porte d'entrée de Faith. J'ai cherché une excuse valable pour annuler le diner, mais rien de plausible ne m'est venu. Roger me met une telle pression au travail que j'en perds tous mes moyens, j'en oublie les bases fondamentales du métier. Je n'arrive plus à réfléchir correctement, tout s'embrouille dans mon esprit. J'ai ce sentiment de désespoir qui ne m'abandonne plus, jour et nuit il me hante. Je n'ai même pas eu la force de me changer, j'ai juste pris le temps de retirer mes talons pour chausser mes vieilles baskets du lycée. De toute façon, je vais manger rapidement avant de retrouver le confort de mon lit.

— La porte est à ton goût ?

Je tourne la tête vers Kieran qui esquisse un rictus tout en me fixant. Je fronce les sourcils face à sa remarque, mais je rends rapidement compte que je suis plantée dans le couloir depuis plusieurs minutes. Devant mon silence, il perd son sourire narquois et avance vers moi. Ma peau se met à frissonner au contact du tissu de son tee-shirt qui vient la frôler. Je me retrouve bloquée entre la porte de Faith et lui. Cette promiscuité réveille en moi un désir que j'ai rarement ressenti.

Sentant mon pouls s'emballer, je me concentre sur un point invisible pour éteindre le feu ardant qui prend possession de mon corps. Je respire calmement tout en fixant la peinture écaillée sur un coin du mur. Je ne fais aucun mouvement, lorsqu'il lève son bras nu pour frapper à la porte de Faith. Mon dos est presque collé à son torse, chacune de ses expirations vient effleurer les quelques mèches de cheveux, qui ont refusé de rester dans l'élastique.

— Ça fait cinq minutes que tu la fixes, ajoute-t-il, si proche de mon oreille qu'il me donne la chair de poule.

Je tourne ma tête vers lui, priant pour qu'il ne remarque pas l'effet qu'il a sur moi. Je me retrouve obligée de lever les yeux pour pouvoir faire face à ses iris. Son visage est si près du mien qu'à peine quelques centimètres séparent nos lèvres. Étant sans talons, sa taille me domine totalement.

— Depuis quand as-tu perdu ta langue ?

Brusquement, je me sens faiblir et ma vue se brouille un instant. J'agrippe le haut de Kieran de peur de m'écrouler à ses pieds, son bras vient immédiatement saisir ma hanche pour me soutenir. Sous le tissu noir, je perçois aisément sous mes doigts les battements de son cœur régulier. Ses iris indéchiffrables scrutent chaque détail de mon visage. À l'instant où j'ouvre la bouche pour parler, la porte s'ouvre sur Greg. Il nous regarde l'un après l'autre avant de s'attarder sur ma main qui se trouve toujours sur le torse de Kieran.

— Je dérange peut-être.

Devant Greg, je reprends le contrôle de mon corps et retire immédiatement mes doigts gênés.

— Pourquoi dis-tu ça, bredouillée-je en me faufilant dans l'appartement sans les attendent.

Qu'est-ce qui m'a prise de le toucher, pourquoi n'ai je pas enlever ma main aussitôt. Pourquoi dès qu'il s'approche de moi je perds tous mes moyens, chaque fois, il a ce contrôle sur moi. D'un pas presser, je rejoins la salle pour m'éloigner de lui et de son attraction.

Pénétrant dans le salon, les odeurs d'épices m'effleurent les narines, réveillant mon estomac qui n'a avalé rien d'autre qu'une pomme aujourd'hui.

— Vous arrivez pile au bon moment, Greg vient juste d'arriver avec la nourriture. Puisque je ne savais pas quoi prendre, je lui dis de faire un mixte, cela vous ira.

— Vous n'auriez pas dû vous donner autant de mal.

— Ne dis pas de bêtise, ça me fait plaisir surtout que Kieran n'en a jamais mangé non plus. On va pouvoir gouter un peu à tout comme ça, j'espère que vous avez faim.

— Évidemment ! s'exclame Greg en venant s'installer à table, suivie de près par Kieran.

Je les rejoins et m'assoie sur la dernière chaise de libre en face de Greg. Contrairement à la première fois que j'ai mangée avec les garçons, je suis plus détendue et à l'aise. Greg se jette sur la nourriture telle un enfant sur des bonbons. Il engouffre autant d'aliments qu'il le peut dans sa bouchère. Devant cette scène peu ragoutante, je détourne le regard. Je remarque au coin de l'œil Kieran qui se retient de rire.

