71. Retour à Saint-Vaast

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3 janvier 2019.

Habillée d’une grande robe opaline, et d’un chapeau d’époque, j’observe avec dépit les deux valises pleines. Nous avons pris des modèles âgés pour ne pas détonner dans le décor de Saint-Vaast. Je me demande comment faire entrer le stock de déodorant.

— Maman !

Ma mère passe dans une belle robe améthyste.

— Tu t’en sors ?

— Non.

— Mais tu as pris tes baskets ?

— Ben si je veux aller courir ou si on part l’aventure.

— Et tu as pensé à tes talons hauts ?

— Dans cette valise, avec la lingerie, le maquillage, les paillettes et les bijoux… et aussi ma fameuse collection en cas d’envie urgente. Et j’ai aussi mis l’appareil photo, les batteries et les cartes mémoires. Et dans celle-là, c’est tout le reste, vêtements de ce monde, paquets de cafés, serviettes, gants, lessive à main, shampoing, crème solaire pour le début, tubes de dentifrice…

— Je prends tes déodorants. Si on veut être parties avant qu’il fasse jour…

— Merci.

— Je n’ai qu’une valise, moi.

— Oui, mais moi, je suis une princesse.

Elle rit puis s’éloigne avec le carton de déodorants. Mes lourdes valises fermées, je descends les escaliers en les laissant frapper les marches. Mon père se précipite pour m’aider et les charger dans la voiture.

Le soleil se lève timidement pendant que nous faisons la route. Depuis le temps que nous parlons de ce projet, je suis impatiente de retrouver le soleil de l’autre monde.

Mon père gare la voiture non loin de l’appartement, puis nous longeons les ruelles. Quelques passants emmitouflés dans leurs écharpes regardent avec curiosité les robes que nous portons. Nous montons les escaliers étroits du vieil immeuble, puis parvenus au quatrième étage, nous ouvrons la porte. Mon père reste sur le seuil. Etonnée, je demande :

— Tu ne veux pas un café ?

— Non. Il faut que je reparte assez vite. — Il m’ouvre les bras et m’embrasse. — Prends soin de toi, ma chérie.

Il pose ses yeux sur ma mère et lui octroie un au revoir, puis tourne les talons sans même l’avoir embrassée. Un frisson froid me remonte le long du dos. Maman pose sa main sur mon bras.

— Ne t’inquiète pas.

Elle ferme la porte, puis, la malice dans les yeux, elle tourne la clé dans la serrure. Au troisième tour, le soleil matinal vient frapper les carreaux.

— Extraordinaire ! Enfin nous y sommes !

Elle ouvre la porte, puis nous descendons poser les valises sur le quai, où nous levons la flèche d’arrêt. Maman rit :

— J’ai déjà trop chaud !

— Moi aussi. Je me suis déshabituée.

— C’est la plus grande aventure de ma vie !

Je souris à son enthousiasme, puis m’adosse au mur. À en juger les rayons qui traversent de biais la cime des arbres, il est encore tôt pour que le train arrive. Les moustiques, attirés par la nouveauté, ciblent la joue de ma mère qui se met une gifle.

— Dans quelle valise est l’appareil photo ?

Je désigne la petite malle usée sur laquelle, elle se penche. Elle sort l’appareil photo de son vieil étui en cuir puis me dit :

— Tu prends la pose sous le panneau ? Avec le soleil ça va donner super bien.

Je m’appuie d’une main sur le mur sous la flèche d’arrêt, pendant qu’elle recule, puis elle m’immortalise devant la végétation rouge. Elle range ensuite l’appareil en s’ordonnant d’économiser de la batterie. Elle passe l’étui autour de son cou et se place de façon à avoir l’approche du train.

Nous attendons presqu’une heure avant que le monstre d’acier n’apparaisse, dans le cri strident de ses freins. C’est le cheminot du jeudi, le même que la dernière fois. Il s’exclame :

— Bonjour Madame Fanny !

— Bonjour !

— Je vais vous aider à monter vos valises.

Il descend de son poste, puis prend mes valises en questionnant :

— Vous revenez parmi nous longtemps ?

— Non, je viens rendre visite à mes amis.

— Et Madame, à en juger votre beauté, vous êtes la Maman de Fanny.

Ma mère rougit en acquiesçant. Nous grimpons dans le premier wagon. Il nous amène à un compartiment vide. Les banquettes sont molletonnées et rouges, les poignées de porte dorées.

— Nous sommes en première classe ? Ça ne va pas coûter trop cher ?

— Rien n’est assez bon pour vous, Madame Fanny. Nous ne dirons pas que vous n’avez pas de billet.

