Prologue de Britannia

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Couchée dans des draps humides, le teint livide et le souffle court, la sorcière me regardait fixement. Je me tenais là sur son seuil, incapable de décider si je devais entrer dans cette masure ou ne plus revenir dans cette forêt que pour la chasse. 

- Entre, me dit-elle faiblement, approche.

Je m'assis sur un rondin près d'elle, prenant sa main glacée entre les miennes. Elle n'était plus la jolie villageoise de quinze ans que j'ai aimé. Elle me détestait et m'aimait encore. Elle allait mourir.

Sorcière... je savais bien qu'elle n'avait aucun pouvoir maléfique, qu'elle n'avait été qu'amour toute sa vie, que la morale des honnêtes gens l'avait exclue de la communauté, que j'avais été si bête autrefois de ne pas leur tenir tête.

Une larme coula jusqu'à ma barbe, ma main se posa sur son front, la nuit allait être longue. Reprenant quelques forces, la mourante commença à parler :

- Ne pleure pas mon ami, mon esprit part cette nuit pour un monde meilleur... J'ai quelque chose d'important à te révéler. Là-bas dans la montagne d'Yr Wyddfa, se passent des choses étranges. Il n'y a pas de monstre dans le lac, pas de spectres non plus dans les rochers, ce ne sont que superstitions destinées à effrayer les pauvres bougres que nous sommes. Rappelle-toi mon ami à l'époque où nous nous aimions, il y avait un temple qui rassemblait de nombreux fidèles et pèlerins...

Elle s'interrompit pour reprendre son souffle, tandis que je portais un bol d'eau à ses lèvres, je me remémorais cette époque : oui il y avait bien un temple de Mithra à Caer Yn Mon, un temple en ruine aujourd'hui. Les soldats romains de Bretagne vouaient souvent un culte à ce dieu étrange. Et puis un empereur est venu et ordonna de mettre un terme à cette croyance. Je me souvenais de ces soldats de l'empereur qui renversaient les statues et donnaient des coups de masse aux mosaïques, je revoyais les cadavres pourrissant sur le sol dallé, les mouches, la puanteur, l'horreur. Depuis cette époque, tout allait de travers sur l'île de Bretagne.

La femme reprit comme porteuse d'un message de l'au-delà :

- Parmi les fidèles, il y avait des Bretons engagés dans les légions locales. Un d'entre eux a été mon amant, t'en souviens-tu ?

Comment pourrais-je oublier cet homme ? Si je le retrouvais, je l'étranglerais de mes mains. Il l'avait abandonné enceinte et l'avait vouée à une vie de catin. Je le maudissais aussi parce qu'elle ne m'avait pas choisi. Elle poursuivit d'une voix de plus en plus faible et je dus m'approcher encore pour écouter :

- Cet homme, je l'ai revu... dans la montagne... il n'est plus soldat, mais manigance avec un groupe de mystérieux personnages... pareils aux anciens druides. J'ai assisté à leurs cérémonies, j'ai tout vu et tout entendu : le malheur va s'abattre sur toute la Bretagne !

Son corps fut pris de soubresauts. Elle délirait et répétait ce mot en me serrant la main : "Arcani". Elle rendit l'âme et je brûlais son corps au petit matin. Alors que les flammes consumaient cette pauvre femme, je regardais le sommet d'Yr Wyddfa, la montagne maudite.

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