Chapitre 10 - Temple-ville (partie 2)

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Le petit groupe, formé de Valdir, du capitaine Binlian, de Kaldor et sa mère, entra dans le temple. Adrim, quant à lui, préféra retourner dans ses quartiers. À l’intérieur, la lumière du jour, qui passait par les fenêtres du toit, semblait danser avec les couleurs chatoyantes des vitraux. Ils n’eurent pas le temps d’en voir plus. Valdir les emmena d’un pas pressé en direction d’une porte sur la droite. Ils se trouvèrent plongés dans la pénombre d’un couloir les menant vers la salle d’audience privée du patriarche. Ils arrivèrent devant une petite porte, gardée deux soldats. Ces derniers se raidirent, ils reconnurent les insignes du capitaine et saluèrent Valdir.

Ils entrèrent dans une petite pièce, à peine plus claire que le couloir. Un grand feu brûlait dans l’âtre. Entre celle-ci et une table ronde à douze chaises, se trouvait aussi deux fauteuils. Dans l’un d’eux était assis un homme, dont on ne voyait que le sommet de la tête. Il se leva et les regarda l’un après l’autre, il s’attarda plus longtemps sur Kaldor.

— Entrez et venez vous asseoir. Nous avons à parler.

— Merci de nous recevoir si vite, Faldin, le remercia Valdir.

Ils s’assirent tous à la table, le Patriarche Faldin les regarda une dernière fois.

— Je vois que vous m’avez ramené le jeune homme dont vous me parliez, Valdir. Mais qui est cette femme ?

— C’est ma mère, Votre Excellence, répondit Kaldor.

Le jeune homme rougit devant le regard surpris du religieux. Son ton avait été plus sec qu’il ne l’avait voulu. Il avait cru qu’il allait s’en prendre à elle.

— Ah, d’accord. Hem, revenons à nos moutons.

Valdir lui exposa leur voyage : l’apparition d’un énigmatique mage noir qui disait obéir à un mystérieux Mastar, et le nombre grandissant de bandits le long des routes.

— Faldin, la découverte de cet homme est très préoccupante et nous montre que l’ennemi est de nouveau prêt à user de magie interdite. Et plus puissante que tout ce que les hommes ont connus lors des deux dernières guerres. Il s’agissait d’un servombre, une créature aussi puissante voire plus que les gens comme moi. Ce savoir n’aurait pas dû être retrouvé. Comment Tyrnon ou Gènd ont-ils pu oser réveiller un tel pouvoir ? À moins que ce Mastar ne soit ni l’un ni l’autre, mais un nouveau joueur dans la partie…

— Mais qui est-il ? Avez-vous la moindre idée, Valdir ? demanda le patriarche inquiet.

— Malheureusement pas la moindre…


Un silence pesant accueillit ces mots. Kaldor et sa mère échangèrent un regard. Ils se demandaient ce qu’ils pouvaient bien faire là. Puis Valdir brisa le calme de la pièce.

— Kaldor est le jeune homme désigné par le Divin Eldyr pour partir en quête de trois reliques. Pourquoi lui me diriez-vous. Parce qu’il est le seul à pouvoir les porter sans mourir quelques heures après. Ce garçon est le fils d’Eldyr.

L’Eldyrien releva deux gros problèmes. Premièrement, les reliques étaient éparpillées à travers la Camaörie. Cela allait prendre du temps de les réunir. Deuxièmement, ils ne savaient pas où elles se trouvaient, à part la première. Kaldor avait du mal à se contenir, ils étaient là à parler de lui et de leur plans comme s’il n’existait pas.

— Tout ceci m’a toujours semblé farfelu et j’ai eu l’idée de ne rien faire pour vous aider avoua Faldin. Cependant le Divin Kaelliom m’a ordonné de vous assister. D’après ce que j’ai compris, nous ne pouvons pas compter sur l’aide des vôtres, Valdir. Pas après ce qu’il est arrivé au couple royale et la grande-prêtresse…

— Attendez une minute ! le coupa Kaldor qui ne put contenir plus longtemps sa colère. Pourquoi les dieux ne s’occupent-ils pas de ça eux-mêmes ? Au lieu de s’amuser à envoyer leurs gentils petits pions ?