Il me fait un clin d’œil, puis saute du wagon pour rejoindre sa cabine.

— Et bien, me dit ma mère. Tu es une célébrité !

— C’est à double-tranchant. Tu verras. Ce ne sera pas facile d’être ma mère lorsque tu voudras faire tes courses.

Le train s’ébranle, et cette fois-ci, ça y est, je retourne à Saint-Vaast. À la fois fébrile et anxieuse, je prie pour ne pas aller au-devant de dangers trop périlleux. La quête de la jeunesse éternelle ne sera certainement pas facile. Ce monde m’a habituée à être rude et imprévisible. Je n’ai pas encore parlé de mon deuxième objectif à Maman, pensant qu’elle voudrait retrouver Papa et ne pas la décevoir à l’avance en lui annonçant que je ne rentrerai pas avec elle. Mais leur séparation froide change ma perception de leur relation. Bien que ma mère m’ait parlé de ce besoin d’éloignement, ils n’avaient ni l’un ni l’autre montré cette fêlure. Mon esprit commence seulement à prendre conscience.

Radieuse, Maman me demande :

— Tu as l’air songeur. Inquiète ?

— Non. Je pensais à toi et Papa.

— C’est la difficulté des relations de couple. Nous changeons tous et pas toujours dans la même direction. Comme toi et Jared.

— Ce n’est pas pareil. Vous, ça fait trente ans que vous êtes ensemble.

— Trois ans, trente ans… J’ai juste mis plus de temps. Et puis la vie ne m’empêchera pas forcément de faire marche arrière si je m’aperçois qu’il me manque.

J’opine du menton pour lui faire plaisir, mais leur histoire me peine.

Nos robes sont trop épaisses, nous sommes trempées jusqu’aux os. Saint-Vaast approche aussi vite que notre faim. La marée haute a envahi les pâtures jusqu’aux pilotis de la basse-ville. Ma mère profite que nous soyons seules pour sortir son appareil photo et immortaliser le paysage magnifique.

— Tous ces moulins sur les toits !

— C’est pour l’électricité.

— Je ne parvenais pas à imaginer Saint-Vaast. C’est extraordinaire !

Les freins crissent, et nous entrons en gare. Par la fenêtre, je distingue la silhouette d’Antoinette, tout de noir vêtue, l’étoile de shérif-adjoint luisante.

Nous trainons nos épaisses valises dans le couloir du train, nous joignant à d’autres voyageurs en costumes et robes. Notre chauffeur s’empresse de venir à notre rencontre pour prendre nos valises.

— Merci.

— Je vous en prie !

Depuis le bout du quai, attirée par l’inhabituelle galanterie du cheminot couvert de suie, Antoinette approche. Lorsque mes bottes à talon touchent terre, elle s’exclame :

— Ma parole ! — À grandes enjambées elle s’avance vers moi. — Qu’est-ce qui t’amène ici ? Je te croyais rentrée chez toi.

— Je viens rendre visite. Je vous présente…

— Laisse-moi deviner. Ta mère ? Facile ! Même audace !

— Même audace ? s’étonne Maman.

— Qui oserait une coupe de cheveux d’homme sinon la mère de la Punaise ?

Maman rajuste son chapeau, gênée. Cherchant une autre discussion, je dis :

— Il fait toujours aussi chaud. Le Païen n’a pas changé de place ?

— Non. Et Jacques est toujours à la recherche d’une danseuse pour te remplacer. Le voir va le faire bondir de joie. Attends ! Je vais prendre une de vos valises, nous allons monter ensemble !

— C’est gentil !

Elle soulève une valise, puis nous passons devant le chasse-bœuf pour gagner la colline. Elle me confie :

— Tu as plus belle allure qu’à ta première arrivée, ici.

— Et j’ai des bagages. Cette fois-ci, j’ai pu préparer ma venue.

— C’est mieux ainsi.

Nous croisons un cavalier.

— C’est extraordinaire ! s’exclame ma mère.

— Qu’est-ce qui est extraordinaire ? demande Antoinette.

— Votre ville ! C’est tellement différent de chez nous !

— J’avais bien compris que par chez vous, ce n’était pas les mêmes lois.

Petit à petit, au fil des ébahissements maternels, nous parvenons dans la rue du Païen. Revoir le bâtiment, me fait un pincement au cœur. L’emblème de la danseuse sur une barre a été fait en mon honneur. Me rappeler combien j’ai changé à moi seule la face de la taverne, me fait un effet étrange. À l’entrée, sur le tableau noir, il est écrit qu’il cherche une danseuse érotique.

