UN PETIT COUP D'ÉPONGE

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C'était à n'y rien comprendre !

Elle s'était réveillée à sept heures, levée, comme chaque matin, salle de bain et petit déjeuner. Elle était sortie pour aller au boulot. Le tram était vide, pas de chauffeur, ça c'était normal, mais pas de passagers, ça c'était pas normal.

Elle avait fait le trajet, les yeux écarquillés sur le vide des rues. Sur l'absence de gens. Personne. No body, pas un chat ! Si, en fait, elle avait vu un chat, pressé de se cacher dans une bouche d’égout.
Arrivée à destination, elle était descendue et avait marché jusqu'à son lieu de travail. Pas de portier, ni d’hôtesse d'accueil derrière la vitre. Désemparée, elle était partie en direction de la boulangerie, mais là aussi, personne, et rien en vitrine. Même chose au bar. Du coup, pas de petit expresso sur le pouce.


Elle avait sorti son mobile de son sac à main. Contact : maman, appel, messagerie direct. Ça c'était pas normal non plus. Alors, elle avait essayé tous les contacts de son répertoire, avec le même résultat : messageries direct ! Désorientée, elle avait rangé son téléphone et s'était mise à marcher, espérant croiser quelqu'un, mais non, il n'y avait personne à croiser.
Alors, déconcertée, elle s'était assise sur un des rares bancs ayant survécu à l'épidémie de zèle des pourfendeurs de covid.

Où étaient donc passés les habitants de sa ville ? Et pourquoi personne ne répondait à ses appels ? Elle sursauta brusquement sous le coup d'une douleur terrible. Un insecte venait de lui piquer la main et s'était aussitôt échappé. Elle avait crié et s'était enfuie. Sa mémoire lui certifiait que jamais elle n'avait vu une bestiole pareille. Elle s'était réfugiée dans un tramway et pleura un long moment, assise sur la banquette glauque de plastique inconfortable.


Elle sentit ensuite un liquide couler entre ses doigts et se mit à sangloter en voyant la main qui avait été piquée, gonflée et bleuie. Un cratère de chair y laissait échapper un ruisseau de liquide jaunâtre. Voulant éponger ce liquide étrange, elle se rendit compte qu'elle avait perdu son sac. Plus de mouchoirs jetables, plus de carte d'identité, ni de carte vitale. Pas de Doliprane, pas de téléphone. Elle se sentait démunie, nue, et affaiblie. Elle avait mal.


À quelques mètres, dehors, elle vit une de ces balayeuses automatiques avaler un petit tas de vêtements et une paire d'escarpins. Quelque chose n'allait pas, vraiment pas. Plus loin la machine ingurgita un autre repas de vêtements, masculins cette fois, les femmes portent rarement des caleçons, et elle continua sa route vers le dessert : un imperméable, une canne et un sac cabas.
La jeune femme tenta de se prendre la tête dans les mains mais l'horreur lui fit pousser un hurlement déchirant.

Mais comment se prendre la tête dans les mains quand il ne vous en reste qu'une ??? Celle qui avait été piquée avait disparu et son poignet laissait couler le même liquide jaunâtre... Elle se laissa aller contre le dossier, désespérée. Ses yeux virent alors dans le caniveau un flot jaunâtre, lui aussi. Maintenant son bras s'arrêtait au coude, et continuait à fondre. Elle voulut se lever, en vain. Plus de force.

Elle pensa à sa mère, sa petite sœur et son épaule était déjà liquéfiée.

Elle sut alors que jamais personne ne viendrait l'aider, car tous les gens circulaient dans le caniveau, chutant dans les égouts. Et tout le monde finirait à la mer, ou dans l'océan. Elle n'irait pas en vacances cette année...
La dernière habitante de cette ville comprit que la Nature avait décidé de supprimer cette engeance qu'était l'humanité, avec la compicité d'un insecte dont la piqure nous anéantirait vite fait, bien fait !

Sa dernière pensée fut : « Je m'appelle Jeanne... ».

Son liquide coulait du tramway et rejoignit le reste.

Nous étions sortis des eaux salées et nous allions y retourner. Peut-être que d'ici quelques millions d'années nos bactéries évolueraient de nouveau et se transformeraient en poissons attendant de pouvoir marcher sur le sol boueux...
Peut-être...

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