Chapitre 12

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Finalement, d’un simple verre pour réconforter une pauvre fille qui pleure, nous sommes passés à un après-midi entre voisin. Ni Jonathan, ni Mathieu n’ont tenu à revenir sur ce qui s’est passé plus tôt, me laissant sûrement la possibilité d’amener moi-même le sujet. Chose que je n’ai pas faite car je n’ai pas envie de me gâcher le reste de la journée. Au lieu de ça, nous avons discuté et énormément rigolé. Pourtant, je ne peux m’empêcher de constater que je suis gênée d’être en présence de Jonathan face à Mathieu. C’est assez étrange, surtout lorsque je repense aux insinuations de Jonathan lors de son appel de vendredi. Finalement je décide de ne pas en tenir compte et je profite du moment en voyant que les garçons, eux, n’ont absolument pas l’air perturbés.

Alors que Jonathan s’apprête à regagner son appartement, Mathieu lui propose de se joindre à nous pour notre habituel marathon de série. C’est comme ça que nous nous retrouvons tous les trois, en plein milieu de notre petit salon, à tenter de trouver un choix qui plaira à tout le monde.

- Lucifer ça vous va ? proposé-je en zappant pour la énième fois.

-Parfait me répond Mathieu.

- Je ne connais pas, rétorque Jonathan. De quoi ça parle ?

- Quoi ? Dis-je surprise. Tu ne connais pas le diable le plus populaire du moment, le charrié-je en rigolant.

-Tu verras, l'année prochaine, si tu as eu le temps de regarder la télé aussi souvent que tu le voudrais, me taquine-t-il.

- Bien, tranche Mathieu, alors c'est parti pour Lucifer saison 1 épisode 1.

Sur le canapé, je suis installée entre les deux garçons. Je me sens à la fois contente d’avoir la possibilité de me rapprocher de Jonathan mais, aussi, je suis embarrassée de faire ça sous les yeux de Mathieu. Pourtant, je ne peux réfréner toutes ses sensations agréables qui me parviennent lorsqu’une partie de mon corps se retrouve en contact avec celle de mon voisin. C’est tellement déroutant que je n’arrive même pas suivre le fil des épisodes. Finalement, ma vessie vient à ma rescousse pour m’offrir la possibilité d’aller me remettre les idées en place.

- Mettez l'épisode 4 en route, les gars, leurs dis-je en me levant. Je reviens dans un instant.

Lorsque je réapparais, après à peine cinq minutes d'absence, je constate que Mathieu s'est levé et qu'il a enfilé une tenue de sport.

- Tu avais froid, dis-je innocemment.

- Non, rigole-t-il, je vais aller courir un petit peu. Je ne me suis pas entraîné du week-end et je ne voudrais pas être à la ramasse demain.

- Ah d'accord, réponds-je un peu déçue.

Il semble le percevoir puisqu’il s’approche de moi prudemment et me prend dans ses bras.

- Je ne serai pas long ma p'tite, deux épisodes et je reviens. Et puis je te laisse en bonne compagnie.

Il me désigne discrètement de la tête Jonathan qui est sur le canapé, me fait un clin d'œil, un bisou sur le front et s'en va.

À peine a-t-il franchi la porte qu’une vague de stress s’empare de tout mon être. De toutes les situations que je redoute le plus, le tête-à-tête avec un homme qui me plait, est celle qui arrive en numéro un. J’ai beau avoir un caractère bien tranché, je deviens un vrai petit moineau farouche quand il s’agit d’affronter tout ce qui se rapporte à ma vie sentimentale. Je souffle un bon coup, prend une dose de courage et retourne m’asseoir sur le canapé gris qui trône dans le salon.

- On va continuer sans lui ! Dis-je en me penchant pour reprendre la télécommande afin de mettre l’épisode en route.

Avant même que j’ai pu atteindre le boitier noir, Jonathan s’en empare. Sans même une parole de sa part, je comprends immédiatement où il veut en venir. Visiblement, continuer Lucifer n’est pas dans l’ordre de ses priorités.

- Puisqu'on est que tous les deux, Cara, j'aimerais que l'on discute de ce qu'il s'est passé vendredi.

Je sais que c'est la meilleure chose à faire, en plus je ne veux pas qu'il y ait de malaise entre lui et moi. Je l’apprécie beaucoup, alors autant régler cette histoire rapidement. Je lève les yeux vers les siens et je sens l’inquiétude dans son regard.

-D'accord, acquiescé-je en me redressant sur le canapé.

Sans préambule, il se lance dans son récit, comme s’il l’avait répété encore et encore. Ses yeux, bien vissés dans les miens semblent essayer de me pénétrer.

- Écoute, Cara, je suis vraiment désolé pour mon comportement de vendredi. Je n'aurai pas dû autant boire, je ne voulais pas te gêner. Je me doute que tout cela a dû te paraître étrange, il faut que tu saches que je ne suis pas comme ça habituellement. Mais j’ignore pourquoi, à ce moment de la soirée j’ai pris mon portable et il m’a paru évident qu’il fallait que je t’appelle.

Il scrute chacune de mes réactions, comme on surveille de l’huile sur le feu. Je dois admettre que je ne sais pas bien quoi répondre, alors je lui dis la première chose qui me vient à l’esprit.

- Je ne t'en veux pas Jonathan. Cela m'a surprise, c'est vrai, mais nous savons tous que l'alcool fait dire et fait faire n'importe quoi.