— Arrête de manger comme un goinfre ! s'exclame Faith, je ne t'ai pas élevé ainsi Grégori.

Il engloutit la nourriture d'un coup, avant de venir essuyer la sauce sur son visage du revers de la main.

— Tu me fais honte, as-tu oublié qu'on a une invitée à table ?

Il lève la tête vers moi, se souvenant soudainement de ma présence. Il a le même regard que ma sœur lorsqu'elle faisait des bêtises et que mes parents la prenaient sur le fait. Son expression est si mémorable que je me retiens de rire.

— C'est juste Camélia, ça va, se défend-il en haussant les épaules nonchalamment, ce n'est pas mauvais ce truc.

— C'est vrai que ce n'est pas mauvais, mais les épices sont fortes, rétorque Kieran.

— Je ne savais pas que tu étais si sensible.

— Au moins, je te fais sourire.

Face à son regard intense et son rictus qui le rend encore plus sexy, je baisse les yeux pour me concentrer sur l'encre dessinée sur sa peau. Chacun de ses tatouages s'entremêle aux autres, seul le corps d'un serpent noir les relie. Il s'enroule tout autour de son bras, partant de sa main pour disparaitre sous la manche de son tee-shirt. Je serai curieuse de savoir jusqu'où il va et surtout de découvrir son torse. Après ce que j'ai pu toucher tout à l'heure, je me doute qu'il doit être parfait comme tout le reste le concernant.

— Fait gaffe Camélia, tu baves.

Devant la remarque de Greg, je relève les yeux vers Kieran qui me regarde amuser. Les joues en feu, je me concentre sur la viande dans mon assiette.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, bredouillé-je innocemment.

Alors qu'il va répondre, la sonnerie de son téléphone attire son attention.

— Lyd nous retrouve au Blood of Perl.

Sa remarque lui donne droit à un regard noir de Kieran qui fait perdre soudainement son sourire à Greg. Je ne sais pas ce qu'est cet endroit, mais l'ambiance qui était bonne enfant et devenue lourde et pesante.

— Vous ne travaillez pas ce soir.

— Non, on a pris un jour de congé.

Mal à l'aise que son petit-fils puisse lui mentir aussi aisément, je préfère me mettre en retrait et me sers un verre.

— Ça sera gentil d'emmener Camélia avec vous, ajoute Faith.

Je recrache presque la gorgée que je viens d'avaler en entendant ses mots. Après Cloé, c'est ma voisine qui souhaite que je sorte. J'essuie l'eau que je me suis renversée avec la serviette, légèrement contrariée.

— ça ne va pas être possible, répond aussitôt Greg un peu trop agressive à mon goût.

— Et pourquoi ça ?

— Ce n'est pas la peine Faith, protesté-je, j'ai un dossier à réviser de toute façon.

— Tu vois ! ajoute Greg en faisant un signe de main vers moi pour bien montrer que ce n'est pas sa faute. Peut-être qu'une prochaine fois..

— Viens avec nous, le coupe Kieran attirant un regard ahuri de Greg.

Je le dévisage pour essayer de comprend ce qui se trame derrière sa tête, mais ses iris d'ébène ne laisse rien paraitre.

— Voilà un garçon bien élever !

— Kieran, ça risque d'être compliqué ce soir, si tu vois ce que je veux dire, grimace Greg en faisant les gros yeux.

Il ne l'écoute pas et continue de me fixer intensément attendant ma réaction.

— C'est quoi comme bar ? osé-je demander.

Je me doute parfaitement que ce n'est pas ceux que je fréquente habituellement, mais la question me brûler les lèvres.

— Ce n'est pas vraiment ton style.

— Et qu'est ce que c'est mon style ? rétorqué-je en posant mes avant-bras sur la table pour faire face à Greg qui me toise..

— On le sait tous les deux, ne sois pas outré

— Grégori ! le reprend Faith

— Je ne dis que ce que je pense.

— Prouve-lui qu'il se trompe et accompagne-moi.

