Chapitre 57

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- Dans quel merdier tu t'es foutu ?

Fanny s'agitait sur place, angoissée, quand Amandine la dévisageait, perplexe.

- Ce n'est pas moi qui lui ai demandé de venir, c'est lui qui me l'a proposé.

- Ça, on s'en fout. Pia va te détester.

- Non, parce qu'elle n'en saura rien et que je n'irai pas à cette fête.

- Ouais...

Amandine se tût, réfléchit, puis fit la moue.

- Quoi ? lança Fanny.

- Non rien.

- Vas-y, ne te retiens pas. Ce n'est pas dans tes habitudes.

- Eh bien, ce serait peut-être pas une si mauvaise idée que tu y ailles, en fait.

Fanny eut un mouvement de recul.

- Tu plaisantes ?

- Pas du tout.

- Avec la moitié du lycée qui n'attend que ça pour m'envoyer une nouvelle fois à l'hôpital ?

- Tu n'auras qu'à te faire escorter, répondit nonchalamment Amandine en contemplant ses ongles.

L'autre lycéenne ne put s'empêcher de sourire, amusée.

- Parce que tu viendrais avec moi ?

- Certainement pas ! Je ne perds pas mon temps dans ce genre de soirées.

- Alors qui ?

Amandine sourit à son tour.

- Luc, bien sûr.

- Quoi ? Pourquoi ? s'écria Fanny en rougissant.

- Eh bien, si vous sortiez officiellement ensemble, les rumeurs autour de Gatien et toi cesseraient et Pia n'en serait que plus rassurée.

- Non, c'est hors de question ! Je ne demanderai plus rien à Luc Asvaldi !

- Il a essayé de te contacter plusieurs fois depuis la Saint-Valentin.

- Du harcèlement !

- Arrête un peu. Il te plaît, admets-le.

Fanny ouvrit la bouche, sans rien dire. Ses émotions la submergeaient, et son état l'empêchait de contredire ou d'affirmer la déduction de sa camarade. Luc lui plaisait-il vraiment, ou leur amitié fille-garçon, inédite et palpitante, avait bousculé et trompé ses sentiments ?

- Non !... Enfin... je ne sais plus...

- Comment ça : "Tu ne sais plus" ?

La lycéenne à la chevelure châtaine soupira, puis ramena une mèche de cheveux derrière son oreille, et regarda ailleurs, songeuse.

- Tu crois qu'elle voulait dire quelque chose ?

- Hein ?

- Cette rose que Gatien a mise dans mon casier.

Amandine scruta sa compagne, méfiante.

- Pourquoi ça t'intéresse tout à coup ?

- Ça ne m'intéresse pas... C'est juste que je n'y connais rien aux garçons, moi.

- Hmm... fit l'étudiante aux cheveux roses, toujours sur ses gardes. Je ne sais pas si ça te serait bénéfique de l'entendre.

- Pourquoi pas ? Ça me concerne après tout...

Amandine croisa les bras.

- Tu veux que je dise à voix haute ce que tout le monde soupçonne ?

Fanny sentit les battements de son cœur s'accélérer.

- Et que tu soupçonnes aussi... ajouta l'adolescente.

La jeune fille maigrichonne baissa les yeux.

- Très bien, grogna Amandine. Voici ce que je constate. Tu plais à Gatien, et Gatien te plait ; ce qui complique les choses car une telle relation ne doit pas exister. Jamais. Pour Pia. Pour toi. Pour lui. Dans le cas contraire, cela aboutirait à un échec certain. Zéro chance que ça fonctionne, crois-en mon expérience. Il est aussi clair que tu te sens coupable vis-à-vis de ta sœur qui, si elle l'apprenait, en souffrirait et ne te le pardonnerait jamais. Or à ma connaissance, tu n'as pas un cœur de pierre, donc tu ne prendrais pas ce risque. Enfin, Luc n'est pas encore sorti de ta tête. Une tête qui se pose trop de questions et qui devrait, à mon avis, faire le choix de la raison si ce n'est du cœur - bien que je te souhaite les deux en ce qui concerne Luc. Ce mec est sympa et accessible. Si tu ne veux faire souffrir personne, à commencer par toi, tu sais donc vers qui aller.

Abasourdie, Fanny ne bougeait plus. Elle prenait conscience, avec horreur, que son amie lisait en elle comme dans un livre ouvert.

- Et s'il n'est pas amoureux de moi ? balbutia-t-elle, incapable de réfuter quoi que ce soit ou d'en dire davantage.

- Fais en sorte qu'il le devienne.

- Je n'y arriverai pas. Je n'ai aucun charme, tout le monde me critique, et je ressemble à un oisillon affamé - d'après ma mère.

- Il faut croire que c'est justement ce qui plaît à certaines personnes, pourtant. Et si tu n'y arrives pas, fais au moins en sorte que Pia le pense.

Fanny fronça les sourcils, pensive.

- Il ne m'a rien offert pour la Saint-Valentin...

- Merde, Fanny ! C'est pas une maudite rose qui doit dicter ton cœur !

Peu convaincue, la lycéenne aux grands yeux bruns pensa néanmoins au bonheur que ressentirait Pia si elle les voyait, elle et Luc, bras-dessus, bras-dessous. Cette soirée serait un cauchemar, mais aurait l'avantage de faire taire les mauvaises langues et d'apaiser la jolie blonde. De même, elle mettrait fin aux espoirs de Gatien, s'ils existaient vraiment, et le pousserait à allez voir ailleurs - le pire ou le mieux étant qu'il se tourne vers Pia.