— Kaldor ! s’exclama sa mère, surprise.

— Mon garçon ! Ne blasphémez pas ! le réprimanda le Patriarche Faldin.

— Kaldor, un affrontement entre les dieux Eldyr, Kaelliom, Gènd et Tyrnon ferait de très gros dégâts, révéla Valdir d’un ton calme. Ils ne doivent en aucun cas se combattre de manière directe, d’où l’utilisation de « pions », comme tu aimes si bien dire. Tu es le seul être en ce monde capable d’aller chercher les reliques. Nous comprenons ta colère, mais grandit un peu et accepte enfin ta destinée. Tu es un homme, pas un petit enfant geignard !

Le jeune homme ne sut quoi répondre. Il sentit sa mère serrer tendrement sa main. Le silence s’installa quelques instants, avant d’être brisé par le patriarche.

— Hem… Ce sera donc la grande quête secrète de l’Ordre. Je tiens à ce que ce projet soit et reste secret. Nous n’avons pas besoin de rameuter tout le monde. Je vais vous fournir des lettres de marque afin que l’on vous procure de l’aide dans les royaumes de l’Ordre. Enfin, si vous en avez besoin. Je vous connais assez bien Valdir, pour savoir que vous demandez rarement de l’aide. Avez-vous décidé de la date de votre départ ?

— Nous allons partir dans une semaine, le temps de rassembler des vivres et des hommes. Je vais vous emprunter le capitaine Binlian ici présent, il se chargera de choisir trois ou quatre hommes de confiance.

— Mais, Valdir, le capitaine a une compagnie à diriger, protesta le patriarche Faldin.

— Son sergent-major saura comment s’en occuper, n’est-ce pas capitaine ? renchérit l’Eldyrien.

Binlian opina du bonnet, ravi de partir à l’aventure.

Avant de quitter la salle, Kaldor demanda au patriarche s’il pouvait faire quelque chose pour sa mère. Il ne voulait pas qu’elle l’accompagne dans leur dangereuse quête. Faldin lui promit de lui trouver un emploi et un logement.

***

Au-dessus du village de Boisfeuillus, des nuages de plus en plus sombres se massaient. L’orage s’éveilla, ses grondements se firent de plus en plus forts. Il tournoyait dans le ciel, le zébrant de ses éclairs. Puis, les vents se déchaînèrent. La foudre frappait le sol et le tonnerre semblait rire des petits humains qui courraient dans tous les sens.

Soudain, les villageois virent trois boules de feu apparaître dans le ciel déchaîné. Elles heurtèrent la terre avec fracas.

Des nuages de poussière sortirent des créatures cauchemardesques : deux énormes loups – aussi gros qu’un cheval – et un spectre vêtu de haillons. Les villageois coururent se mettre à l’abri, terrifiés. La chasse allait être captivante comme l’avait promis Mastar au spectre.

Le premier loup pourchassa un homme qui appela à l’aide. Son cri se termina dans un gargouillis, la gorge arrachée par un puissant coup de patte. Le deuxième arracha la tête de la première proie qui passa à sa portée.

Les villageois se rassemblèrent sur les toits des maisons. Les flèches qu’ils décochèrent sur les loups semblaient avoir autant d’effet qu’une piqûre de guêpe. Quant au spectre, elles lui passaient au travers. Ils se dirent tous qu’ils lutteraient jusqu’au bout, par Kaelliom !

Mastar observait son œuvre dans une bassine remplie d’eau, au fond de sa caverne. S’amusant de la ténacité des humains, leur cœur encore empli d’espoir. Et quand le désespoir se lirait sur leur visage, il jubilerait.

— Si tu es contre moi misérable petit Eldyrien, alors tu vas goûter à l’amertume de la culpabilité, affirma-t-il.

Ce qu’il venait de déclencher lui avait coûté en énergie, mais il fallait briser le cœur de ce Kaldor. Il ferait regretter à ce désigné, d’être né ! Nul ne devait se mettre en travers de sa route, ni hommes ni dieux.

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