Haute fréquence

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La Bourse s’était effondrée et s’était arrêtée.

Puis elle avait redémarré.

Mais les choses n’étaient plus pareilles.

Le fric disparaissait. Des quantités astronomiques de fric en fait.

Les algorithmes de trading haute fréquence, qui étaient globalement conçus pour baiser la gueule des gens en faisant des opérations toutes les femtosecondes et en traquant les failles dans les latences de mise à jour du prix des actions, s’étaient pulvérisés comme un TGV lancé à toute vitesse sur un bunker en béton armé. Les économistes essayaient de comprendre ce qui s’était passé – évidemment tout le monde avait compris que c’était encore un coup de Staline.

Apparemment, Staline prélevait un montant proportionnel à la valeur et à la fréquence des transactions. Certains algorithmes ultrarapides censés faire des bonnes affaires avaient dilapidé le capital de certaines sociétés en quelques millisecondes. Des entreprises qui existaient à 09 h 00 min 00 s à l’ouverture de la Bourse avaient été liquidées bien avant 09 h 00 min 01 s.

Le « taux d’imposition » semblait variable selon les secteurs d’activité et pensé pour ne rien prélever sur les financements honnêtes, enfin disons à moyen et long terme de l’activité. Seule la spéculation et les mouvements de capitaux déconnectés de l’économie réelle étaient taxés. Staline n’avait pas tué la Bourse, Elle l’avait simplement rationnalisée. On pouvait toujours trouver à redire sur le détail de la méthode, mais enfin on n’y pouvait rien, et personne n’osait trop non plus vocaliser sur le sujet de peur de se faire « repasser ».

La taxe carbone fut enfin instaurée.

Cette fameuse taxe qui n’avait jamais fonctionné par le passé.

Elle fonctionna enfin.

Pour deux raisons : la première était simple : Staline. Personne n’osa se mettre sur son chemin, pour d’évidentes raisons. La seconde était tout aussi simple : dans une économie globalisée, tout le monde joue le jeu, du moment que la contrainte soit effectivement globalisée. Jusqu’à Staline, la taxe carbone n’avait jamais été instaurée par tout le monde, et même parmi les pays qui l’avaient instaurée, des différences avaient toujours existé. De sorte qu’il avait toujours été facile pour les entreprises d’effectuer différents montages financiers pour ne pas avoir à la payer, ou tout au moins pour la minimiser. Certains parvenaient même à gagner de l’argent avec ; bref, la taxe carbone qui avait toujours été en soi une bonne idée n’avait jamais fonctionné. Mais ça, c’était avant Staline.

La transition énergétique était maintenant solidement financée, même s’il était légitime de se demander si, avec le phénomène Staline et toute la peur qui y était associée, cette taxe ait réellement eu une utilité.

L’argent prélevé par Staline via le carbone et la taxe haute fréquence avait été redistribué sur les comptes en banque des salariés des sociétés en question, comme ça même si les sociétés touchées étaient contraintes à la faillite, ce n’était pas les (ex)salariés qui allaient trinquer.

Ou comment instaurer en vrai, et enfin, l’Économie du Bien Commun.

Staline avait envoyé aux salariés impactés des offres d’emploi et nul doute que les RH avaient été notifiés qu’il serait de bon ton d’accepter les candidats qu’Elle allait leur envoyer.

Staline ne volait pas réellement aux riches pour donner aux pauvres, c’était plus complexe que cela – et les branleurs et profiteurs avaient été dûment notifiés qu’il était temps qu’ils se remettent sérieusement à bosser.

Et j’aime autant vous dire que, quand Staline demande, on s’exécute.

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