116. Inauguration (partie 2/4)

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Les trois filles descendent l’escalier en colimaçon derrière, le rideau, placent le décor, un porte-manteau, une fausse bibliothèque en carton, un fauteuil. Perette étant meilleure actrice, que danseuse, j’ai décidé d’utiliser le théâtre pour introduire les différents tableaux de la soirée.

La lumière blanche s’ouvre sur elle, vêtue d’une belle robe bourgeoise. Elle s’approche du bord de l’estrade, et observe le public. Elle essuie du poing une vitre invisible qui la sépare d’eux et dit à voix haute :

— Le miroir du salon est sale ! Lisette !

La jeune danseuse thaï s’avance dans une robe noire et sage, tablier blanc de servant fixé à la taille. Perette lui montre le public :

— Le miroir est sale. Et je ne parle pas de mes taches de rousseur.

Le public rit. Lisette fait semblant d’exhaler de la buée et essuie à son tour le miroir imaginaire. Perette lâche un soupire satisfait. Lisette repart à la bibliothèque et époussette les faux dossiers avec un plumeau. Perette confie :

— Dès fois, j’ai l’intime sensation que les miroirs de cette maison me regardent.

Elle détache ses cheveux, les recoiffe, prend des poses, puis demande à voix haute :

— Miroir, dis-moi que je suis belle.

Elle soupire, puis s’en va vers le sofa. Elle s’y assoit, puis lance :

— J’ai trop marché ! J’ai les jambes fourbues !

Elle se penche en avant, et remonte sa robe pour masser son mollet. Quelques silhouettes dans le public changent de position. La robe retombe. Elle saisit un petit livre posé sur le guéridon, puis passe ses cheveux d’un côté de l’épaule pour dégager sa nuque au public. Elle fait semblant de lire la première page et papillonne des yeux. Elle tourne une page, bâille en plaçant poliment sa main devant la bouche puis s’adosse confortablement. Elle lit, silencieusement, tourne une page, puis s’endort. La lumière s’éteint, et Jésus entame un morceau rythmé sur un djembé.

Un néon vient baigner la scène d’ocre. Lisette a disparu, et Marianne la remplace, le visage grimé de blanc, les yeux écarquillés, la lance dans une main, un pagne de longues feuilles autour des hanches, un épais châle de griffes et d’osselets sur ses épaules et sa poitrine. La musique de Jésus s’accélère légèrement. Marianne balance alors les hanches au même rythme, sans que son torse ne bouge d’un millimètre. Face au public, elle lève la lance au-dessus de sa tête, la saisit de sa seconde main, puis laisse la danse animer ses jambes et son ventre. Souriante, sensuelle, elle ondule comme un serpent, jusqu’à ses poignets. L’arme semble immuable, comme si c’était elle qui tenait la danseuse. Les spectateurs sont accrochés à son nombril, comme des mômes devant le Père Noël.

Lorsqu’elle repose la lance au sol, Jésus ajoute les notes d’un piano d’une main, tandis qu’il nuance le rythme de son autre main sur le djembé. Marianne fend délicatement son pagne de sa jambe, s’accroupit, les cuisses grandes écartées. Puis les genoux se cachent à nouveau lorsqu’elle se redresse. Elle joue, tantôt de dos, tantôt de face. Au fil de sa danse, sa jambe se lève plus haut, pour finalement venir se poser contre sa poitrine.

Quelques applaudissements timides l’encouragent alors qu’elle enlace son mollet. Elle sourit, un peu mutine, et descend une main vers les creux de son genou. Le djembé traduit le suspens alors que la main poursuit sur la cuisse. Mais au lieu d’écarter les feuilles du pagne, Marianne replie sa jambe autour de la lance, tourne le dos au spectateur en la faisant tournoyer jusque sur ses épaules. Soudain, elle brandit l’arme en se plaçant face au sofa, et la projette avec force.

Le public sursaute, alors qu’elle se plante dans le dossier à côté du visage de Perette. Cette dernière bondit en ramenant ses pieds sur le sofa. Marianne garde une main sur le manche de son arme et ondule d’avant en arrière, provoquante d’érotisme. Perette tend une main avide vers la danseuse qui s’approche, ses doigts s’enfoncent dans la paille du châle. Marianne se fige, la respiration s’approfondit, faisant courber ses épaules, puis s’accélère au même rythme que les mains de Jésus sur le djembé. Les épaules de Marianne se cabrent brutalement en arrière, arrachant le châle qui les couvre. Il ne reste qu’un collier de crânes d’animaux qui cache ses mamelons, mais rien de la courbe généreuse de ses seins.

