06 -Non de Zeus!

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Le gamin a une vilaine blessure, mais il survivra. Contrairement à ma première idée, il n’a pas été attaqué par des policiers, il s’est rendu au couloir et il s’est aperçu que les militaires étaient partis, le barrage levé et l’accès à nouveau libre.

Alors il a retrouvé l’endroit ou j’ai ouvert le portail, et il a essayé de le franchir… en fonçant dans le mur.

Et le pire, c’est qu’il s’y est repris à plusieurs fois…

Finalement, des passants se sont décidés à l’arrêter, les gens du ghetto sont intervenus et l’ont ramené.

L’incident est clos.

— Mais qu’est ce qu’il voulait faire ?

Ibrahim hausse les épaules.

— Je présume qu’il voulait tuer Grand Zeus… ou plus exactement son double puisqu’un SDF est forcément moins protégé qu’un président. Tiens, il avait ça dans la poche. Heureusement que les braves gens qui l’ont empêcher de se blesser davantage n’ont pas eu le réflexe de le fouiller.

Il me montre un pistolet automatique.

— Mais ce SDF n’y est absolument pour rien…

— Sauf que s’il meurt, reprend Ibrahim, Grand Zeus mourra également. Et si nous tuons Grand Zeus ici, le SDF mourra de même. Donc coupable ou non, sa mort met fin à la dictature. C’est moralement très discutable, je lui aurait interdit de sortir s’il m’avait fait part de ses projets, mais je peux le comprendre. Mais il n’était pas… un initié, comme vous dites… Vous seul en êtes capable, et si j’ai bien compris votre histoire, vous devez repasser le portail pour rendre à votre copain vert son cristal magique.

— Pas magique, précis-je. C’est un objet technologique mais je ne sais pas comment il fonctionne. Je présume qu’il capte les ondes cérébrales et amplifie les pouvoirs du karma. De toute façon, je dois le lui rendre… je suis vraiment désolé de ce qui est arrivé au petit.

— Vous n’y êtes absolument pour rien, chacun est responsable de ses propres actes. Au fait, est-ce que nous pouvons encore vous être utile ? Vous n’aurez besoin de rien pour ce voyage ?

Il me regarde fixement, la main toujours posée sur l’arme comme s’il était impatient de la faire glisser dans ma direction.

— Je crois que votre fils ne m’en voudras pas si j’emprunte son pistolet.

— Il ne vous en voudra pas.

L’arme change de mains. Je la mets en poche.

* * *

Je retourne dans le couloir et je retrouve le passage. On le reconnaît facilement puisqu’il y a une nouvelle tâche de sang juste en dessous de la première… Mais ce qu’il espérait ce p’tit con ? Il n’est pas initié, merde !

Enfin, grâce à lui, j’ai un pistolet dans une poche, un cristal dans l’autre… Tiens, et si j’utilisais le cristal pour ouvrir le passage, ce serait peut-être plus facile.

J’essaie…

Le mur s’ouvre d’un seul coup, avec un petit bruit de bouteille de soda et un souffle d’air provenant, littéralement, d’un autre univers. L’efficacité de ce cristal est stupéfiante.

J’avance d’un pas, un cri retenti.

— Hey ! Ne bougez pas !

Je passe de l’autre côté et je me retourne pour refermer le portail. Un militaire armé se tient devant l’entrée, dans le monde que je viens de quitter. Il braque son arme vers le portail qui est toujours ouvert.

Je me concentre. Le portail se referme au moment précis ou le mec se met à tirer. J’entends le crépitement des balles, mais le portail s’est refermé juste à temps.

Un attroupement s’est formé autour de moi, les curieux se demandent d’ou vient ce boucan.

Je prends l’initiative :

— Ah, ces gosses avec leurs pétards !

— Des gosses de migrants bien sûr, approuve bruyamment l’un d’eux. Tous des dealers et des violeurs, tous, tous, tous !

