Chapitre 1 : Félicie.

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Féeria, royaume des fées dans l’hémisphère féérique, le bon. Faut admettre que ça se répète les noms, et que ça fait beaucoup de fées enchaînées. L'autre, c'est celui du chaos, la terre des monstres et des démons, vaut mieux pas y mettre les pieds. Les deux grandes factions du monde de Fantasia. C'est donc dans ce royaume que vivait Félicie, princesse des fées, les protecteurs et guérisseurs de la nature. À ne pas confondre avec les nymphes, qui font pareil sauf qu'elles passent leurs vies nues dans la forêt et qu'elles n'ont pas de mignonnes petites ailes dans le dos pour voler. Et les fées, vous en avez souvent entendu parler dans les contes ? Des marraines transformant des carrosses en citrouilles, ou l'inverse je ne sais plus. Des qui font des bénédictions à des bébés ? Bon à condition d'être une princesse sinon elles ne viennent jamais vous voir, et puis, ce ne sont pas les plus utiles au monde. Sauf que tout ça, on s'en fout un peu, car ce n’est pas vraiment la réalité. Comme ce fut dit, les fées s’occupent de la nature, puis elles sont femmes et hommes de même taille qu'un être humain. Bon par contre ça vit quand même vachement plus longtemps. Nous à 90 ans on est canné, eux c'est vers 900, voir 1000 ans quand c'est en forme. Mais je crois que je m'égare, là.

Félicie, c'était un peu la fée dont se moquait, mais rarement en face à cause de son statut royal. Seule de son espèce à ne pas avoir de pouvoir, elle pouvait constamment sentir que son cas faisait honte à sa famille. Enfant, il était normal qu'elle ne présente aucune magie ; à l'adolescence, on pouvait dire qu'elle était retardée, même si ayant comme eux acquis ses ailes. Elle restait même optimiste : qu'il s'agissait d'un rêve ou d'un souvenir, elle avait encore l'image d'elle soignant une fleure. Puis arriva l'âge adulte. Elle n'eut pas à se plaindre, la nature l'avait bien gâtée. Fesses rebondies, généreuse poitrine symétrique et bien ferme, magnifiques cheveux d'ors scintillant à la lumière du soleil. Mais toujours pas de magie alors que sa petite sœur Nitescie, qui n'était même pas encore dans l'adolescence, débordait d'énergie féerique ; un vrai prodige.

Elle s'était fait une raison avec le temps, et vivait sa vie de jeune princesse, apprenait tout ce qu'elle devait savoir pour succéder à ses parents. Elle restait l'aînée, donc tout les trucs chiants sans les avantages, tout comme ses leçons qu'elle connaissait bien. L'hémisphère chaotique, on n'y va pas c'est trop dangereux. Les forêts, oui, mais fallait faire attention, surtout avec les nymphes qui aimaient un peu trop les fées. Chez les humains, on pouvait s'y rendre car c'était de bons copains, et ils faisaient eux aussi de la magie bien que peux d'entre eux en soient capables, basée sur la maîtrise des éléments. Par contre, fallait pas non plus être trop amis avec eux, sinon oubliaient vite qui c'était les patrons de l'hémisphère féerique. Les nains, parlons en de ceux-là. Tous le monde les connaît, « siffler en travaillant », etc, mais en fait ça c'est joli dans les contes, mais ce n’est pas la réalité. Eux ça serait plutôt boire en travaillant et ça maîtrise mieux la hache que la pioche.

Ses leçons lui restant le plus en mémoire, ce n’était pas les gnomes ou les lycanthropes. Ça, c'est assez fidèle aux histoires qu'on raconte, sauf celle où les loups mangent des grand-mères et des petites filles. Faut être logique : les vieux, la plupart du temps la viande devient souvent molle et bien moisie avec l'âge, et les gamines, y'a rien à bouffer dessus. C'était les elfes qui avaient retenu son attention. Les sylvains, c'est si prétentieux que personne ne pouvait supporter. Vous en avez déjà vu dans les contes ? C'est bien la preuve qu'ils ne sont pas trop aimés. Les elfes noirs, ça a mauvaise réputation, celle de dépravés bien que c'est abusé de les critiquer pour ça. Les fées et les nymphes c'est aussi beaucoup portées sur la chose, mais comme c'est naturel et qu'on les associe à ça, on estime que c'est normal.

Étudier, c'est tout ce qu'elle trouvait à faire, car aucun ami, soit pour sa différence soit par crainte de son statut. Comme par hasard, elle a tout de l'héroïne d'un récit pour adolescent. L'ignorance de ses parents à son égard, préférant s'occuper de leur cadette. Enfin quand c'était possible. Un matin que Félicie était plongée dans un grimoire de magie ancienne, espérant toujours au fond d'elle-même trouver une solution à son problème, elle fut dérangée avec insistance par Nitescie.

  • Félicie, tu viens jouer avec moi ?

  • Je n’ai pas le temps, tu vois bien que je suis occupé.

  • Mais moi je m’ennuie.

  • Et alors ? Tu ne devrais pas être avec papa et maman pour tes leçons de magie ?