Plus aucune trace d'humour ne se lit dans le regard de Kieran, je ne parviens pas à déterminer ce qu'il a derrière la tête. Il est assez déconcertant, depuis le temps que je le côtoie je n'arrive toujours pas à comprendre où il veut en venir surtout en ce qui me concerne.

— Je ne peux pas, je travaille demain.

— Je ne te ramènerai pas tard.

— Dans ce cas, pourquoi pas, abdiqué-je, curieuse de savoir où il compte m'emmener.

— Dès que tu as terminé de manger, on y va.

— J'ai fini.

— Mais tu n'as presque rien avalé, se plaint Faith

— J'ai un petit appétit.

Je regarde mon assiette encore remplie, on peut presque la redonner à quelqu'un. Malgré l'odeur alléchante, mon estomac est noué.

— Je vais mettre vos restes dans une boite comme ça, vous aurez pour demain soir.

Aussitôt, Faith ramasse la nourriture malgré les protestations de Greg. Je me lève et l'aide à prendre les assiettes sales. Tandis que je me penche sur la table pour récupérer les plats, je remarque que Kieran contemple mon décolleté qui laisse apparaitre la dentelle de mon soutien-gorge.

— La vue te plait.

— Je n'ai pas à m'en plaindre, répond-il amuser en se dressant à son tour.

Il attrape la vaisselle sale que je tiens pour les amener lui-même en cuisine. Je ne peux m'empêcher d'avoir ce foutu sourire, il a le don de me faire oublier tout le reste. Au moins ce soir je ne risque pas de croiser Roger. Je ne pense pas que ce bar lui corresponde non plus, c'est déjà ça.

— Laisser je vais ranger, proteste Faith en récupérant les assiettes des mains de Kieran. Partez et soyez gentils avec Camélia.

— Ne t'en fais pas, dit Greg en venant embrasser Faith.

— Merci pour le repas, la remercie Camélia

— Ça m'a fait plaisir, passe une agréable soirée.

— On y va, me demande Kieran en prenant ses affaires.

— Je reviens, je vais chercher quelque chose chez moi.

Je quitte l'appartement de Faith et sors ma clé pour ouvrir ma porte. J'attrape ma veste sur mon canapé prête à partir, mais au moment où ma main se pose sur la clenche je me rends compte que l'odeur des épices indiennes a imprégné mes vêtements. Je me dépêche de troquer mon haut par un tee-shirt blanc. Étant légèrement transparente, je ne peux pas mettre de soutier-gorge sans que celui-ci se voie. Ma poitrine n'étant pas trop opulente cela me donne un côté sexy et non vulgaire. Je détache mes cheveux pour les laisser libres et me mets un peu de parfum fleuri. Je lance un dernier regard dans mon miroir et prends mon sac à main, je pose mon cuir dessus avant de sortir de chez moi. Je tombe sur Kieran et Greg qui m'attendent impatiemment dans le couloir.

— On peut y aller.

— Après toi.

Je passe devant lui et suis Greg. Le savoir derrière moi me donne des frissons, c'est assez stressant de sentir ses yeux sur ma peau. La douce chaleur de l'extérieur vient me caresser le visage, à peine ai-je franchi l'entrée de l'immeuble. Kieran me dépasse lorsque nous approchons d'un Hummer, la couleur noire impeccable reflète les faisceaux de lumière des lampadaires de la rue. Ma voiture me parait minuscule face à ce monstre. Il s'empresse de me devancer pour m'ouvrir.

— Depuis quand es-tu devenu un gentleman ? le taquiné-je.

J'avance vers lui, me collant à la portière qui nous sépare.

— Tu as mis du parfum rien que pour moi ?

— Pardon ?

— Tout à l'heure, tu n'en avais pas.

— Tu n'es pas le centre de la Terre, tu sais.

— En tout cas, j'aime beaucoup.

Face à son regard de braise, tout mon corps s'enflamme. Je préfère tourner la tête sentant mes joues s'empourprer et rentrer dans la voiture. Un sourire nait sur ses lèvres alors qu'il ferme la portière. Il a peut-être gagné pour cette fois, mais ce n'est que partie remise. Le long du trajet, je me concentre sur le paysage, j'écoute à peine la musique qui a envahi l'habitacle. Remarquant qu'on s'enfonce dans la ville, j'essaie de me repérer, mais je n'ai aucune idée où l'on est.

