Une enfant de talent

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Il commença à marcher en hurlant de plus en plus fort le nom de son petit trésor. Soudain, il entendit un Papa ! derrière lui. Son enfant se trouvait là où il avait commencé à l'appeler quelques minutes plus tôt. Il courut vers elle et la prit dans ses bras, la serra et l'embrassa.

— Tu me chatouilles avec ta barbe, Papa, rit-elle.

— Tu m'as fait peur, je ne t'avais pas vu t'éloigner, expliqua-t-il sans la lâcher.

— C'est parce qu'on m'a appelé dans la forêt. Je me suis fait une nouvelle copine.

— Et à quoi ressemble cette nouvelle copine ? C'est un pégase comme ton dernier ami ?

— Non ! Elle a la taille de notre Rusty !

— Rusty ? Notre cheval de trait ? s'étonna Tom.

— Oui ! Mais elle est beaucoup plus fine et jolie ! Et elle est toute rose ! Avec une corne sur le front.

— Une licorne ? rit son père, rassuré. Et comment s'appelle-t-elle ?

— Elle ne m'a pas dit son nom. On n'a pas eu beaucoup de temps pour discuter. Elle m'a juste remercié pour ce matin : elle a pu manger mon pain aux raisins que j'avais jeté par la fenêtre.

— Tu as jeté ton pain aux raisins par la fenêtre ! Mais pourquoi as-tu fait ça ? Maman a passé du temps à te le faire. Ce n'est pas pour que tu le gaspilles.

— Il n'a pas été gaspillé puisque la licorne l'a mangé, rétorqua Virginie. Et puis Maman ne veut pas comprendre que je n'aime pas les pains aux raisins.

— Je lui dirai de te donner autre chose au petit déjeuner.

— Ce n'est pas nécessaire puisque je peux le donner à mon amie la licorne.

— Si tu lui donnes ton pain aux raisins, que mangeras-tu ? Il faut manger pour devenir grande.

Il avait repris sa marche pour aller au champ suivant. Elle continuait à parler de son amie. Douce période que l'enfance où l'imagination concrétisait les rêves éveillés. Parvenu à la moitié de son inspection quotidienne, Virginie commença à s'ennuyer. Tom connaissait le remède : ces champs longeaient la rivière. Il la laissa jouer au bord de l'eau.

Une bonne demi-heure plus tard, il fut frappé par ce qu'il retrouvait. Elle était dans l'eau en train de barboter toute nue avec les canards et les aquippos. Les volatiles s'intéressaient à elles, un caneton se laissa même caresser mais surtout les aquippos jouaient autour d'elle. Ils repoussaient l'eau de leurs petits sabots antérieurs palmés, provoquant des éclaboussures qui faisaient rire de joie l'enfant. L'un d'eux nagea autour d'elle en faisant des cabrioles. Il sautait si bien que Tom pouvait très nettement voir sa queue de dauphin. La crinière laissait derrière lui de belles arabesques de gouttes.

Le fermier resta là à s'émerveiller de ce spectacle. Les aquippo étaient des animaux farouches qui s'en allaient au moindre bruit mais sa fille avait ce don qui la faisait aimer de tous les animaux. Un instant, il y eut une petite dispute parmi les aquippos. L'un d'entre eux voulait l'exclusivité des caresses de Virginie. Ses congénères hennissaient de protestation. Finalement, ce fut le caneton qui, apercevant les bottes de Tom, cancana une demande d'explication à sa mère. Intrigué par ce mystère un aquippo regarda aussi et lança un cri de débandade. En un instant, les aquippos s'élancèrent sous l'eau et remontèrent le courant de la rivière, retrouvant la quiétude de la forêt.

— Allez Virginie, il faut y aller. Viens, je vais te sécher.

Alors que la petite revenait vers la berge en barbotant, il sortit son mouchoir propre du matin. Cela enlèverait le gros de l'humidité, sa mère ne s'inquiéterait pas trop en voyant les vêtements trempés. De toute façon, le soleil était levé et midi proche, l'humidité résiduelle sécherait vite. Il avait fini son inspection, ils rentraient à la ferme. Il laissait sa fillette bavarder dans le vide pendant qu'il réfléchissait aux travaux à faire sur le puit et l'éolienne.

Le repas se déroula joyeusement pour Tom. Il parla de la rencontre de Virginie avec les aquippos. Ben, son deuxième fils, se montra particulièrement impressionné par l'épisode. La queue de bœuf aux haricots du jardin fut sublime, la tarte au potiron du dessert divine. Le café fut l'apothéose de ce repas simple mais délicieux. Alors qu'elle venait de lui servir la boisson, Tom attrapa sa femme, entourant sa jupe de son bras et lui dit :

— Tu sais que je t'ai épousé pour ta cuisine ? Je ne regrette toujours pas aujourd'hui.

Marie protesta pour la forme. Elle savait que son époux l'aimait pour les autres choses et, étant très fière de ses talents de cuisinière, elle appréciait le compliment. Tom se leva pour aller sur la terrasse. Il se posa dans le rocking chair et sortit sa pipe. Il profita de ce moment, laissant les parfums poivrés de la fumée du tabac lui embaumer la bouche, balançant doucement d'avant en arrière, faisant grincer le bois de la chaise et le bois du parvis, écoutant le chant de sa femme qui rangeait la cuisine et lavait la vaisselle. Il fermait à demi les yeux, prêt à s'endormir, lorsqu'il sentit une présence. Il regarda autour de lui.

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