  • J’aime pas apprendre avec eux. Je préfère quand c'est toi, c'est plus amusant.

  • Tu sais bien que je n'ai aucun pouvoir. Je ne peux pas t'aider.

  • Mais tu connais très bien la théorie. Et je comprends mieux quand c'est toi qui expliques.

Ha oui, ça, c'était vrai. Félicie avait elle aussi étudié la magie des fées lorsqu'elle était petite, car personne n'aurait pu prévoir qu'elle n'en aurait aucune en elle. Plus tard, alors que tous avaient abandonné l'idée de voir se manifester ses dons, elle persévéra de son côté. Tentative désespérée d'une cause perdue ou par simple curiosité, seule Félicie connaissait la réponse. Mais franchement, devoir, elle, s'occuper de l'apprentissage de Nitescie, il y avait rien de mieux pour remuer le couteau dans la plaie. Puis, elle avait 10 ans la petite sœur. Elle pouvait bien se passer d'elle. La gamine ne pensait pas à mal en la sollicitant, sauf que Félicie n'aimait pas ça.

Elle s'était souvent demandé ce qu'aurait donné sa vie si elle avait été fille unique. Le pouvoir de sa cadette aurait été le sien, peut-être, mais les choses étaient ainsi. Pas de pensées négatives. Sa petite sœur utilisait de la magie, la belle affaire. Elle restait l'aînée, et même sans pouvoir elle savait l'embêter. Verser un verre d'eau dans son lit la nuit pour lui faire une blague ; lui faire peur avec des histoires de monstre, qu'elle trouvait dans les grimoires de la bibliothèque. Là, elle était très forte. Elle n'aurait jamais cru que ces histoires viennent se rappeler à son bon souvenir.

Cette nuit-là, une explosion retentit à l'entrée du bâtiment. Une attaque ? Sérieusement ? Cela paraissait impossible. Le Palais de bois était perché dans des arbres millénaires dans lesquels ils se fondaient pour ne former qu'un grand tout. Ils n'auraient pas pu arriver jusqu'ici sans ailes ces boulets. C'était peut-être des fées qui étaient montées à l'assaut pour un coup d'État, ou un enlèvement contre rançon. Non, c’était pas trop la marque de fabrique de ce peuple à la mentalité de hippies dévergondée. Heureusement qu'elle n'était pas fille unique finalement, sinon elle aurait fait une cible parfaite. Cette pensée vint frapper son esprit. Nitescie ! Bon d'accord, elle était casse-pieds, mais c'était sa petite sœur: elle devait de la protéger.

Félicie sortit en catastrophe de sa chambre, et fonça droit vers celle sa cadette. Elle fut surprise de voir les couloirs vides. Ils foutaient quoi les gardes, ils s'étaient bourré la tronche toute la nuit ? Non, ça, c'était plutôt un comportement de nains. Ils buvaient que pendant les heures pauses chez les fées. Dans ce cas, cela ne pouvait signifier qu'une chose : tous étaient partis en direction de l'explosion. Quand elle arriva dans le couloir suivant, Félicie eut sa réponse. Deux individus étaient déjà en train d'emmener sa petite sœur, bâillonnée et ligotée. Tout vêtus d'habits sombres, leurs oreilles pointues et leur teint violacé ne pouvaient tromper personne. Les ravisseurs étaient deux elfes noirs.

  • Restez où vous êtes ! Vous n’avez pas le droit de faire ça ! Il y aura des conséquences !

Comme si ça servait à quelque chose de gueuler dans le couloir. Y'avait pas un garde aux alentours. Elle ne pouvait pas faire de magie, et les deux individus semblaient bien informés, car ils se contentèrent de l'ignorer. Elle essaya de les poursuivre mais ils furent plus rapides et n'eurent aucun mal à la distancer. Si elle avait réussi les rattraper, cela ne servirait à rien car ce n’était ni un soldat ni une guerrière. Tu parles qu'elle aurait fait peur du haut de ses dix-huit ans la fée. Tant pis pour la petite sœur, de toute façon elle servait à rien. Le pire, c'est que ces salauds d'elfes lui avaient laissé un cadeau, une bombe de gaz soporifique qui l'envoya dans un profond sommeil. Ils n’étaient pas cons non plus. Félicie n'était pas une menace pour eux, mais il aurait été problématique qu'elle arrive à prévenir du renfort tandis qu'ils prirent la fuite avec Nitescie.

Félicie se réveilla quelques heures plus tard. L'esprit encore brumeux, elle se demandait si ce qu'elle avait vécu la veille était réel ou juste un cauchemar. Elle se pinça la joue, mais était toujours en état de somnolence. Pas avec ça qu'elle va avoir les idées claires. Elle se mit alors une grosse gifle dans la face. Là, pour sûr, elle était réveillée. La princesse féerique se leva en trombe pour courir droit vers la chambre de Nitescie, sans grand espoir. Sinon elle se serait claqué la tronche pour rien. Y'avait plus de sœurette, juste les parents et les gardes qui enquêtaient. Quand elle leur avoua avoir vue les ravisseurs, elle se fit jeter du couloir. Soit ils savaient déjà, soit ils estimaient pouvoir se passer de son témoignage. Elle décida de ne pas en rester là. Quelle que soit leur raison, elle la découvrirait.

