Premier déjeuner

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La cantine ambulante roulait doucement, mais elle roulait.

"Le matériel est en bon état, fit remarquer Champmatthieu.

-Oui Monsieur, répondit Michel.

-Ils t'ont donné la barbaque et les patates ?

-Oui Monsieur, répondit Michel.

-Oh ça va, Mivière ! Précise et laisse tomber le Monsieur sinon on va prendre des heures à faire l'inventaire.

-Bien Mon Lieutenant. J'ai quelques kilos de porc salé, des dizaines de kilos de patate, j'ai aussi des carottes, des navets, on m'a trouvé de la farine et du beurre donc je pourrais faire des pâtés en croûte pour l'état-major, et j'ai un peu de sel.

-C'est tout ? s'enquit Champmatthieu.

-Oui Mon Lieutenant.

-Alors je te laisse te débrouiller. Si tu as besoin d'aide, je serai sans doute en train d'admirer l'ouïe de ton frère."

Michel leva un sourcil de surprise devant cette dernière réplique, mais se perdit aussitôt dans la logistique du ragoût qu'il allait préparer. Non, pas le temps pour faire mijoter un ragoût, il allait être l'heure de manger. Il allait plutôt faire des patates au four et garder carottes et navets pour le lendemain. Côté barbaque... le porc salé se conservait bien, il allait en garder une partie pour plus tard et pour le moment il allait le faire cuire. S'il avait des restes, il en ferait du hâchis pour le pâté en croûte des officiers.

Il se mit à sa tâche avec plaisir, la cuisine ayant toujours été un domaine dans lequel il avait excellé. Il avait toujours trouvé cela moins épatant que l'oreille absolue de Félicien ou que la polyglottie de Jacques, mais la sienne lui servait bien plus au quotidien. Du moins c'était la consolation qu'il s'était donné, consolation qui ne tenait plus guère maintenant que le quotidien d'alors n'était plus qu'un lointain souvenir.

"Mivière ! lança le capitaine Dubois depuis l'autre bout de la grange.

-Oui Mon Capitaine ? demanda Michel en se mettant au garde-à-vous.

-On va se mettre en marche vers la première ligne. Trouvez un soldat pour pousser votre cantine si vous ne pouvez pas pousser et cuisiner en même temps. On mangera en route.

-Bien Mon Capitaine, répondit Michel.

-Départ dans cinq minutes, trouvez vite votre aide."

Michel salua et sortit en courant, à la recherche de son frère.

"Félicien ! lança-t-il.

-Quoi ? s'enquit celui-ci, qui était apparemment en train d'être testé par un Champmatthieu incrédule qui s'était débrouillé pour dénicher un diapason, un gobelet en étain, deux cuillères du même métal, avait ramassé quelques gravillons et faisait des expériences musicales.

-J'ai besoin de toi pour pousser ma cantine, on va se mettre en route.

-J'arrive."

Champmatthieu voulut protester, mais rendit simplement son diapason à un des gars de l'orchestre militaire. L'intérêt de la patrie avant la curiosité. N'empêchait qu'il aurait aimé continuer à expérimenter.

"Et où va-t-on ? demanda le jeune gars de l'orchestre.

-En première ligne, répondit Champmatthieu.

-Oui, mais où exactement ? s'enquit-il.

-Je l'ignore. Peu m'importe où je serai enterré - si il reste suffisamment de moi pour être enterré."

Félicien prit le musicien par les épaules et lui dit :

"T'inquiètes, le lieutenant est un pessimiste. Comment tu t'appelles ?

-Roland, M'sieur, répondit-il.

-Eh ben tu vas porter chance au régiment ! Qu'est-ce qui pourrait nous arriver de mal avec le neveu de Charlemagne ?"

Roland rigola devant la piètre blague, qu'on avait du lui sortir des centaines de fois déjà, et se mit en route.

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