- D'accord, je vais aller le voir et lui demander de m'accompagner à la fête.

- Excellente décision ! Levons nos verres à cette nouvelle, fit Amandine en simulant la présence d'une coupe de champagne entre ses doigts.

Fanny tenta un sourire, qui s'avéra médiocre, puis quitta son amie, décidée à faire sa proposition avant que la confiance ne l'abandonne totalement. Elle rejoignit les couloirs des étudiants en sciences et s'arrêta devant la classe de Luc qui, par chance, bavardait avec son camarade quelques mètres plus loin.

- Bonjour Luc, s'élança la jeune fille.

Surpris par son arrivée, les garçons sursautèrent.

- Oh, bonjour, sourit Luc après avoir repris son souffle. Qu'est-ce que tu fais là ? Enfin, ça me fait plaisir de te voir, mais comme tu fuyais mes appels, je croyais que...

- J'avais beaucoup de travail ces temps-ci, et peu de temps pour moi.

- Ah, d'accord, répondit l'adolescent, rassuré.

- Il y a une fête, samedi, enchaina Fanny. Tu veux être mon cavalier ?

Luc et Hector se regardèrent, bouche bée.

- Une fête ?

- Un anniversaire.

- Le tien ?

- Non. Celui d'un ami.

- Ok... Mais je n'ai reçu aucune invitation...

- Je t'y invite. Alors, tu m'y accompagnes ?

- Euh... Je... Je ne sais pas, Fanny.

- Allez, ça va être sympa ! Tu peux venir aussi, Hector, ajouta poliment la jeune fille.

- Je... Je ne suis pas sûr que...

- Merfi, mais f'est qui ton pote ? coupa le garçon à lunettes.

- Gatien Illys.

Luc devint blanc comme un linge, et Hector ouvrit grand la bouche, impressionné.

- Férieux ? F'est pas une blague ?

- Non, pas une blague, sourit l'adolescente.

- Gafien Illyf nous infite à fon anniferfaire ?!

- Bien sûr que non, c'est Fanny qu'il invite, maugréa Luc avant de fixer durement l'étudiante. Tu veux juste un clébard pour te protéger en cas de débordement, c'est ça ?

- Que... Non, pas du tout, bégaya la lycéenne, décontenancée. J'ai très envie que tu viennes parce que ce n'est pas tous les jours que je suis invitée à une soirée, et j'ai envie de partager ce moment avec les gens que j'apprécie... Tu es toujours invité, Hector, réitéra-t-elle à l'encontre de ce dernier.

- Ouais c'est ça. Alors tu veux qu'on se tienne la main et qu'on se bécote dès que ça t'arrange ?! poursuivit Luc.

- Que... Q-u-o-i ?

- Pourquoi tu veux que je vienne ?

- Je... Je te l'ai dit...

- Je n'ai jamais entendu une excuse aussi bidon. Alors je te le redemande, pourquoi tu veux que je vienne ?

- Parce que... je tiens à toi.

- Autant qu'à ton "ami" ?

Fanny regarda autour d'elle, inquiète. Les autres élèves se retournaient vers le trio et se chuchotaient des choses à mesure que le ton montait. Luc ne semblait pas s'en soucier, mais Hector faisait tout pour se rendre invisible.

- Mais qu'est-ce qui te prend ? gémit l'adolescente, plus qu'embarrassée.

Luc se massa la nuque, hors de lui.

- Je t'invite parce que tu es spécial à mes yeux, osa Fanny sans vraiment savoir ce qu'elle disait... Et toi aussi, Hector, tu es convié.

- Spécial...

- Oui...

- Et lui, il est quoi pour toi ?

Fanny ne souhaitait plus qu'une chose, quitter cet endroit de malheur où les regards devenaient insistants et où les interrogations de Luc - sans queue ni tête venant de sa bouche - lui pesaient instamment.

- Je... Je ne saisis pas, Luc.

- Si je te parle de la rose, tu saisis mieux ?

La jeune fille écarquilla les yeux. Comment diable Luc pouvait-il être au courant de la fleur que Gatien lui avait envoyée ? L'information avait-elle fait le tour du lycée sans qu'elle l'ait remarqué ?

- Elle, elle ne veut rien dire, bredouilla-t-elle.

- Et tu crois que son invitation ne veut rien dire non plus ?!

Fatiguée, la lycéenne craqua.

- Oh s'il te plait, Luc, dis-moi si tu comptes m'accompagner ou non, mais ne te fâche pas... Hector, viens aussi, commanda-t-elle presque, en sanglotant, cette fois.

Sensible à la peine de sa compagne, Luc retrouva peu à peu son calme.

- Je ne suis pas fâché, Fanny. Excuse-moi, répondit-il doucement en la prenant dans ses bras. Si tu en ressens le besoin et si tu en as vraiment envie, je t'accompagnerai à cette soirée...

L'adolescente resta dans les bras de Luc le temps que les étudiants se lassent du spectacle et repartent, puis se reprit, et remercia le garçon. Celui-ci promit de passer la prendre à vingt-et-une heures trente ce samedi, puis ils se séparèrent, et imaginèrent le déroulé de la soirée, chacun à sa façon...

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