Chapitre 9

7 minutes de lecture

Je les déteste. Tous les deux. Jean-Alexandre et sa mère ont réussi à chasser Daniel en lui faisant comprendre de manière claire et nette que sa présence n’est pas souhaitée et qu’il ferait mieux de partir et à me forcer à rester au palais. Discrètement, le Roi me promet que je pourrai partir à minuit et qu’une voiture me reconduira chez moi. Je rage mais garde une poker face, je me force à sourire et à rire aux blagues débiles et complètement nazes de mon « fiancé » et à être aimable avec la Reine. L’ennui et la colère font un étrange mélange, transformant le temps, le ralentissant puis l’accélérant. Pour me changer les idées, je pense à ce que Daniel m’a fait ce matin, au délicieux orgasme qu’il m’a donné et à ce que nous aurions pu faire ensemble, à l’instant même. Je l’imagine tour à tour me prendre contre un mur de l’entrée, sur la table de billard, dans le divan, dans la cuisine et sur la terrasse. Je veux quitter ces deux monstres. Finalement, il est l’heure de se retirer.

La Reine me dit de monter la première et qu’elle passera me voir plus tard. Seule dans la chambre aux mesures disproportionnées, je ne me sens pas à ma place. Le lit à baldaquins est trop grand, les vitres montent trop haut pour moi et la baignoire a presque la taille d’une piscine olympique ! Il est passé vingt-trois heures et la Salope n’est toujours pas venue. Sournoise comme elle est, elle serait capable de venir me réveiller au milieu de la nuit. Doucement, la porte s’ouvre mais pas sur la personne que j’attendais. Jean-Alexandre entre, seulement habillé d’un bas de pyjama qui ne cache presque rien de son anatomie, et s’approche de moi. Il monte sur le lit et me plaque violement dessus. Oh non ! Dites-moi que c’est un cauchemar ! Il ne va tout de même pas essayer de coucher avec moi cette nuit ?! On dirait bien que si. Son corps m’écrase, m’empêchant de m’échapper. Je le mords assez fort pour qu’il ait mal mais, au lieu de s’éloigner, il me sourit comme un chat qui joue avec une souris. J’essaye de lui faire comprendre que je ne veux pas coucher avec lui avant le mariage mais rien n’y fait, il tente le tout pour le tout, me tripotant comme une de ses poupées siliconées et insensibles.

La porte s’ouvre à nouveau, laissant apparaitre sa mère. Elle pousse un cri d’effroi puis dit à Daniel de quitter le palais sur le champ. Daniel ? Mais il est très loin d’ici ! Elle confond son propre fils avec son beau-fils ? C’est le bouquet ! Elle s’approche et dégaine un petit poignard caché entre les replis de sa robe. Va-t-elle vraiment poignarder son fils ou ce couteau m’est-il destiné ? Arrivée à un mètre du lit, elle voit enfin la différence, pousse un second cri, empoigne son enfant et le chasse de la chambre, le coutelas toujours à la main. Sans un mot, elle s’en va à son tour. Que se passe-t-il ? Je n’en sais rien et j’en profite pour me préparer à partir car minuit approche. J’enfile par-dessus ma robe de nuit un long manteau trouvé dans la penderie et attends mon guide vers la liberté.

Le trajet dans les couloirs cachés du palais me semble aussi interminable que le trajet jusqu’à la maison me semble court. Je suis encore sous le choc de la tentative de Jean-Alexandre et de la réaction démesurée de sa mère. Quand j’arrive à la maison, je remercie mon chauffeur et cours jusqu’à la porte. Je pose un pied sous le perron qu’elle s’ouvre déjà. Daniel m’a attendu jusqu’à maintenant ? Il est toujours habillé mais s’est changé, de ses vêtements de ville clairs, il est passé en mode espion avec sa tenue noire comme la nuit. Je me précipite dans ses bras, ma bouche trouvant naturellement la sienne. Je suis à nouveau entière, chez moi, serrée contre l’homme que j’aime.

Ne rompant pas notre baiser, il rentre dans le hall et en ferme l’accès avec son pied, ne prend pas le temps de monter et commence à enlever mon manteau. En un rien de temps, je suis en robe de nuit voilée et il se retrouve torse nu, son érection étirant la braguette de son pantalon au point qu’elle va exploser. À travers le tissu, je l’empoigne et commence un mouvement de va-et-vient, de haut en bas. Il pousse son bassin contre ma main, grognant de plaisir et se saisit de ma poitrine. J’aime quand je le rends fou tout comme il me rend folle. À chaque fois que nous sommes séparés et que nous nous retrouvons, nous tombons un peu plus amoureux de l’autre.

