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Simon

Manutentionnaire chez Darty : en gros cela signifiait devoir entasser palette sur palette à s’en niquer les bras. Il y avait aussi la guerre avec les vendeurs, qui venaient se servir dans les stocks sans prendre le temps de prévenir.

Voilà en quoi consistaient les journées d’Hadrien. Il avait donc besoin de décompresser de temps à autre. C’est pourquoi ce samedi soir il jouait au billard entre deux bières.

Quant à moi je lui servais de partenaire. J’aurais peut-être mieux fait d’essayer d’arranger le coup avec Aurélie.

Sauf que les évènements de cette semaine me refilaient à moi aussi l’envie de me lâcher un peu. Et j’y parvenais de moins en moins avec elle. Et puis on a bien le droit d’être un peu égoïste de temps en temps, merde !

Ce soir-là je prenais du retard que ce soit au niveau des points ou des verres. Pourtant le moral remontait doucement.

Même si mes investigations avaient abouti à un échec, au moins toute cette merde était derrière moi. Bien sûr j’avais une pensée pour le pauvre Hamed, que je chassais avec d’autres.

Par exemple il y avait cette vaste salle billard enfumée et mal éclairée. A défaut du bureau encombré avec la porte vitrée comprenant un œil et mon nom, du bar mal famé, ou de la ruelle sombre, j’étais au moins parvenu à dénicher un des lieux symboliques des polars.

Forcément vu que c’était ma première enquête, ce genre de connerie finissait par me venir à l’esprit.

Soudain un fait si inattendu me tira de ma mollesse et de mes réflexions. Hadrien loupa la boule alors qu’il s’agissait d’une simple frappe en angle droit. Autrement dit de la rigolade pour lui. Lorsqu’il me laissa la place dans un léger chancellement, je compris. L’alcool jouait à mon avantage.

Allais-je enfin le battre ! Bon il ne fallait pas se laisser emporter. Sinon je gâcherais cette occasion.

Je me posais et repérais une frappe directe et en ligne droit. Même un joueur de mon niveau ne pouvait pas la rater. Je remontais au score. La seconde opportunité exigeait un peu d’effet. Avec un minimum d’application, ça passait. Et bien non !

Hadrien allait massacrer ma petite réduction d’écart. Quoique son léger chancellement précédent était passé au stade supérieur. Il s’agrippa même au billard un moment. Comme on pouvait le pressentir il se planta de nouveau et dans les grandes largeurs.

Comment allait-il s’en tirer ce coup-ci ?

Hadrien sortit alors une botte secrète assez particulière. Il se mit à regarder en-dessous de la table de billard.

« Et qu’est-ce que tu fous ? » Demandais-je intrigué et amusé à la fois.

« Je cherche le numéro de lot. Mon chef me dit toujours de vérifier si les numéros de lot correspondent à ceux du bon de livraison. »

Une victoire par forfait, j’espérais mieux. Bon gagnant (ou perdant, c’est une question de point de vue), je tentais de m’amuser tout de même de son délire alcoolisé.

« Peut-être dans ce coin-là ? »

« Non il n’y a pas de numéro non plus. »

On poursuivit ce jeu encore une minute, puis Hadrien se releva.

« Je laisse tomber. Je ne trouverais pas. Moi je suis l’action. C’est toi la réflexion. »

« Moi la réflexion ? Je ronfle dans un bureau. »

« Ne me prend pas pour un con. Je ne parle pas de ta planque à l’armée. Je parle de notre contrat. »

« De quoi ? »

« Mais oui sur l’autre là…. Steve. Toi t’as trouvé où il créchait. Mais qui c’est qui s’en est chargé ? Hein. »

« C’est çà ! » M’exclamais-je sarcastique face à son bluff.

« Si j’ai assuré ! » Répliqua Hadrien légèrement vexé. « Je me le suis choppé à l’entrée, qui donne sur un local à poubelle avant chez lui. Personne pour nous emmerder. Et là je lui ai fait comprendre de plus casser les couilles à Manu. Il va pouvoir continuer à rien foutre maintenant. Enfin sans récupérer le pognon. Je ne peux pas tout faire non plus. »

On ne raconte pas de conneries, quand on est bourré. En fait si on raconte que çà. Mais pas une histoire précise, et surtout cohérente au niveau de l’aménagement des lieux.

A mes nombreuses heures perdues, j’avais finis par songer un peu à l’origine de la fuite sur Steve. Nous n’étions que trois sur le coup, moi compris.

Manu était à rayer d’office. Soit il était incapable de garder un secret. Encore fallait-il, qu’il trouve quelqu’un qui diffuse.

Sa compagnie il la payait, que ce soit avec des restaus, des places de concert, du cinéma, et même des parties de bowling.

Ses « amis » n’allaient quand bien même pas causer des ennuis à la poule aux œufs d’or ?

Ce qui désignait d’office Hadrien comme coupable.

Le mobile ? La jalousie causée par le fait de trimer, pendant que Manu le cul sur un canapé chialait sur son propre sort. Une sorte de pétage de plomb après des années d’indulgence. C’est pourquoi, je n’avais pas ennuyé Hadrien là-dessus.

Et voilà que mes déductions partaient en miette.

Pourquoi diable Hadrien se serait-il chargé de protéger Manu de Steve tout en le lui envoyant ? Ça ne tenait pas debout.

On pouvait y voir une mauvaise plaisanterie du destin.

Pour ce pauvre Hamed recherché, et avec une femme et un enfant en bas âge, j’étais incapable de parvenir à un résultat valable malgré mes efforts. Par contre en ce qui concernait ce pourri-gâté de Manu, les indices me tombaient littéralement dans les bras sans que je ne demande rien.

Et bien le destin je décidais de m’en foutre ! Pas question de me fouler en l’honneur d’un mec comme Manu.

J’effaçais ces révélations de ma mémoire, et on acheva la partie à coup d’alcool.

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