Fourbue du poids de la valise, je pousse le portillon à double-battant. J’entends les grognements de Jacques depuis la cuisine. Jésus m’aperçoit avec un grand sourire. Mon index en travers de mes lèvres lui indique de ne pas crier. Le bruit de mes talons ne semble pas être entendu ni de Jacques ni de Martine qui lui donne des conseils pour adapter la recette.

— Mettez la dose ! Ça sera fade, sinon

— Mais on n’en aura bientôt plus de vos épices !

— On fera une autre recette !

Je m’appuie sur le montant de la porte de la cuisine me constate à voix haute :

— Toujours aussi grincheux.

Jacques sursaute en portant la main à son cœur, puis la joie transforme son visage rouge.

— La Punaise ! !

— Il paraît que tu cherches une danseuse.

Ses deux grosses mains serrent mes épaules, pour qu’il puisse m’admirer.

— Tu es revenue !

Ses joues trempées de sueur se posent sur les miennes. Puis sans lâcher mes épaules, il demande :

— Tu vas danser ?

— J’y compte bien ! Pas ce soir, mais sitôt que Jésus et moi serons prêts.

— Ha ! Ha ! Tu vas rester longtemps ?

— Quelques jours, peut-être une semaine ou deux. Le temps de me faire un peu d’argent.

— Je n’ai pas dépensé les vingt-mille francs que tu m’as prêtés.

— Donnés. Je te les ai donnés !

— Tu es bien trop généreuse, la Punaise !

— Dis celui qui a acheté des wallabies pour que son frère accepte de prêter des chevaux.

— J’ai fait plaisir à mon frère, et j’ai évité que tu te prostitues pour des chevaux.

— Je ne l’aurais pas fait. Viens, je voudrais te présenter ma mère.

— Ta mère ?

Martine s’avance pour me faire la bise, me demande mécaniquement comment ça va, puis je conduis Jacques dans la salle. Il s’incline légèrement puis prend délicatement la main de ma mère pour l’effleurer avec sa bouche.

— Madame, soyez assuré de la fierté avec laquelle je salue celle qui a donné naissance à la plus curieuse et la plus charmeuse des créatures d’entre nos mondes.

— Charmeuse, peut-être, mais ce n’est pas un ange.

— Ça non ! Elle a le démon dans le corps. Elle m’aura causé autant de joie que de soucis. Mais si on fait le calcul, il y aura eu plus de joie que de tracas.

— Ravie de faire votre connaissance. Fanny vous estime beaucoup.

— Vraiment ?

— Sans vous, elle n’aurait pas connu le même destin.

Il pose ses yeux sur moi :

— Comme quoi la pitié a du bon. Vous m’excuserez, mais nous avons un plat exotique à terminer. Je vous invite à prendre place.

Il s’éclipse, alors je sors de ma valise un cadeau, puis m’approche du piano pour embrasser Jésus. Il me dit avec un sourire chérubin :

— Je suis trop content de te voir !

— Tiens, j’ai imprimé la photo de nous deux dans le canapé de mes parents.

Il prend le cadre en main puis, avant de la poser sur son piano, il me dit :

— C’est bien cadré. On ne voit pas mes jambes !

Je ris, et il entonne un air enjoué sur un rythme de jazz. Belle influence de ses vacances dans notre monde. Je danse sur place pour lui montrer combien mon corps apprécie d’entendre ces notes. Il a une justesse qui me surprend toujours. L’odeur des lieux me rappelle le stress de mon arrivée ici, les belotes du soir, les services du midi et mes exploits. Tant de souvenir condensés en si peu de temps !

De son côté, ma mère avance jusqu’à la table depuis laquelle monte la barre de pole-dance et autour de laquelle, la jupe de herse a été enlevée. Elle s’assoit à une de chaises de cette table puis ses yeux montent vers le plafond pour imaginer. Lorsque je la rejoins en dansant, elle m’interroge :

— Il y a vraiment cent personnes qui tiennent assises ?

— On serre les chaises. Surtout qu’il y a la herse autour.

Utilisant une chaise comme marche, je grimpe sur la table, puis laisse mon poids faire tourner la barre tenue à une main. J’avoue :

— J’ai trop envie de commencer ce soir.

— Qu’est-ce qui t’en empêche ?

— Je ne veux pas faire la même chose. Je veux que ça soit grandiose, répété, travaillé. Il faut que je les surprenne.

Christophe passe le portillon et se fige en m’apercevant, avant de sourire et de hâter le pas pour me faire la bise. Il confie sans fausseté dans la voix :

— Cela fait très plaisir de te voir.

— Également. Je te présente ma mère.

— Bonjour Madame Gaultier.

Il lui sert la main.

— Je préfère qu’on m’appelle Carole.

— Madame Carole.

