Chapitre 2 - L'apothicaire (partie 1)

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 Le lendemain matin, Kaldor ne put rien avaler de solide. Il ne pouvait pas serrer la mâchoire sans avoir mal. Sa contrariété augmenta lorsqu’il remarqua que Pol, son agresseur, n’était jamais loin de lui. Probablement pour l’empêcher de parler à la jeune femme de la veille. Leurs regards se croisèrent et si Pol eut envie d’en découdre à nouveau, il n’en fit rien.

 Il retrouva la damoiselle absorbée par le spectacle de saltimbanques. Il s’autorisa à l’examiner plus en détail. Il admira encore ses jolis et longs cheveux noirs et ses yeux bleus. Il remarqua qu’elle arborait un sourire plein de fossettes. Quelque chose, dans son attitude, menait à penser qu’elle n’était pas une roturière, mais d’une classe sociale plus aisée. Elle avait le port fier et droit. De plus, une fine et belle chaîne d’argent enserrait son cou délicat.

 L’occasion d’aller lui parler se présenta. Son agresseur de la veille était très absorbé par sa conversation avec une jeune femme. Kaldor s’approcha en souriant de la damoiselle et lui proposa de se balader en ville.

 — Alors, dis-moi, messire argenté, serais-tu un Eldyrien ? lui demanda-t-elle de but en blanc.

 — Je…

 — Non parce que dans les contes et légendes, les Eldyriens ont les cheveux argentés et savent utiliser la magie, le coupa-t-elle. Tu connais des sorts ?

 Mais où allait-elle chercher ça, par Kaelliom ?! Les Eldyriens étaient des êtres mythiques, rien de plus. Leur royaume figurait bien sur les cartes, mais personne depuis plusieurs siècles n’avait pu y entrer et attester qu’ils étaient encore de ce monde. Certains racontaient même qu’ils étaient les gardiens de la Camaörie – le monde connu. Ils seraient intervenus pour mettre fin aux deux grandes guerres de l’histoire.

 — Oh ! Tu m’écoutes ? dit-elle en lui pinçant le bras. Non, tu n’en es pas un, il paraît qu’ils ont des yeux et des tatouages brillants. Au fait, ton père il fait quoi comme métier ?

Un vrai moulin à paroles, cette fille, se dit Kaldor. Il n’aimait pas trop parler de lui. Il était plutôt un jeune homme introverti. Il tâcha néanmoins de lui répondre.

 — Mon père tient une épicerie et il est aussi le soigneur du village parce qu’il a quelques connaissances dans le domaine des simples. D’ailleurs, je… j’ai dans l’idée de devenir guérisseur ou apothicaire, révéla-t-il fièrement.

 — Ah oui ? C’est un bon métier ça, approuva-t-elle. Si mes souvenirs sont corrects, il y a une boutique d’apothicaire très réputée sur la Grand-Place. Tu devrais aller y faire un tour, il acceptera peut-être comme apprenti. J’ai ouï dire qu’il lui arrivait d’en avoir.

 Kaldor la remercia. Elle lui fit ses adieux alors que l’horloge du beffroi sonnait onze heures. Se rappelant ses bonnes manières, il lui prit la main et y apposa un baiser. Elle lui sourit, manifestement ravie de ce geste, et l'embrassa sur la joue, le laissant planté là. Il resta quelques instants, hébété, à toucher sa joue, puis décida de se mettre en quête du fameux apothicaire.


 Il n’eut pas de mal à trouver la Grand-Place située au cœur de la ville, toutes les grandes rues y conduisaient. Au milieu de la place trônait une gigantesque sculpture entourée de quatre fontaines. La statue aux couleurs chatoyantes symbolisait le dieu Kaelliom, dieu de l’Ordre du Temple. Il était vénéré dans les quatre royaumes de l’Ordre : Valin, Muzin, Sudar et l’empire de Lyrgo. Il était représenté en guerrier, brandissant une lance vers le ciel. Cette belle contemplation fut quelque peu gâchée par une fiente atterrissant sur le nez de la statue, sortant le jeune homme de son admirative observation.

 Kaldor se détourna de cette vision pour faire le tour de la place à la recherche de l’apothicaire. Il vit enfin le symbole, un bouquet d’herbes, un mortier et un pilon, sur fond vert. Il entreprit de jeter un œil à la vitrine de l’échoppe. Il y avait là les noms et les prix des remèdes les plus courants contre le rhume, les brûlures et les maux de tête et de ventre.

 — Eh bien, mon garçon, tu comptes prendre racine, à être planté là ? Si tel n'est pas le cas, entre, lui intima l’apothicaire, en ouvrant la porte.

 C’était un homme d’une cinquantaine d’années, chauve et portant la moustache. Kaldor suivit le docilement dans sa boutique. Il y avait tellement de senteurs différentes que son nez en était saturé. Il chancela un peu.

 — Hé, petit ! Reste avec moi. Toi, tu n’es jamais rentré dans ce genre de commerce, remarqua l’herboriste.

 — Non. Pourtant je suis habitué à sentir plein d’odeurs, mon père est épicier. Il a quelques herbes médicinales, mais elles n'ont pas d'aussi fort parfum.

 — Hum…

 L’apothicaire ne semblait pas très intéressé. Kaldor, mal à l’aise, se demanda s’il ne valait pas mieux partir. Une fois de plus la voix grave de l’homme le fit sursauter.

 — Bon gamin, tu voulais quoi ? Je suppose que tu as besoin de quelque chose, à rester planté là devant ma vitrine.

 — Je… Euh…, balbutia Kaldor, surpris par son ton pressant. Je souhaitais savoir si vous accepteriez un apprenti. Je désire prendre la voie du guérisseur. De plus, je m’y connais un peu au sujet des simples.

 — Hum, voyons ça. Quel remède proposerais-tu contre le rhume ?

 — Inhaler des vapeurs contenant des huiles de thym, romarin et eucalyptus. Il est aussi recommandé d'utiliser ces plantes en infusion. Ce n’est pas un végétal, cependant il paraît que le sirop à base de bave d’escargot est efficace.

 — Bien, approuva l’apothicaire. Une dernière question : que préconises-tu contre les maux de tête et la migraine ?

 — Boire en décoction de la reine-des-prés, de la valériane ou des feuilles de sureau noir.

 — Bon, je constate que tu as un savoir sur les affections les plus fréquentes, opina-t-il. Tu m’as l’air d’être quelqu’un de sérieux. Tiens, prends ça en attendant que l’on se revoie, dit-il en lui tendant un petit herbier. Tu l’étudieras et, dans deux semaines, tu reviendras passer un autre test de connaissances. Je veux que tu sois capable de reconnaître une quarantaine de plantes. J’accepterai alors de te choisir comme apprenti.

 Kaldor ne pouvait espérer mieux. Il lui demanda s’il avait une petite chambre, car il habitait plutôt loin de la ville. L’apothicaire lui affirma en avoir une dans son grenier. Il remercia chaleureusement son probable maître d’apprentissage. Perdu dans son euphorie, il percuta la porte, faisant rire l’herboriste. Celui-ci semblait content de voir autant d’enthousiasme chez le jeune homme qui, en plus, avait l’air prometteur.

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