Chapitre 14 - La prise du cuisinier (partie 1)

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Le soir du deuxième jour de voyage jusqu’à Balt, première étape du convoi militaire, Kaldor se rendait aux chariots du cuisinier. L’entraînement au tir à l’arc avec Binlian lui avait donné une faim de loup. Le capitaine lui apprenait à envoyer ses flèches à trente mètres, chose que Kaldor ne savait pas faire. Dans la forêt près de son village, il tirait tout au plus à une quinzaine de mètres.

En approchant du chariot où se trouvait le cuisinier, Kaldor l’entendit maugréer et proférer des jurons dans le vide. La première fois qu’il l’avait vu, le jeune homme était resté stupéfait un moment avant que son interlocuteur ne lui demande ce qu’il voulait d’un ton bougon. C’était la première fois que le jeune Eldyrien voyait un cuisinier d’une quarantaine d’années maigre comme un clou.

— Bonsoir, il y a quelque chose qui ne va pas ? demanda Kaldor.

— Ah, c’est toi petit. Eh bien oui rien ne va ! Soit des rats invisibles se cachent dans mes chariots, soit quelqu’un vole de la nourriture.

— Qui pourrait bien faire ça ? Tout le monde ici est bien nourri par vos soins.

— Un clandestin, petit. Un sale type qui préfère voler les autres plutôt que de payer son voyage. Bon, inutile de trop s’en inquiéter, je le trouverai bien. Tu es venu pour avoir une petite collation ?

Kaldor acquiesça et repartit avec deux tranches de pain et de jambon fumé. Il regarda le cuisinier confectionner un piège devant les trois chariots contenant les réserves. Une fois sa collation terminée, il se rendit auprès de ses compagnons. Il trouva les quatre soldats en train de jouer aux dés. Un jeu de dés qu’il ne connaissait pas. Quant à Valdir, comme à son habitude, il était assis en tailleur à méditer.

Ne sachant que faire, le jeune homme s’assit en face de lui et tenta de méditer. Au bout quelques instant, la voix de Valdir le fit sursauter.

— C’est bien, mon garçon. Essaye d’ouvrir ton esprit à ce qui t’entoure. La conscience de l’environnement, qui est tout autour de toi, est une chose importante. Elle te permet de toujours savoir si un danger est proche…

Soudain, il n’entendit plus la voix de son mentor et son esprit s’ouvrit. D’abord par bribes, ici il avait conscience d’une colonie de fourmis, là-bas un troupeau de mouton et enfin les membres du convoi. Il se rendit compte qu’en se concentrant un peu il pourrait presque entrer dans leurs esprits.

Entrer dans l’esprit des êtres vivants est possible. Tout comme la communication d’esprit à esprit, soit par images ou soit par mots, comme je le fais à présent avec toi.

Kaldor faillit échapper un cri de surprise, mais se ressaisit pour ne pas perdre la connexion.

Peut-on communiquer ainsi sur de grandes distances ? demanda le jeune homme en s’essayant à cette forme de communication.

Oui, mais plus la distance est grande plus cela demande de l’énergie. À un certain point, cela n’en vaut pas la peine. Maintenant, il faut que tu saches que si tu peux parler en pensées, tu peux aussi lire les pensées des autres. Seulement, attention ! On peut aussi lire les tiennes. Voilà pourquoi il est important de savoir cloisonner ses pensées. Par exemple, je vois que tu es allé prendre une petite collation et que le cuisinier t’a parlé d’un possible clandestin.

— Ça alors ! Oui, c’est exact.

— En gros, il faut être ouvert mais pas trop, résuma Valdir.

La leçon se termina brusquement lorsqu’un cri strident retentit dans tout le camp. Tous se levèrent et coururent vers l’origine du cri, les chariots contenant les réserves. Quand, Kaldor et se compagnons arrivèrent, un attroupement de soldats en train de rire s’était déjà formé.

Une voix suraigüe lançait toutes sortes de jurons. Kaldor eut la grande surprise de constater qu’il s’agissait d’une jeune femme. Et pas n’importe laquelle ! C’était Élaëna, la nièce du patriarche Faldin. Elle était suspendue par le pied, prise dans un des pièges du cuisinier. Elle les fusillait tous du regard tout en fulminant.

— Ah ah ! Qu’avons-nous là ? demanda joyeusement le cuisinier. Voilà une bien jolie donzelle ! Tu fais moins la maligne maintenant !

— Bande de malappris, malotrus, goujats ! tonna la jeune femme

— Maître cuisinier, je vous demande prestement de détacher cette demoiselle, ordonna Valdir d’une voix forte, qui imposa le silence. Il s’agit là de la nièce du patriarche. Maintenant que tout le monde retourne à ses occupations, le spectacle est fini.

— Tout… Tout de suite maître Valdir, balbutia-t-il.

La jeune femme n’en menait pas large. Elle se trouvait maintenant devant le Major commandant le convoi, Valdir, Kaldor et Binlian. Le Major était un homme d’une quarantaine d’années au visage sévère. Tous, sauf Kaldor plutôt surpris, affichaient un air mécontent. Elle préféra regarder ses pieds.

— Jeune fille, regardez-moi quand je vous parle ! ordonna le Major. Quel but poursuivez-vous pour vous être dissimulée clandestinement dans notre convoi ?

— Je… Je voulais tout simplement découvrir le monde avec maître Valdir. Le découvrir de mes propres yeux et non au travers les lignes de livres.

— C’est amplement suffisant pour une jeune fille de votre condition, trancha le Major. Vous n’avez qu’une chose à savoir, c’est qu’en dehors de votre confort, le monde est cruel et c’est la loi du plus fort.

Kaldor vit que Valdir allait dire quelque chose, mais il se tut, troublé, et ferma les yeux. Il perçut une sorte de bourdonnement dans l’air. Le jeune homme en profita pour appliquer la leçon apprise plus tôt. Il ouvrit son esprit et capta une bribe de conversation.

Vous êtes sûr ô mon maître ? demanda Valdir surpris.

— Absolument, elle fait aussi partie du dessein. Elle doit partir en quête avec vous.

La pensée du dieu s’estompa aussi vite qu’elle était venue. Cette brève conversation laissa Kaldor fort perplexe. Quel rôle avait-elle à jouer dans cette quête ? Valdir annonça au Major qu’elle l’accompagnerait et qu’il en prenait l’entière responsabilité. Le militaire n’osa pas lui dire non, et se contenta d’acquiescer, avant de repartir sous sa tente. Puis le reste du groupe suivit Valdir jusqu’à leur tentes sans un mot.

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