Des émissaires, de peuples loyaux et amicaux à celui des fées, vinrent quelques jours plus tard, quand la nouvelle se fut assez propagée. Félicie avait toujours su se faufiler pour espionner les réunions diplomatiques : si elle devait régner un jour, elle ne devait rien ignorer. Des combles formés par une large surface vide entre deux plafonds de branches et de feuillage, elle réussit à se placer au-dessus de la salle de réception. Difficile de savoir qui parlait ; tout ce qu'elle entendait, les mots prononcés :

  • Qu'allons-nous faire pour la princesse Nitescie ? Nous savons tous à qui en revient la faute. Celle des elfes noirs !

  • Vous plaisantez, j'espère ? Les miens n'ont rien à voir avec cette affaire ! Ceux qui ont agi viennent de Keeleran ! Cette ancienne citadelle est aujourd'hui sous la coupe du Chaos.

  • Justement, et vous ne l'avez jamais reprise. Avez-vous au moins essayé ?

  • Keeleran est occupé par un prince démon. Ce n'est pas un simple maître de légion. Et vous alors ? La coalition de Féeria existe bien pour faire front commun contre le Chaos ?

  • Il suffit ! C'est de l'enlèvement de ma fille dont on parle. Je vous demanderai d’arrêter d'en profiter pour vous invectiver. Nous sommes dans le même camp. Pour l'instant, nous devons trouver un moyen de la sauver. Et aussi de comprendre pourquoi l'avoir kidnappé, elle, précisément.

  • C'est bien de ça qu’il est question. Vous allez la récupérer comment ? Par la force ? Alors que personne n'est parvenu à reprendre Keeleran depuis un siècle ?

  • Pour le motif, il serait peut-être sage de consulter le vieux maître ?

  • Le vieux maître ? Ce fou complètement sénile ?

Ce vieux fou sénile était un élémentaire, un des plus anciens. Quand on dit élémentaire, c'est un raccourcie pour parler de maître des éléments. Des humains dépourvus d'énergie magique, mais pourtant capables de générer, canaliser ou manipuler les forces de la nature, ayant une affinité et une maitrise d'un ou plusieurs éléments magiques. On disait même que certains pouvaient user de tous, mais Félicie n'y croyait pas comme la plupart des gens. Surtout que celui de la lumière, c'était seulement son peuple à elle qui y était lié. L'autre particularité de ces humains, c'était leur longévité égale à celle des fées. Sauf qu'eux restaient tout de même moins nombreux, même rares à l'échelle entière de leur race. Le vioque, on racontait toutes sortes de rumeurs sur lui, et les raisons de sa folie. Certains disaient qu'il avait fricoté avec les ténèbres. D'autreparlaient de débauches et de perversion.

  • Comme s'il pouvait nous aider ! Non, nous ferons preuve de patience. Le grand conseil élémentaire nous sera plus utile.

  • Sauf qu'eux règnent sur la fédération des royaumes humains. Bien qu'ils le fassent dans l'ombre, ils n'en restent pas moins très occupés. Vous êtes sûr de vouloir les consulter ?

  • Ça vaut toujours mieux que ce vieux machin dégénéré qui vit aujourd'hui en ermite.

  • Surtout quand on sait ce qu'il a fait. N'oublions pas que c'est lui qui a...

  • Stop ! Je refuse qu'on reparle de cette histoire. Concernant ma fille, tant pis si cela prend beaucoup de temps, je m'adresserai au grand conseil.

  • Et concernant votre autre fille ? Il va bien falloir faire quelque chose pour l'héritière.

  • Elle ne représente aucun intérêt. Ceux qui ont enlevé Nitescie n'ont pas voulu d'elle. Notre seule préoccupation doit être de retrouver ma cadette.

Aucun intérêt, aucun intérêt, tu parles ! C'est notre héroïne, notre personnage principal. Bien sûr qu'elle est importante. Félicie y était habitué mais restait frustrée d'être considérée comme faisant partie du décor. En revanche, elle refusait d'attendre après un conseil d'élémentaire bon à jouer de l'intrigue dans l'ombre des royaumes humains. Eux qui n'avaient jamais eu le courage d'affronter directement le Chaos. C'est elle qui irait voir le vieux machin s'il le fallait.

La belle et jeune héritière féerique savait espionner, mais aussi comment se barrer du palais. Car comme elle était « sans intérêt », ça n'a même pas traversé l'esprit du roi et de la reine de lui coller des gardes pour la surveiller. Enfin si, mais pas actuellement puisqu'ils étaient missionnés à d'autres tâches avec la situation tendue. Félicie prit de quoi voyager, quitta sa chambre, puis le palais, sans se faire chopper par les gardes. Après, faut pas s'étonner qu'il y ait enlèvement de princesse avec un tel niveau de professionnalisme et de compétence, hein ? Et maintenant, direction la retraite sylvestre du vieux maître à la frontière du royaume féerique et celle de la fédération humaine.

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