Deux jours plus tard, les résultats ADN sont déjà arrivés. Le résultat n’est pas vraiment une surprise : Jean-Alexandre n’est pas le fils du Roi et n’est pas non plus le frère de Daniel. Je jubile et transmets le tout par mail au monarque. Quelques instants plus tard, sa réponse arrive. Il veut nous voir à nouveau. Retour au palais. La joie totale, quoi. Le Roi va-t-il répudier sa femme et son fils ? Va-t-il rendre son titre à son seul véritable fils ? J’ai hâte de savoir ce qu’il va faire. Daniel s’impatiente pendant que je finis de me préparer, soufflant à chaque fois que je ferme un bouton de ma chemise. Ce n’est pas de ma faute si c’est la troisième fois que je dois prendre une douche et me rhabiller !

Nous partons enfin, bizarrement accompagné d’une escorte de motos qui fait le vide sur la route sur tout notre trajet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je commence à en avoir assez de ses questions sans réponse immédiate ! Nous discutons de tout et de rien durant le trajet. De tout sauf du sujet brulant qui nous préoccupe. Nous voici devant l’entrée principale qui s’ouvre en grand pour nous. Nous échangeons un regard interrogateur et nous avançons jusqu’au bout de l’interminable salle qui sert de hall d’entrée et de salle du trône. Les médias et la noblesse sont tous réunis, attendant que le Roi prenne la parole, seul sur l’estrade et le siège réservé à la Reine vide. En nous voyant arriver, des voix s’insurgent de notre présence, demandant au seigneur de palais des réponses. Un noble va même jusqu’à cracher sur notre passage, furieux mais il n’a pas le temps de voir notre réaction : les gardes l’ont déjà emmené jusqu’à la sortie la plus proche. Nous nous arrêtons devant le trône et saluons notre Roi d’une révérence. Il nous fait un sourire et nous invite à s’approcher de lui. La curiosité et l’angoisse me rongent. Qu’est-ce qui nous attend, encore ?

« - Mes chers seigneurs, nobles dames et représentants de la presse. Vous voici tous réunis devant moi à nouveau. Je sais les questions que vous vous posez. Pourquoi le prince est-il ici, avec moi près du trône ? Pourquoi Mlle de Villeneuve l’accompagne-t-elle et non pas le prince héritier ? Où sont la Reine et l’Héritier ? Je vais répondre à toutes ces questions en une seule réponse. Mon fils, ici présent est rétabli dans son rôle d’Héritier de la Couronne, ce qui lui permet d'épouser Mlle de Villeneuve comme c'était prévu avec Jean-Alexandre. La Reine et son fils sont tous deux destitués de leurs titres et bannis à partir de cet instant de notre royaume pour tromperie, adultère, manipulation et tentative multiple d’assassinat envers moi, mon fils et ma future bru. Je suis conscient que la plupart d’entre vous se sentirons trahis par cette annonce mais elle est irrévocable et ma résolution a déjà été adoptée à l’unanimité par notre Parlement. Si vous voulez en savoir plus sur ce qu’il en est, toutes les solutions à ces énigmes ont déjà été transmises aux rédacteurs en chef des différents médias du pays. Merci de votre compréhension. »

Puis le Roi s’en va, nous demandant de le suivre d’un mouvement de la tête et un sourire pendu à ses lèvres. Daniel sourit de toutes ses dents, des larmes brillant dans ses yeux et me serre la main jusqu’à me la broyer. Pour ma part, je suis un peu perdue. Je n’épouse plus Jean-Alexandre mais Daniel? Ça, c’est une super bonne nouvelle. Mon fiancé est à nouveau l’Héritier, ça aussi, c’est un choc pour moi. J’ai peur que sa fonction ne l’éloigne de moi. La Salope et le Connard sont chassés à jamais, et ça, c’est la seconde excellente révélation de cette journée. Finalement, je suis aux anges mais reste un peu inquiète quant à ce que les deux bannis font faire pour essayer de nous tuer. Après tout, ils n’ont plus d’autre choix pour accéder au pouvoir suprême…

Nous traversons le palais pour nous rendre dans l’ancien appartement de Daniel, qui sera le nôtre dès qu’il aura été rénové. Sur la route, nous ne croisons que quelques domestiques qui s’inclinent, aussi souriants que les deux hommes qui m’accompagnent. L’espace dans lequel nous arrivons est gigantesque et a dû être magnifique à une époque. Les dorures et les sculptures sont un peu poussiéreuses et les meubles sont recouverts de draps blancs. Quand j’y regarde de plus près, j’aperçois quelques détails qui me prouvent que la chambre était celle de mon amant, avec des affiches de groupes de musique et des programmes d’universités en architecture et sculpture. Je tique en voyant la sculpture. Daniel sculpte et m’en a rien dit ? Je me tourne vers lui, les yeux plissés et il me répond d’un haussement d’épaules. Hmmm… Je ne le connais pas encore aussi bien que je le veux… Mais nous avons maintenant la certitude que nous aurons tout notre temps pour se découvrir plus.

Annotations

Vous aimez lire Coline D ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0