Chapitre 2 La maison dans les bois (partie 3)

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Je regardai la voiture de mon ami disparaître au loin dans les bois. J’étais seul, avec pour unique compagnie le bruit de la bise et le croassement des corneilles. Le ciel bleu de la veille avait laissé place aux nuages gris et lourds, chargés d’automne. Je me tournai vers la maison. Elle m’apparut plus imposante, plus écrasante de sa masse carrée implacable. Je n’avais aucune envie de retourner à l’intérieur, au milieu de la poussière, des toiles d’araignée et surtout du vide. Je décidai d’explorer ce qui fut autrefois le parc. Bien vite, je me retrouvai en pleine forêt et je pris pleinement conscience de l’immensité du terrain qui entourait la maison, ce qui ne faisait qu’accroître mon sentiment de solitude. Je ne saurais dire combien de temps j’errai ainsi dans les bois, laissant mon esprit vaguement inquiet vagabonder.

J’arrivai à une petite clairière. Les feuilles en recouvraient le sol comme un tapis aux nuances rouge, jaune et marron. Au centre, se dressait, comme un autel oublié, un gros bloc de pierre, à moitié couvert de mousse. Ses proportions étaient parfaites et sa surface, malgré les attaques du temps et de la végétation, était parfaitement plane et lisse. Il avait été taillé, cela ne faisait aucun sans aucun doute, mais par qui ? et quand ?

Il y avait sur et autour du bloc des tessons de terre cuite, comme si une grande jarre s’était brisée à cet endroit. Les fragments étaient décorés d’une manière qui m’était totalement inconnue. Il s’agissait de formes géométriques rappelant les ornements des poteries archaïques, mais j’étais incapable déterminer de quelle figure il s’agissait. Ce n’étaient ni des carrés, ni des triangles ou des cercles mais les trois à la fois, une sorte de farandole de formes hybrides, qui se jouait des principes géométriques euclidiens, tout à fait fascinante.

Je voulus prendre quelques morceaux afin de les examiner de plus près et de les montrer à mes collègues spécialistes en céramique antique, car je ne doutai pas de la grande ancienneté de ces pièces. Leur face intérieure était noire et, comment dire, gluante. Ce n’est pas exactement le terme qui décrirait au mieux ce que je ressentis en les touchant, mais aucun mot, dans notre langue ou dans celles que je maîtrise, n’a de terme pour rendre l’impression inédite, mais parfaitement désagréable, que j’eus alors. Je laissai les tessons, n’ayant aucune envie de les tenir, même pour le court trajet jusqu’à la maison.

J’étais sur le point de partir quand je vis, à quelques mètres de là, le rebord recouvert de lierre de ce qui me sembla être un puits. Il n’était pas condamné comme on le fait habituellement pour les puits à sec ou inutilisé. J’arrachai un peu de lierre et examinai sa surface. Elle était lisse et plane comme celle du bloc. Je pris un caillou et le jetai à l’intérieur pour en sonder la profondeur, tout en essayant de distinguer quelque chose dans ce conduit obscur. Il se passa une dizaine de seconde avant que ne résonnât au loin le caillou qui touchait le sol.

Une respiration rauque, légèrement aiguë, rampa alors du fond du puits jusqu’à mes oreilles. Je me jetai d’un coup en arrière, le cœur battant, les poils hérissés par ce que je venais d’entendre ou croyais avoir entendu. Je restai figé, l’oreille tendue, cessant de respirer.

Il n’y avait pas un bruit. La forêt, encore si pleine de vie en ce début d’automne, s’était soudainement tue. Même les corneilles avaient cessé leurs plaintes lugubres.

Mais l’affreuse respiration ne se manifesta plus.

Je ne savais pas si j’avais été victime d’une hallucination auditive mais je me sentis soudain oppressé. J’avais l’impression que l’on m’observait ou plutôt que toute cette clairière plongée soudainement dans un silence épais et mystérieux me surveillait.

Je pris la fuite, sans réfléchir, comme une bête traquée et me réfugiai dans la maison que je fermai à double tour. Je m’affalai dans un fauteuil de la bibliothèque, encore haletant de la course que je venais de faire. J’essayai de reprendre mon calme et d’analyser froidement les faits pour expliquer ce que je venais d’entendre. Ce pouvait être le vent, qui s’était engouffré dans le puits et était ressorti en émettant ce son atroce. C’était une idée absurde, un esprit aussi rationnel que le mien le savait très bien, mais je m’y accrochai, en la répétant comme un credo.

Dehors, la pluie s’était mise à tomber.

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