Chapitre 11

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Dans le silence, Fanny ôta sa robe d'hôpital pour la tenue que Pia lui avait laissée : un jean délavé et un sweat à capuche trop ample. Enfilant ses vieilles baskets avec tristesse, la jeune fille jeta un ultime regard à la "chambre blanche", et s'apprêta à quitter la pièce. Au même moment, sa cadette entra sans crier gare et referma la porte avec nervosité. La main sur la poignée, elle bloquait désormais la sortie. Son attitude, des plus étranges, inquiéta Fanny. Effrayée, Pia semblait près de s'évanouir.

- Qu'est-ce qui se passe, Pia ? fit Fanny, profondément confuse.

Reprenant son souffle, la plus jeune des sœurs jetait des yeux inutiles derrière elle. En l'observant davantage, Fanny remarqua ses joues roses et sa gestuelle de coquette désespérée. Passant une main frénétique dans sa longue chevelure d'or, Pia avalait bruyamment sa salive. Se contemplant dans le miroir de la salle de bain sans quitter sa position, elle pensait en sentinelle, bien décidée à protéger sa zone sans en franchir les limites.

- C'est… C'est lui ! exprima-t-elle enfin, terriblement excitée.

Les sourcils de Fanny se levèrent. Ignorante en la matière, sa perplexité ne cessait de croître.

- Lui ? lança-t-elle, naïvement.

Pia souriait, mais d'un sourire indescriptible pour sa sœur.

- C'est… Oh mon Dieu, je n'arrive pas à dire son nom !

La jeune fille plaqua ses mains contre ses joues et sautilla sur place. Son aînée, complètement désorientée, observait la scène avec des yeux ronds.

- Je…

- Gatien Illys ! s'extasia Pia en mirant le plafond avec adoration.

Plus surprise que jamais, Fanny eut un mouvement de recul.

- Gatien Illys ?... Mais, que fait-il là ?

- Je n'en sais rien ! jura une Pia lunaire, avant de se reprendre. Enfin, si ! Son père est venu prendre de tes nouvelles. Tu sais combien il était proche de Papa et Maman avant de partir pour l'Angleterre. Alors il a demandé à Gatien de l'accompagner quand il a su que tu pouvais recevoir de la visite.

- Mais, je ne connais pas Gatien Illys ! lança désespérément Fanny, qui ne voulait plus qu'être seule. C'était ton ami à l'époque, pas le mien !

Les joues de Pia se colorèrent davantage.

- Te voir n'était peut-être qu'une excuse, murmura la jeune fille, rêveuse.

Fanny n'en entendit pas davantage, car quelqu'un frappa à la porte. Terrorisée, Pia se plaça près de son aînée et attendit, dans une agonie scénique.

- Entrez, lança Fanny, moins dramatique.

Un homme, la cinquantaine, apparut dans l'entrebâillement de la porte. Le crâne dégarni, il salua Fanny avec chaleur avant d'entrer. D'une imposante carrure, Alan Illys dégageait une cordialité naturelle dans des gestes francs et enthousiastes. Saisissant la main frêle de la jeune fille, il oublia un instant la beauté de voisine pour s'assurer de son bon rétablissement. Après avoir fait remarquer qu'"elle avait bien grandi", il se tourna enfin vers Pia. Mais l'adolescente, qui fixait une silhouette plus élancée depuis quelque temps, ne se souciait plus de sa présence. Écarlate, Pia embrassa finalement Monsieur Illys, dont l'immense carrure avait, jusque-là, dissimulé son fils aux yeux de Fanny.

Ce dernier ne manquait pas de charme. Ses cheveux châtains foncés formaient de jolies boucles, tandis que ses yeux, gris-vert, exprimaient une certaine douceur. Son nez aquilin était divin, et son petit menton adorable. Son visage fin et sa peau sans défauts avaient de quoi tourmenter la pauvre Fanny. Un peu plus grand que la moyenne, Gatien était donc plutôt beau, mais surtout très attirant.

Cependant, Fanny ne perdit pas son temps dans la contemplation du jeune homme - contrairement à Pia. Les yeux grand ouverts, son visage pâlit et un terrible sentiment de honte la submergea. Gatien Illys, le gamin qu'elle croisait encore il y a trois ans, n'était autre que le garçon de la classe de Pia, l'adolescent de la bibliothèque.

Le jeune homme, plus embarrassé que jamais, regardait Fanny avec une expression de crainte, mêlée à une certaine curiosité. La situation était si pesante que l'adolescente aurait tout donné pour écourter la visite. Seul le père Illys parlait depuis maintenant vingt minutes. Pia admirait Gatien. Gatien dévisageait Fanny. Et Fanny souffrait en silence.

Se décidant finalement à partir, après quarante minutes de monologue ininterrompu, Alan Illys fit signe à son fils de le suivre. Ne se le faisant pas répéter, Gatien quitta la chambre, mais, sur le pas de la porte, jeta un dernier regard à l'adolescente décoiffée et ridiculement habillée. Lorsque les sœurs se retrouvèrent seules, la cadette s'écroula contre l'un des murs et émit un long soupir amoureux. Fanny, plus terre à terre, s'assit sur son lit avec l'assurance que son chemin de croix était loin d'être fini.

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