Sombres Obsèques

4 minutes de lecture

EDEN

11 février 2306

15 : 34

Eden serrait les dents, fixant le cercueil dans lequel reposait son père disparaître graduellement sous plusieurs mètres de terre. Les yeux fixés sur la scène, elle ne parvenait pas à concevoir qu'il était mort. Elle aurait dû pourtant, il n’était qu’un simple humain, mortel.

La jeune fille se souvenait encore du moment où il l’avait recueillie. Après la mort de ses parents dans un attentat, elle s’était sentie obligée de prouver sa valeur par tous les moyens possibles. Elle avait tout fait comme il le fallait. Elle avait été la fille modèle. C’est pourquoi, la destinée lui paraissait bien cruelle de la récompenser ainsi. Elle la voyait se moquer de ses efforts, un sourire sadique aux lèvres, avant d’abattre d’un coup sec son épée. Si tu es si parfaite, je suppose que tu n’as plus besoin de lui ?

  • Tu ne pleures pas ?

La voix moqueuse de sa soeur la ramena à la réalité. Ses lèvres fines s’étiraient en un sourire indéchiffrable tandis qu'elle la narguait de ses yeux turquoise. Ces yeux, Eden les détestait par-dessus tout, car ils ressemblaient douloureusement à ceux de leur père, comme un rappel constant de ce qui les différenciait, elle et sa soeur. Ellie était la fille biologique, et quoi qu’Eden fasse, elle ne pouvait changer cette vérité.

  • Non.
  • Je vois, fais ce que tu veux, je ne te juge pas. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde, alors tu ferais peut-être mieux de verser quelques petites larmes pour la photo. Tu sais comment est la presse, ils meurent tous d’envie de trouver quelque chose à te reprocher.
  • Ne me dit pas ce que je dois faire.

Ellie haussa les épaules avant de soupirer.

  • Ne me dit pas que je ne t’avais pas prévenu.

Puis elle partit, laissant Eden seule à nouveau.

La jeune fille se mit à observer la foule de personnes qui était venue assister à l’enterrement. Elle n’en connaissait pas la moitié, mais l’influence de son père en tant que Gouverneur de la Cité était une justification suffisante à ce rassemblement. Elle regarda sa montre et décida de rester encore vingt minutes avant de demander poliment aux “invités” de disposer.

À cet instant, elle aperçut une silhouette familière. La voyant se diriger dans sa direction, la jeune fille prit soin d’afficher l’expression la plus impassible qui soit.

Le jeune homme qui se trouvait devant elle avait vingt-quatre ans. Il était plutôt bien bâti, sa démarche était élégante, presque princière. Ses cheveux noirs d’encre créaient un contraste avec ses yeux bleus, clairs et transperçants. Elle devait admettre qu’il était séduisant, aux yeux d’une personne extérieure du moins. Le sourire arrogant qu’il affichait partout où il allait tel un accessoire de mode semblait l’avoir quitté un bref instant, et Eden put presque le croire honnête quand il lui adressa la parole.

  • C’est une bien triste journée pour la Cité. Ton père était un homme formidable, et j’aurais eu beaucoup à apprendre de lui.
  • En effet.

La jeune fille voulait qu’il parte, qu’il la laisse en paix. Hélas, il semblait ne pas en avoir l’intention.

  • Amsan était un homme qui regardait toujours vers l’avenir au lieu de rester emprisonné dans le passé. C’est pourquoi, je pense qu’il est temps que nous réfléchissions au futur également.
  • Qu’est-ce que tu entends par là ?
  • Nos fiançailles. Ne me dit pas que tu as oublié que ton père m’a promis ta main. Bien sûr, rien n’est encore officiel, mais je pense que ce serait la meilleure façon pour toi de lui faire honneur.

Eden se mordit les lèvres, essayant de s'empêcher de dire quelque chose qu’elle pourrait regretter. Victor lui inspirait une aversion absolue, et ce, depuis leur première rencontre. Elle détestait la façon dont il parlait, la façon dont ses mots s’enroulaient autour d’elle comme une vipère emprisonnait sa proie, et la façon dont il était impossible de les réfuter. Ses mots n'étaient pas toujours vrais, mais ils n'étaient jamais complètement faux. Si elle avait pu, elle se serait enfuie en courant à sa vue, mais elle ne pouvait pas. Eden avait beau le haïr, il était indéniable qu’il possédait le respect de son père. Mais elle ne se sentait pas d’humeur à discuter, et surtout, elle avait peur de ce qu’elle pourrait dire qui reviendrait la hanter plus tard. Oui, il était plus sage d'exécuter une retraite stratégique.

  • Nous en reparlerons plus tard. Je dois m’en aller.

Passant à travers les bancs de marbres installés dans le jardin, la jeune fille demanda à l’un des organisateurs d’annoncer son départ. Certains haussèrent le sourcil, mais la plupart des personnes présentes eurent un hochement de tête approbateur.

Elle regagna la limousine qui l’attendait devant l’arche à l’entrée du cimetière. A l'intérieur, sa soeur l’attendait déjà. Fixant la vitre, elle s’adressa à Eden.

  • Je pensais que tu resterais plus longtemps, mais je suppose que je ne peux pas te blâmer, j’avais l’impression d’étouffer.

La jeune fille sentit sa colère monter, mais essaya de garder son calme.

  • Tu penses que c’est une corvée d’aller à l’enterrement de papa ?
  • Ce ne sont pas cinquante personnes habillées en noir prétendant être ses amis qui vont le ramener à la vie (elle tourna la tête pour faire face à Eden). Je suis sûre qu’il doit se retourner dans sa tombe à l’heure qu’il est, pas que ça me fasse quoi que ce soit.

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