Je tente de nous localiser avec mon portable, sauf qu'au même moment Kieran se gare dans ce qui semble être un parking improvisé. Récupérant mes affaires, je sors de la voiture et ne comprends pas ce qu'on fait là. Pas un seul bar ne se trouve dans les environs ou du moins en ce qui peut s'en rapprocher. Je suis Kieran et Greg de moins en moins confiantes, surtout lorsque je me rends compte qu'ils empruntent une ruelle exiguë. Je ne peux m'empêcher de regarder derrière moi soucieuse de me retrouver coincée.

J'emboite leurs pas peu rassurés, ils s'arrêtent devant une porte rouge vif qui semble être blindée sans clenche. Lorsque le poing de Greg s'abat sur celle-ci, un son métallique retentit dans les environs brisant le silence angoissant qui règne. Une petite trappe s'écarte laissant quelques notes de musique sortir, avant de se refermer. En un quart de seconde, la porte s'ouvre sur un homme chauffe immense, une vraie armoire à glace. Ses mains sont aussi grandes que mon crâne, je n'aimerais pas me prendre une claque de sa part. Le sang dans mon corps s'évapore en apercevant le pistolet accrocher à son ceinturon, je hais les armes à feu. J'ai dû faire la guerre à mon père pendant des mois pour qu'il se décide à jeter la sienne. Je n'ai jamais compris en quoi cela pouvait nous faire sentir en sécurité.

D'un simple signe de tête, il nous invite à entrer. Le bruit assourdissant me percute de plein fouet, tandis que je m'agrippe fermement à la rampe pour descendre les marches que je distingue vaguement. Il fait si sombre, je vois à peine Greg, seuls les néons rouges au plafond m'indiquent le chemin à prendre. Après ce qui me semble interminable, Kieran soulève un rideau opaque, les jeux de lumières blanches perçant l'obscurité du couloir viennent m'aveugler un court instant. J'avance les yeux plissés pour m'habituer au contraste. Je me retrouve dans une immense salle à la chaleur étouffante remplie à craquer.

Tellement absorbée par cet endroit, je n'ai pas remarqué que je suis seule face à une marée humaine à l'hormone décuplée, il n'y a plus aucune trace de Kieran ou de Greg. Rien que de voir cette rousse à peine majeure se frotter contre deux hommes de deux fois plus âgées me met à l'aise. Ses messieurs ne se gênent pas pour passer leurs mains partout sur elle, oubliant qu'ils sont entourés. Je me fraye un chemin, au moment où je remarque un portoricain au crâne tatouer tituber vers moi.

La musique rock laisse peu de place à la discussion et je n'ai franchement pas envie de me faire accoster. Je décide de traverser la masse de personnes qui se déhanchent pour rejoindre un bar qui se trouve à l'opposé. Une désagréable odeur de parfum bon marché mélangée à la sueur vient m'agresser les narines. En l'atteignant, je m'assois sur l'un des tabourets libres, je suis en face d'un immense miroir noir et argenté, la glace est abimée à plusieurs endroits, ne donnant que des reflets flous. Le comptoir en bois noir de j'aie a aussi vécu que le reste, on peut apercevoir sa couleur d'origine sous cette peinture qui s'écailler.

En attendant que le barman vienne à moi, je me tourne pour observer la salle. Tout le plafond est recouvert du même miroir que celui du bar, les murs sont revêtus de rideaux sombres. Sur ma gauche, des filles au sein nues dansent derrière des grilles. Leurs visages se retrouvent dissimulés par des masques tachés de peinture fluorescente, seules les ouvertures au niveau des yeux permettent de voir leurs iris. Elles s'amusent à se frotter contre les barreaux devant le regard hypnotique de leurs fans. L'une d'entre elles fait le grand écart avant de revenir pour lécher la barre métallique. On ne peut dire qu'elle soit timide, sa peau mate fait ressortir son porte-jarretelle blanc-ivoire et son ras-de-cou de la même couleur. Des pierres scintillantes, accrocher à son collier descend sur sa poitrine.

— Tu veux quoi ? aboie l'homme derrière moi.

Je sors de ma contemplation pour me tourner vers le barman. De loin, il me paraissait moins intimidant, ses yeux bleus me toisent avant de me jeter un regard vers mes seins sans aucune once de gêne. Agacée, je fais claquer mes doigts devant son visage. Brusquement, il relève la tête, les sourcils froncés, je ne me démonte pas pour autant.

