Chapitre 2 - L'apothicaire (partie 2)

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 Kaldor était tout sourire, finalement cette virée en ville se révéla fructueuse. Impatient, il jeta un œil à l’herbier que lui avait prêté l’apothicaire. Il l’ouvrit tout en marchant en direction de son auberge. Il s’agissait d’un ouvrage sur les simples les plus couramment employées en médecine. Il contenait des plantes séchées et pour chacune une illustration peinte.

 Absorbé entièrement par la lecture de son livre, il bouscula une personne arrivant en face de lui. Son herbier faillit lui échapper des mains. Il s’excusa pour sa maladresse, ce qui ne l’empêcha pas de se faire traiter de toutes sortes de noms d’oiseaux. Kaldor poursuivit sa route, sans s’apercevoir qu’il était suivi par trois hommes. L’un d’eux avait vu l'ouvrage et savait pouvoir en tirer un bon prix.

 L’occasion se présenta quand Kaldor emprunta une rue déserte.

 — Hé, petit ! Où vas-tu d’ce pas si pressé ? demanda l’un des trois voleurs. On peut causer cinq minutes ?

 — Laissez-moi tranquille, s’il vous plaît. Je n’ai rien sur moi qui peut vous intéresser.

 — Ils disent tous ça, c’est lassant à la longue les gars. Tu t’trompes p’tit. Alors v’là comment ça va s’dérouler : tu nous donnes, sans r’chigner, ton bouquin et tu pourras r’partir sans trop d’bobos. Dans l’cas contraire, nous n’serons pas aussi gentils.

 Pour appuyer sa dernière phrase, il dégaina une dague de sa ceinture et passa lentement son pouce sur le fil de la lame, avec un sourire en coin. Kaldor ne savait que faire, il était pétrifié, menant un combat dans sa tête : abandonner le bel herbier ou le garder. Il opta pour la deuxième solution, il voulait absolument suivre son apprentissage prochain et perdre le livre ne l’y aiderait pas.

 — Tu réfléchis trop gamin. Ne m’dis pas que t’es en train de t’pisser dessus, ce serait pitoyable, dit le coupe-jarret en ricanant.

 Kaldor resserra sa prise sur l’herbier et fit un pas en arrière. Les hors-la-loi cessèrent de rire et leur attitude auparavant nonchalante devint plus menaçante.

 — Allons le mouflet, ne joue pas au héros. Les héros dans la vraie vie, ça n’existe pas, il ne faut pas croire tout c’que racontent les légendes. Dans la vie, ceux qui veulent jouer au brave s’font massacrer. Et nous, on va t’faire couiner.

 — Bon, t’vas en finir ou pas, chef ? T’as peur de tuer un mioche ? demanda un des deux autres voleurs. Parce que dans c’cas ce n’est pas la peine d’être not’ meneur.

 Kaldor tenta de s’enfuir en profitant de la dispute des bandits, mais leur chef se tourna vers lui en brandissant sa dague.

 — Hé gamin ! Où crois-tu aller comme ça ?

 Kaldor tomba à terre lorsque l'arme lui érafla le bras gauche.

 — Moi, peur de tuer un mioche ?! s’indigna-t-il. Regardez ce que j’en fais de ce morveux.

 Il prit une dague des mains d’un de ses acolytes et la lança vers le jeune homme qui eut pour unique geste de défense de croiser les bras devant sa tête et de fermer les yeux. Il ne ressentit rien. Il entendit seulement le bruit métallique de l'arme tombant au sol. Kaldor osa ouvrir les yeux et vit les trois bandits pétrifiés sur place, les yeux emplis de stupeur.

 — Comment est-ce possible ? se demanda le chef.

 — C’est de la sorcellerie ! s’exclama un autre. Fichons le camp d’ici.

 Les trois voleurs prirent leurs jambes à leur coup. Kaldor ramassa la dague qui semblait être de bonne facture et la passa à sa ceinture. Il sursauta en regardant dans une petite flaque, il lui avait semblé avoir vu, un bref instant, deux yeux rouges l’observer. Il pressa le pas pour retrouver son ami malade à l’auberge et prendre la route du retour avec le reste du groupe.


***


 Bien loin de là, en l’empire Lyrgo, le servombre de Mastar recherchait tous les orphelins âgés d’environ dix-sept ans. Il en avait déjà éliminé une bonne centaine, à travers toute la Camaörie. La plupart du temps, il faisait cela pendant leur sommeil, pour ne pas trop éveiller les soupçons. Il suivait les directives de Mastar, bien qu’il se rende compte que même la discrétion ne pouvait plus cacher cette mission après tant de morts. Mais le Maître ordonnait, ainsi devait-il en être.

 Cette fois-ci, le gamin l’avait entendu arriver. Toujours se méfier des enfants des rues, ils avaient l’ouïe fine. Voilà qu’il devait donc poursuivre ce mioche. Ce dernier courait dans les ruelles sombres et vides de la ville dans le vain espoir de lui échapper. Les ombres étaient les alliées du servombre. Il pouvait se déplacer très rapidement à l’intérieur de celles-ci.

 Le garçon regarda un instant derrière lui, tout en continuant de courir. L’homme qui le suivait avait disparu. Il afficha un sourire de victoire. Il n’eut pas le temps de regarder à nouveau devant lui. Il heurta son poursuivant vêtu de noir. La violence du choc fit tomber le jeune homme à la renverse. Le servombre ne fut pas ébranlé d’un pouce, un vrai pilier de pierre.

 Il attrapa le mioche par le cou et le souleva pour mettre sa tête au niveau de la sienne. Le mouflet se débattit vigoureusement, quand soudain, son corps se pétrifia. Il se demanda si cet homme en noir était sorcier. Il ne regarda plus son poursuivant avec défi, mais avec peur.

 — Tout a une fin, gamin, la vie, comme toutes autres choses.

 Le garçon voulut crier et appeler à l’aide, mais aucun son n'émana de sa bouche. Il cessa d’essayer de hurler, lorsqu’une sphère de feu naquit dans les airs. Une voix grave en sortit.

 — Ne tue pas cet humain, il n’est pas celui que je recherche. Notre cible se trouve quelque part dans les environs de Merfol, en Muzin, et il a les cheveux argentés. Ne tarde pas à le retrouver, je sens que l’opportunité de le supprimer facilement touche à sa fin. Oh ! Apporte-moi cet enfant, j’ai envie de m’amuser avec.

 — Bien Maître, vous ordonnez, ainsi soit-il.

 Le garçon et le servombre disparurent dans les ombres de la rue.

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