68. Emplettes numériques

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Assise dans le canapé, je fais défiler les articles de lingerie fine sur la tablette. Ma mère pose l’index sur l’écran. Cela ouvre la photo d’un ensemble soie grise et dentelle noire. La culotte est très basse sur le pubis.

— Celle-ci est bien. En plus, le gris est neutre. Tu pourrais la porter avec la veste queue de pie, la canne et le haut de forme

J’ajoute au panier. Depuis que nous avons décidé de partir, notre complicité s’est intensifiée. Elle a autant d’idées que moi pour apporter des touches d’originalité à des tenues de danseuse. Au début, j’avais l’impression qu’elle approuvait toutes mes idées uniquement pour me faire plaisir. Finalement, aujourd’hui, elle me donne l’impression de réellement apprécier ma liberté féminine.

Les pas de mon père s’approchent et je me remets sur l’onglet des robes du dix-huitième siècle.

— Qu’est-ce que vous regardez ?

— Des robes qui soient du style de l’autre-monde, répond ma mère. Pour ne pas que nous débarquions en débardeur ni en mini-short.

— Et puis, il faut que Maman ait la classe, ça va en calmer plus d’un, dis-je.

— Tu veux vraiment y retourner ?

— Mes amis me manquent.

— Nous ne serons parties que deux semaines, insiste Maman.

Il opine du menton, non sans masquer sa désapprobation, puis s’éloigne. Je reviens à la lingerie.

— C’est peut-être bon.

— On en prend encore un ? propose ma mère avant de vérifier où se trouve mon père par-dessus son épaule. Ou… Non, passe-moi la tablette.

Elle tape une adresse et m’emmène sur un site de bijoux érotiques. Des bassins et des poitrines nues exhibent différents bijoux tous très jolis. Je suis surprise qu’elle connaisse ce genre de site à l’impudeur presque gênante.

— Après, je te montre une vidéo de danseuse que j’ai trouvée. Il y a un mouvement que j’aime bien. Tiens, je te mets directement ma gamme de bijoux préférée.

— D’où tu connais ce site ?

— Tu crois que ton père ne m’offre que des appareils électroménagers ?

Sans oser imaginer ma mère porter ce genre d’atours, je parcoure ce qu’elle me propose. Je m’arrête sur une chaîne de taille qui laisse pendre une goutte couleur saphir, puis l’idée de bijoux de seins me tente lorsque je découvre une rosace dorée, comme une fleur de dentelle en métal qui peut sertir chaque téton. Même si je n’ai pas encore décidé si je referais un nu devant mon public, ça pourra servir pour lutiner un futur amant. Je conclus :

— Bien, je crois qu’on a assez fait flamber la carte bancaire.

Ma mère me met une vidéo d’une gogo-danseuse.

— Regarde à une minute et dix secondes. Moi, je vais rassurer ton père.

Elle se lève et disparait vers le bureau de mon père. Seule, je fais défiler les vidéos qu’Internet me propose en rapport avec la première. Je ne m’étais jamais intéressée aux danseuses érotiques qui s’exhibent dans les bars spécialisés. Les hommes sur ces vidéos ont moins de retenue que les clients du Païen, et les filles créent moins de distance entre elles et les mains baladeuses. Les lap-dances provocatrices à fleur de peau reviennent souvent, et la mode est au twerk. Je n’ai jamais su apprivoiser ce mouvement, non pas parce que j’ai un fessier modeste, mais surtout car il n’a jamais rien évoqué chez moi. Je comprends bien que mon père me regarde de travers quand je parle de pole-dance, mais ma vision n’a rien à voir avec ces évènements débauches sortis d’une autre dimension.

Ma mère ne revenant pas, je zappe sur des vidéos de véritable pole-dance, des démonstrations de prouesses physiques et artistiques. Mes idées s’approprient le Païen dans leurs projets. Le désir de faire de cet endroit un lieu de charme haut de gamme me fait imaginer mille et un spectacles scénarisés et défis qui rendraient accros ses clients.

Maman revient, après presqu’une heure de discussion. Elle s’assoit à côté de moi en passant son bras autour de mon épaule.

— Ton père voudrait profiter un peu de toi. J’ai négocié et j’ai proposé que nous attendions que Noël soit passé pour partir.

— J’aurais bien proposé à Maxime et Hugo de venir, mais faut qu’Hugo soit concentré sur ses études.

— Et Maxime a un job en or qu’il ne doit pas perdre, et je crois deviner qu’il fréquente quelqu’un.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demandé-je.

— Sa façon de s’habiller, d’être moins présent à la maison. Je penche pour un garçon, sinon il nous l’aurait dit.

— T’inquiète Maman. Il aime les filles et il est obsédé par les filles plus petites que lui.

Lorsque la vidéo de la danseuse se conclut, Maman ajoute :

— Le temps que nos commandes arrivent, cela ne repousse que d’un mois notre départ. Cela me laissera le temps de préparer Sylvie à prendre la gestion du salon durant mon absence.

— On peut partir l’année prochaine. Je vais proposer aux copines de danse de faire le jour de l’an ensemble.

— C’est une bonne idée. Tu n’es pas à une semaine près. Cela te laissera tout le loisir de peaufiner ton spectacle.

— Et peut-être que tu te réconcilieras avec Papa.

— Je vais préparer le repas.

Elle s’éloigne, je cherche alors une agence d’intérim, histoire de participer au loyer de l’appartement.

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