Ma réponse semble lui parvenir de façon erronée car il fait une drôle de tête.

- Attends Cara, il faut que tu saches que, certes, ce n'était pas la meilleure manière de te le dire, mais toutes mes paroles étaient vraies. J’en ai honte, mais même ma jalousie envers Mathieu est présente.

Cet aveu me fait l’effet d’une douche froide. Depuis vendredi, je préférais me dire que tout était dû à l'alcool que j'en ai oublié la possibilité que Jonathan ait de vrais sentiments. Qu’est-ce que je peux être naïve ma parole. J’ai bien l’intention de rétorquer mais Jonathan prend une grande inspiration et poursuit :

- Tu me plais Cara, avoue-t-il presque désemparé. Depuis le premier jour où l'on s'est croisé sur le palier et que tu m'as salué avec ce petit sourire bienveillant. Après ma dernière rupture, je pensais m'être mis des barrières, confie-t-il honteux. Et puis tu as débarqué dans ma vie.

Eh bah ça alors, si je m’attendais à une telle déclaration ! Tout se bouscule dans ma tête et je n'arrive pas à réfléchir rapidement. Il me plait, c’est certain, mais ai-je vraiment le temps de m’embarquer dans une relation avec tout ce qui me tombe dessus en ce moment. Ce ne serait pas juste ni pour lui, ni pour moi. Je passe vraiment pour la nana la plus indécise de la planète, surtout lorsque l’on se rappelle que j’étais prête à me jeter à son cou après la rencontre avec mon père, ce matin. Mais ma raison l’emporte.

Je baisse mon regard et triture mes doigts.

Merde Cara, trouve une réponse, me siffle ma conscience.

Mon cœur et ma tête sont, à ce moment précis, séparés par un énorme fossé.

- Je ne m'attendais pas à ce que ce soit réciproque, se vexe-t-il face à mon silence. Je voulais juste te dire ce que j'ai sur le cœur.

Je vois la tristesse dans les yeux de Jonathan, je me ressaisis.

-Je suis flattée, par tes propos et, dans d'autres circonstances, j'aurais été très heureuse qu'un homme aussi gentil et attentionné que toi me fasse une telle déclaration, commencé-je les yeux toujours sur mes doigts. Mais ce n'est pas le bon moment pour moi actuellement. Il y a tellement de choses qui se passent dans ma vie que je ne peux pas entamer une relation car je sais que je ne pourrais pas m’y consacrer pleinement.

Je lui prends les mains et trouve la force de planter mon regard dans le sien.

- Tu mérites quelqu'un qui se donne à cent pour cent, dis-je dans un doux murmure comme pour diminuer les poids des mots que je prononce. Pour le moment, je ne peux pas être cette personne-là.

Il me prend dans ses bras et le frisson qui me traverse me fait presque regretter ma décision.

- Je préfère t'avoir dans ma vie en tant qu'amie que te perdre, Cara, me chuchote-t-il doucement à l’oreille. Je te comprends et j'attendrai que tu sois prête.

Ses mots me réconfortent un peu. Ce n’est jamais plaisant de blesser quelqu’un et de savoir qu’il ne m’en veut pas, c’est surement égoïste, mais ça me soulage.

Cette discussion terminée, nous reprenons la série où nous l'avions laissée jusqu'au retour de Mathieu. À peine mon colocataire est-il arrivé dans l'appartement, qu’il nous sort très spontanément :

-Alors les amoureux, la série est bien ?

Je vois le visage de Jonathan se décomposer alors qu’il se lève d'un coup et nous informe qu'il rentre chez lui, prétextant avoir du travail à finir. *

Merci Mathieu de remuer le couteau dans la plaie encore ouverte.

Il nous salue d’un signe de la main et nous fausse compagnie. Mathieu se retourne vers moi et je comprends rapidement qu’il a bien l’intention de me cuisiner.

- C'est la première fois que tu fais fuir un mec de cette façon. Que s'est-il passé ? Questionne-t-il intrigué par ce qui vient de se passer.

Je lui raconte en détail la conversation que nous venons d'avoir avec Jonathan et je le sens irrité.

- Pourquoi tu fais toujours les mauvais choix, Cara ? Depuis que l'on est enfant tu réfléchis toujours trop et tu passes à côté de tellement de choses. Il te plaît au moins ?

- Oui, il me plaît, réponds-je instantanément, et j'aime être en sa présence. Mais ce n'est pas ma priorité aujourd'hui et je trouverais injuste pour lui d'être avec quelqu'un qui ne s'implique pas à fond.

Je sais qu’avec Mathieu, nous avons deux visions très opposées d’une relation. Je cherche le grand Amour, celui des livres et des romances, alors que lui se contente de la première paire de jolies jambes. Il est libre et insouciant, et je l’aime pour ça car il m’apporte une légèreté que je ne pourrais avoir seule, mais il a souvent du mal à se mettre à la place des autres.

- Je comprends, me dit-il après réflexion. La seule chose que je veux, c’est ton bonheur. Alors si tu n’es pas prête, nous allons attendre.

Je suis surprise qu’il prenne la chose de cette manière mais je m’en contente largement car je n’aurais pas eu la force de devoir me justifier. Je le prends dans mes bras et c’est finalement à deux que nous continuons notre marathon.

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