Chapitre 48E: février - mars 1800

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Je regardais Marie avant de hocher la tête, d'accord. On m'expliqua que les restes seraient placés dans le crématorium du cimetière, puis qu'on me rendrait les cendres dans une urne scellée. Camille resterait ainsi avec moi pour l'éternité. On me proposa gentiment de le faire d'ici deux jours, mais je ne pouvais refaire l'aller – retour depuis Rouen. J’usais donc de ce qu'il me restait de charme pour obtenir gain de cause. Finalement, après une petite signature, nous pûmes regarder l'ouvrier faire sauter la pierre tombale avec son pied de biche, et creuser vigoureusement la terre friable, jusqu'à pouvoir récupérer ce qu'il restait de ma sœur. Comme c'était éprouvant de la voir dans un tel état, je préférais m'éloigner pour suivre les opérations d'un peu plus loin. Ma belle – fille me rejoignait bientôt.

—''Ne vous inquiétez pas Louise, il ne reste plus que des os.

—''Je sais, mais c'est justement ce qui est difficile. N'a t-il pas encore terminé ?

—''Non, mais bientôt je crois.

L'ouvrier nous fis signe de revenir, en nous exposant ses trouvailles, comme si il s'agissait un trésor, dans son récipient. Je jetais un œil, mais les larmes qui commençaient à envahir ma vue m'empêchèrent d'aller plus loin. Nous suivîmes l'homme aux pas assurés jusqu'au crématorium, inauguré il y a seulement quelques semaines avant l'annonce de la fermeture des lieux. Il jeta les os dans l'immense four, et me rendit l'urne contenant les cendres après deux bonnes heures d'attente. Nous prîmes de justesse une voiture qui nous emmena à Rouen, je tenais la petite boite serrée contre moi. Je la déposais délicatement sur ma table de nuit, et mon rituel chaque soir avant de me coucher était désormais de l'embrasser.

Henri Guedon nous rendit une petite visite ce mois – ci, car il avait un cours d'urologie à donner aux étudiants de médecine de l'Hôtel Dieu. C’était une spécialité presque jamais enseignée, mais de toute façon peu utile aux médecin me disais- je, car aucun homme n'irait consulter pour ce genre de problèmes. Nous eûmes par cette occasion quelques nouvelles de son épouse Théotiste, et de ses enfants. Il avait eu deux garçons après notre dernière visite, Pierre et Jean. Quant au petit Théodée, pourtant opéré avec grand soin par mon fils, il était malheureusement décédé d'une infection trois jours après la visite de contrôle, effectuée dix jours après l'opération. A cette nouvelle je rassurais Léon – Paul, qui s'en voulait quelque peu, que ce n'était pas de sa faute et que si rien n'avait été tenté, le nouveau – né serait de toute manière décédé aussi, et dans de plus brefs délais.

Je pris la main de ma petite – fille en regardant la voiture quitter l'enceinte de la maison. Ce dix mars, ses parents retournaient à Saint – Germain sur Bresle pour pouvoir assister aux noces d'Anne, une des sœurs de Marie, le lendemain. Je choyais Alice durant ces trois jours, et j'aurais adoré qu'elle leur fasse la surprise de marcher à leur retour, se débrouillant déjà tellement bien en cramponnant mes doigts. Ce ne fus pas le cas, et pour couronner le festival de mauvaises nouvelles, dès que la voiture arriva, Marie alla s'enfermer dans sa chambre en claquant la porte comme pour accentuer son aigreur envers son mari. Mon fils me jeta un regard désolé, et monta la rejoindre, de cette démarche lassée et fatiguée.

Comme Marie fus aux abonnés absents pour le souper, et je lui apportais son bol fumant et son morceau de pain sur un plateau, simple prétexte pour pouvoir entrer et comprendre ce qu'il se passait. Une voix cassée et faible transperça la porte.

—''Entrez.

Assise sur une chaise au milieu de la pièce, elle remuait un petit hochet pour égayer sa fille, qui demeurait sagement assise sur les genoux maternels. Je posais le plateau sur sa table de chevet, avant d'aller m’enquérir d'elle, m'asseyant sur le lit.

—''Que se passe t-il donc avec votre époux ?

—''Je vous prie Louise de bien vouloir cesser de jouer les conseillères matrimoniales. Je suis fatiguée alors s'il vous plaît, allez – vous en. Merci quand même pour le repas.

N'insistant pas mais tout de même un peu surprise de ses paroles, je la laissais, un léger goût d'amertume dans la bouche et la gorge sèche. Mon fils ne voulu pas m'en parler, et comme à chaque fois, leur petit accrochage se dissipa comme un nuage de fumée dans la routine du quotidien. Si leurs opinions divergentes ou leurs différences d'éducation pouvaient parfois les séparer, la joie du premier anniversaire de leur fille les emplis d'un bonheur qui leur rappela qu'ils seraient pour toujours et malgré les difficultés liés ensemble par cet enfant, cette promesse de bonheur éternel que seuls eux, en tant que parents, pouvaient comprendre et partager. Quelques jours après, Alice marchait seule. Des cheveux bruns aux reflets roux lui poussaient avec épaisseur seulement au bas du crâne, et sa mère me faisait rire en la comparant à un petit moine.

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