— Ça fait longtemps qu’on aurait du fermer les frontières. Ils ne respectent pas les gens qui travaillent ! C’est normal, ils ne foutent rien.

Laissant à leurs certitudes ces braves gens un peu trop influençables, je me dirige vers l’église. Mon SDF, sosie de Zeus, me fait de loin un signe amical que je lui rends par principe. Puis j’entre dans l’église et je retrouve mon extraterrestre.

« Mon cristal, avez vous ramené ? »

— Je l’ai… mais j’ai aussi une question avant de nous séparer. Les doubles que nous avons d’un monde à l’autre, ce ne sont pas les mêmes personnes, non ? Qu’ont-ils en commun ?

« Différents sont leur rôles dans chaque univers, mais semblables sont leurs destins. Chacun vit les mêmes événements que ses jumeaux, mais avec un autre rôle. »

— Alors une seconde question : pourquoi avez vous donné à certains d’entre nous la capacité de voyager d’un univers à l’autre ?

« Parce que votre univers est sous votre garde, et non la nôtre. »

Il me regarde d’un œil pétillant de malice… sans aucun doute, il sait ce que j’ai en tête.

« Libre de tes choix, tu es… mais si une décision tu prends, responsable tu en seras. Agir ou ne pas agir, la responsabilité sera toujours la même. »

Je lui rends le cristal.

— Merci de vos enseignement, petit maître vert. Je sais maintenant ce que j’ai à faire.

Je sors de l’église et je me dirige vers le SDF. Je regarde à gauche, puis à droite… à part lui et moi, il n’y a personne sur la place.

C’est alors qu’un détail attire mon attention.

— Pourquoi ne portes-tu pas de masque ?

— Et pourquoi j’en porterais ? Me répond-il étonné.

— Et bien… pour éviter la contamination du Covid-22.

— Le masque ne protège pas celui qui le porte, mais les autres. Et moi je suis à la rue, il n’y a pas de confinement pour moi, pas de médecin et pas de lit d’hôpital. Si je tombe malade, je crève et tout le monde s’en fout. Pourquoi devrais-je faire des efforts pour ceux qui me laissent crever ?

— Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai.

Je sors le pistolet et je le descend de deux balles dans la poitrine.

Puis je tourne les talons et je dégage en vitesse.

Après avoir tourné le coin, je cesse de courir et je marche normalement, mais d’un bon pas… des gens apparaissent aux fenêtres et des attroupements se forment. Je croise une voiture de police qui se dirige vers la place sans s’arrêter.

Puis j’aperçois un café. J’y entre.

Putain de merde, je l’ai fait ! J’ai buté Grand Zeus !

— Patron ! Une bière !

Un ventripotent bonhomme en blouse blanche me sert.

— On dirait qu’il y a du grabuge dans le quartier.

Je hausse les épaules.

— Sûrement des gosses avec des pétards… Il y en avait déjà près de la gare qui faisaient les cons.

— P’têt bien, répond-il laconiquement.

Puis il allume la télévision, sans doute pour avoir les nouvelles locales.

Pas de chance, le speaker est aux informations internationales, il évoque la situation dramatique du Khalifastan ou l’immonde dictateur, le général Anouar Kamal vient de prendre des mesures radicales de spoliations des terres arméniennes dont les habitants sont maintenus dans des ghettos depuis plus de 30 ans et subissent régulièrement vexations et assassinats plus ou moins ciblés.

Il faut dire que le dictateur lui même a récemment échappé de peu à un attentat à la bombe qui lui a laissé une vilaine blessure au crâne.

J’écoute la speakerine d’une oreille distraite, puis le dictateur apparaît et débite un discours hargneux de sa voix tonitruante dont la teneur est affichée en sous titres.

Et en regardant cet infecte personnage affirmant sans la moindre gêne que les arméniens ne sont même pas des animaux et que leur disparition est nécessaire à la survie de la civilisation…

Je reconnais mon propre visage.

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