— Un cosmopolitan.

Un semblant de rire s'échappe de sa bouche tandis qu'il m'observe comme un pauvre agneau égarer. Ses longs cheveux bruns se confondent avec sa barbe qui dissimule son cou. Je me recule lorsqu'il s'avance vers moi.

— Tu as dû te tromper d'endroit ma jolie, un conseil tu devrais partir avant de te faire croquer toute cru.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

On tourne tous les deux la tête vers Lyd qui vient de s'installer sur le tabouret d'à côté. Un sourire s'empare de mes lèvres alors qu'il dépose un baiser sur ma joue.

— Un bourbon, le questionne le barman en lui serrant la main.

— Sans glaçons s'il te plait Ace, précise-t-il avant de se tourner vers moi, et toi tu veux quoi ?

— Elle voulait un cosmopolitan, se moque Ace en servant le liquide brun dans un verre.

Je vois bien que Lyd se retient de rire en échangeant un regard avec l'autre. Exaspérer devant leurs comportements, je fais claquer mes ongles frénétiquement sur le comptoir.

— Vous avez quoi à me proposer au lieu de vous foutre de moi.

Lyd me jauge un instant avant de se tourner vers Ace confiant.

— Fais-lui une petite mort.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Goute et tu verras, me taquine-t-il en me faisant un clin d'œil.

Je ne devrais sans doute pas accepter un verre qui vient d'ici, d'autant plus que celui qui le prépare ne donne vraiment pas confiance. D'habitude, j'aurai fui sans me faire prier. Je fixe le shooter où des flammes bleutées lèchent les bords. Avec une cuillère dorée Ace les étouffe et me le tends. Je prends sur moi et ingurgite d'un seul trait la substance qui me brûle ma gorge. Le gout est si fort que je ne peux décrire les aromes. J'en ai les larmes aux yeux, faisant sourire Lyd.

— Alors ?

— ça réveille, ironisé-je en grimaçant.

— Ce n'est pas pour les petites joueuses, rit-il avant d'ajouter plus sérieusement, si j'avais su que tu venais, je me serai mieux habillée.

— Pourquoi, tu es très bien comme ça.

— Ouais, c'est vrai je suis beau, balance-t-il en se redressant.

Il se tourne sur le tabouret pour faire face à la salle en sirotant le liquide dans son verre.

— Tu as toujours autant d'égo à ce que je vois, répliqué-je amusé.

— Mais je te rassure, toi aussi tu n'es pas mal.

— Je dois prendre ça comme un compliment, ou tu dis ça à toutes les filles d'ici.

Devant ses yeux déconcertés, je comprends que j'ai touché dans le mille ce qui m'amuse d'autant plus. Je connais très bien les hommes comme lui, de vrais coureurs de jupons au sourire ravageur.

— Bon peut-être, mais cette fois-ci je le pense.

— J'en suis honorée, me moqué-je.

C'est tellement mignon la façon dont il tente de se rattraper, mais s'il croit que je suis comme toutes ses midinettes à flancher devant le moindre compliment, il risque de tomber de haut.

— Pourquoi ne m'as tu jamais rappelé ? me questionne-t-il soudainement.

— J'ai eu beaucoup de travail et de stresse, ajouté-je en soufflant.

— Je peux te faire changer les idées.

— Comment comptes-tu faire ça ?

Je m'amuse à rentrer dans son jeu de séduction et m'avance vers lui pour poser ma main sur sa cuisse. Ses iris se mettent à pétiller devant mon rapprochement.

— Laisse-moi te raccompagner chez toi.

Sa voix devient rauque alors qu'il murmure ses mots à mon oreille. Je commence à décliner son offre plus qu'alléchante, mais mon corps se réveille sous les doigts de Lyd qui se balade sur ma hanche. Peut-être que Cloé a raison, en plus on ne peut pas dire qu'il est un physique désagréable bien au contraire.

— Kieran m'a emmenée, je ne peux pas partir sans le prévenir.

— Il est à la table là-bas.

Je me tourne vers l'endroit qu'il m'indique, Kieran parle avec un homme. Il est si concentré qu'il ne prête pas attention à ce qui l'entoure. À ses côtés, deux danseuses se frottent contre Greg et Death, même s'ils ne semblent guère faire attention à elles et leurs mouvements.