Le djembé prend un autre rythme, le piano semble jouer des notes plus chaudes. Marianne, tout en dansant comme si elle voulait séduire Perette, se tourne face au public. Ses hanches meuvent un peu plus rapidement, ses mains dessinent des vagues, mais ses épaules restent immobiles. Au fur et à mesure, elle fait le tour su sofa, glisse une main sur l’épaule de Perette, longe le bras, et entremêle ses doigts aux siens. La Versaillaise descend du fauteuil, et suit docilement l’envoutante métisse. Une fois dos au public, Marianne l’attire à elle pour l’étreindre. Les deux filles s’enlacent. Les ongles de Perette viennent griffer le dos couleur caramel, puis descendent dans la jupe de feuille, pour y dévoiler les jambes. Le menton posé sur l’épaule de la danseuse, le visage de Perette exprime l’abandon, les hanches de Marianne roulent par vagues amples et cadencées contre la robe. Le pianiste s’arrête, le djembé accélère, les doigts de Perette tirent sur le pagne qui tombe au sol, puis reviennent avide, sur les fesses rondes et musclées. Le djembé augmente la cadence. Les sourcils de Perette s’incurvent de plaisir, ses doigts se transforment en serres qui se cramponnent dans les deux monts. Le djembé s’arrête brutalement, offre trois tams espacés d’une seconde, auquel s’accordent les derniers balancements des reins.

La lumière s’éteint. Les premiers applaudissements entrainement les autres, puis s’entremêlent de sifflements joyeux. Cette liesse me fait chaud au cœur et, j’en suis certaine, à Marianne également. En cinq secondes, Lisette a retrouvé sa place, Marianne a récupéré sa lance et ses pièces de costumes. Lorsque la lumière revient, interrompant l’ovation, Perette est endormie, son livre sur les genoux, et Lisette époussette les livres.

— Je me suis endormie, réalise Perette à voix haute.

Lisette tourne la tête vers elle et sourit. Perette se défend :

— Ne te méprends pas, la lecture n’a rien de monotone, mais il y avait à l’intérieur, un personnage qui m’a fait voyager… et transpirer. Je me sens moite. Prépare-moi un bain.

Lisette s’incline, plus quitte le salon.

La lumière s’éteint à nouveau. Nous virons le sofa et la bibliothèque et y plaçons une baignoire sur roulette. Le livre est viré de guéridon à trois pied, et est remplacé par une éponge et une carafe.

Lorsque la lumière revient Perette se présente face au public. Lisette s’en approche, exhale et essuie le miroir imaginaire. Elle repart ensuite, vers le bain, et fait semblant d’y tremper le doigt. Perette se mire rêveusement, puis fait semblant de s’étonner et interpelle d’un regard agacé sa servante :

— Et bien ? Enlève-moi mon corsage.

Lisette revient, dénoue le laçage dans le dos, puis abaisse délicatement le haut de la robe sur les épaules. Le public espère un peu plus, mais des épaules, c’est déjà beaucoup pour eux. Perette caresse son cou comme si elle cherchait à se délacer. Sa haut de sa poitrine se découvre dans un soupir, mais ses bras empêchent de la découvrir.

— Dis-moi, ma muette servante. As-tu déjà désiré un homme si ardemment que ton cœur semblait se fendre ? As-tu déjà été fébrile au point de sentir ton ventre bourdonner ? — Elle descend sa main. — Au point que chaque pensée se transforme en poésie sensuelle, en rêve brûlant d’audace ?

Sa main termine à hauteur de l’entrejambe, et elle écrase sa robe au creux de sa poigne. Son visage feint si naturellement l’emprise fiévreuse du désir, qu’il ne laisse personne impassible. Le shérif lui-même, change son appui sur le comptoir. Perette tourne alors dos au public pour s’adresser directement à Lisette.

— À toi, je peux le dire… Tu ne le répèteras pas.

Son acolyte secoue la tête, puis l’actrice laisse glisser lentement sa robe, pour dévoiler le creux de ses reins. Elle porte chacune de ses mains et dit :

— Regarde comme mon rêve les a rendus durs.

Le public ne peut qu’imaginer, et c’est aussi frappant que s’ils la voyaient. Lisette retrempe un doigt et fait signe que l’eau est chaude. Perette, laisse alors le reste de la robe s’étaler au sol, se retrouvant nue dos à son public. Elle avance d’un pas, grimpe dans la baignoire, puis s’y allonge de profil au public, ne laissant que le haut de ses épaules visibles. Elle appuie sa tête en arrière, Lisette lui peigne les cheveux pour le passer au-delà du rebord. Puis elle prend l’éponge et caresse les épaules de sa maîtresse qui reprend son monologue :

— Quand mes rêves se colorent, que je ressens cette chaleur, si je ferme les yeux, ce sont des femmes que je vois apparaître, des femmes qui dansent, qui se dénudent. Elles sont si élégantes que mes cuisses en deviennent humide.

Tandis qu’elle garde les yeux clos, Lisette passe dos au rideau pour passer l’éponge sur le corps soi-disant immergé. Perette plie les jambes, laisse apparaitre un genou. Le bras de Lisette suit cette cuisse, laissant supposer que l’éponge descend au creux de l’intimité. Perette soupire :

— Ne t’arrête pas, c’est délicieux. Je commence à rêver.

Perette soupire un gémissement assez fort pour être entendue.

— Si tu pouvais voir mes rêves…

Elle caresse le visage de Lisette et la lumière s’éteint à nouveau.

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