Il s’éloigne vers les cuisines, juste avant que le maire ne pousse le portillon. Il lève les mains comme s’il recevait la grâce divine.

— Fanny ! Vous êtes revenue ! La rumeur est vraie !

Il avance jusqu’à notre table et sa moustache se pose délicatement sur ma main, avant qu’il s’adresse à ma mère :

— Je vois dans vos yeux comme un lien de parenté. Permettez-moi de vous présenter tous mes hommages. Puis-je me joindre à votre table ?

— Bien sûr ! répond Maman.

C’est au tour de Clément, mon jeune amoureux transi de pousser la porte, essoufflé d’avoir couru en ayant appris mon retour. Il fait mine de ne pas avoir cavalé, puis avance d’un pas ferme vers nous.

— Bonjour Fanny.

— Bonjour Clément.

— Je peux m’asseoir ?

— Evidemment.

Puis la foule franchit à son tour. Je suis obligée de me lever pour recevoir les hommages individuels qui me sont faits. Evidemment, on me demande si je prépare un nouveau spectacle et je leur confie que je suis en pleine gestation artistique. Le ravissement illumine les visages et la salle se fait comble, au point que Jacques doive refuser des entrées. À notre table, quatre hommes se sont invités, aussi enjoués que s’ils étaient à la table de leur footballer préféré. Pendant que Christophe et Martine servent nos assiettes, ma mère me dit :

— Tu n’imagines pas combien ta célébrité m’émeut.

— Je suis célèbre entre ces murs. Dans la rue, je ne suis qu’une pute.

— Vous êtes dure avec vous-même, me dit le Maire.

— Je pense aussi, ajoute Clément, vous n’êtes rien de tout ça.

— Je dirais, réfléchit le Maire, que vous êtes en dehors de toute catégorie. On ne peut dire de vous que vous êtes une fille de joie puisque vous ne vendez vos charmes… disons de manière charnelle. Vous ne vendez vos charmes qu’en… Diantre, les mots de me viennent pas. Vous comprenez néanmoins ce que je veux dire. Vous n’êtes donc de ces filles que l’on qualifie vulgairement de putain. Aussi me direz-vous, on n’ose parler de vous comme d’une artiste. Car malgré tout le travail sur les couleurs et la musique qui vous offrent cette apparente facilité à défier la pesanteur, votre audace est telle que les artistes ne voudraient être comparés à vous. Vous êtes entre deux eaux.

— Il y a bien des peintres qui ont immortalisé des nus, cela ne fait-il pas d’eux des artistes ? s’étonne ma mère.

Le maire fait une moue :

— Je ne connais nul artiste qui n’ait osé exposer une telle œuvre. Et Dieu sait qu’il ferait parler de lui.

— Jamais vu, confirme Clément.

— Je poserai volontiers, souris-je.

Le maire tapote mon bras en souriant :

— Ne le dites pas trop fort, vous feriez naître des vocations éphémères. Prenez-vous du vin, chère Madame ?

— Volontiers, répond ma mère.

Le petit homme à la moustache blanche remplit les verres. Nos invités de table nous expliquent que l’affluence est due à l’annonce de mon retour à Saint-Vaast. C’est un honneur pour eux de partager mon repas. Alors que les assiettes vides repartent, le maire demande à Maman :

— Dites-moi chère Madame ? Me permettez-vous d’être indiscret ?

— Essayez toujours.

— Comment une mère apprécie-t-elle d’apprendre que sa fille navigue entre l’art et la prostitution ?

Ma mère redresse les épaules, surprise de la tournure de la question. Son visage marque la réflexion, et elle attend d’avoir tourné vingt fois sa langue avant de répondre :

— En toute honnêteté, je ne l’ai jamais vue danser. J’ai vu danser ses amies, et je me suis dit, c’est donc ce genre de danse ? Fanny était à Saint-Vaast, j’ignorais qu’elle vous faisait profiter de son art. Néanmoins, à son retour, quand elle nous a appris comment elle avait payé ses dettes, le seul sentiment qui m’a traversé a été la curiosité. Son père l’a un peu plus mal apprécié…

— Je peux comprendre le point de vue d’un père, ajoute un homme.

— … et là, j’ai compris ce qu’était devenue ma petite fille. Une femme, belle, fière de son corps, équilibrée. Elle est plus libre que je ne l’ai jamais été. Je suis à la fois fière et impatiente de la voir danser, de me conforter dans mon idée de ses spectacles.

— Il n’y a rien de fallacieux dans ce que vous avez imaginé, je vous le promets, répond le maire.

— Ça veut dire quoi, fallacieux ? demande un homme.

Martine dépose les desserts devant nous et annonce fièrement :

— Recette de moi-même !

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