— Je le préviens que tu rentres avec moi, demande Lyd en s'approchant de moi le regard brûlant.

Mon visage se retrouve à quelques centimètres du sien, son parfum de menthe intense fait tomber mes dernières raisons tandis que ses yeux me dévorent.

— Préviens-le.

Il s'éloigne aussitôt de moi pour aller rejoindre la table, je me lève et avance quelque pas dans sa direction. Il se penche vers Kieran qui répond un simple hochement de tête, il salue Greg et Death et revient vers moi.

— On peut y aller,

Il pose sa main au creux de mes reins pour me guider. Je jette un dernier regard vers Kieran, mais avec l'obscurité de l'endroit je le perds rapidement de vue. Lyd récupère ses affaires dans ce qui semble être un vestiaire et me donne un casque noir mat. J'examine l'objet de travers, j'aurais préféré profiter du confort d'une voiture. Le choc thermique vient me frapper de plein fouet lorsqu'on franchit la porte métallique rouge. Je passe ma veste tout en le suivant vers une moto de la même couleur que le casque. N'étant jamais montée sur un tel engin j'hésite.

— Je n'ai jamais fait, lui avoué-je en m'approchant.

— Tu n'as qu'à me tenir, j'irais doucement, prononce-t-il.

Je décide de lui faire confiance, je prends la main qu'il me tend et enfourche le siège. Je passe mes bras autour de son ventre anxieux, je respire calmement en la sentant vibrer entre mes cuisses. Je resserre aussitôt mon étreinte et ferme les paupières le laissant conduire. La sensation de l'accélération est tellement exquise. Mes yeux finissent par s'ouvrir appréciant de plus en plus cette adrénaline qui envahit mes veines. Malheureusement pour moi, le tour se termine bien trop vite. Il ne faut que dix minutes pour Lyd à arriver dans ma rue. Euphorique, je descends de la moto et enlève le casque le sourire aux lèvres. Il enlève le sien ainsi que son blouson en cuir pour la déposer sur sa machine.

— Tu as aimé ? me questionne-t-il en m'attirant vers lui.

Ses doigts se glissent dans mon dos m'approcher un peu plus contre son torse.

— On refait ça quand tu veux, murmuré-je.

Un frisson parcourt mon corps sous ses caresses. Ses iris ne peuvent s'empêcher de fixer ma bouche, ayant envie de m'amuser j'attrape ma lèvre inférieure avec mes dents.

— Embrasse-moi, susurre-t-il.

Mes pieds se hissent tandis que ma main passe sur sa nuque pour approcher son visage du mien. Je m'arrête seulement quelques centimètres, son souffle alcoolisé caresse ma peau. J'efface la distance et dépose un baiser, mais en même moment une sonnerie de portable retentit.

— Fais chier.

Je m'éloigne de lui pour le laisser répondre et lui redonne le casque moto. Devant son visage tendu, je comprends que notre soirée vient de tomber à l'eau. Énerver, il raccroche et fourre son téléphone dans sa poche.

— Tu dois t'en aller, le devancé-je.

— J'ai une affaire à régler, ça ne peut pas attendre, tente-t-il de m'expliquer en enfilant de nouveau sa veste, je suis désolée.

— Tant pis pour toi.

— J'espère pouvoir profiter de ta bouche un autre jour, me lance-t-il en me faisant un clin d'œil avant de partir au quart de tour.

Frustrée, je rentre dans l'immeuble. Ses lèvres sont si douces, j'aurais bien aimé les savourer un peu plus. Je vais devoir me contenter toute seule ce soir. Rien que d'imaginer ce qui se serait passé avec Lydéric, mon intimité se réveille. Mon excitation naissante s'évanouit brutalement en remarquant la porte d'entrée ouverte de Faith. Inquiété je m'avance d'un pas rapide, jusqu'à ce que je la voie livide, son corps jonchant le sol. Je me précipite vers elle paniquer et tente de la faire revenir à elle. Les mains tremblantes je compose le numéro des urgences, j'essaie de sentir les battements de son cœur, mais je n'y arrive. Les larmes roulent sur mes joues en comprenant qu'elle ne respire plus.

Annotations

Vous aimez lire Enumera ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0