Papa

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La voie était libre. Je traversai le couloir comme un chat. Dès qu’elle entendait le craquement de mes pieds dans le couloir :

​Reste dans ta chambre sinon j’te casse les jambes !

Touriya terminait de colorier les nymphettes aux nichons énormes que j’avais dessinées, allongée sur la moquette. Maman préparait à manger et Nesrine faisait du repassage dans le salon. Elle me tendit une pile de linge pour la ranger et dit :

_C’est mon jean ça ?

_ Tu m’l’as prêté hier.

_Nan ! Pas celui là ! Allez-allez ! Enlève-le ! Tu v’la m’l’élargir avec ton gros cul là ! Putain ! J’vais encore être obligé d’le laver à 90 j’vais l’abimer à force !

_ Bah toi aussi alors, prends plus mes hauts ! Tu m’les élargis aussi avec tes mamelles de vaches laitières !

_ Pfff rageuse !

Je me déshabillai et jetai le jean par terre :

_ Tiens ! Ton jean de merde !

Touriya accrochait les dessins sur la porte. Maman vint pour nous​ ​demander si on voulait : du poisson ou de la viande ce midi ? Touriya lui tendit un dessin :

_T’as vu Maman comment elle est belle l’infirmière ?!

Elle saisit la feuille et me dit, comme souvent :

_ Elles ont toujours des gros seins et des têtes de connasses tesfemmes ? Pourquoi tu leur fais des têtes de connasses comme ça ? Elles te ressemblent quoi ? Tout l’temps connes ! Et pourquoi des seins énormes comme ça ? C’est abusé !

Nesrine, qui avait tout entendu, déposa mes jeans soigneusement pliés et dit :

_ C’est parc’qu’elle en a pas ! Tout est dans son cul !

Le voisin d’à côté passait la tondeuse. On ne le voyait plus, avec son marcel crasseux, son gros bide et son gros cul. Il n’arrêtait pas de mater quand on faisait bronzette. Papa l’avait menacé plusieurs fois de lui fracasser le crane jusqu’à ce qu’il retire le grillage et construit un mur avec l’aide de son collègue David.

Papa profitait du beau temps pour repeindre les volets et les deux portails à l’entrée. C’est Maman qui décidait des couleurs, marron-cognac cette année. L’année d’avant c’était du marron- chocolat. Il taillait les thuyas et finissait son bricolage dans le garage. Il voulait tout faire : du parquet dans toutes les chambres et le couloir, une cheminée dans le salon et un puits dans le jardin. Ça allégerait les factures d’eau. Il reprochait à Maman de gaspiller des litres pour rien,et que toutes les femmes algériennes gaspillaient trop d’eau.

Il ne se reposait jamais. Même en congé, le marteau et la perceuse nous trucidaient le crâne. Maman répétait cette phrase comme le refrain d’une chanson: ​Il est bon qu’à casser les murs—TAA ! TAA ! TAA !— On entend que ça toute la journée !

L’année dernière il avait refait le devant de la maison : des pavés à la place d’un ciment gris et moche. Il avait refait le sol du garage, construit des étagères et un grenier au plafond, une sorte de mezzanine pour ranger son matériel. Il avait mis du carrelage sur les murs des toilettes à la demande de Maman à cause du pipi. Elle insistait pour que Papa pisse assis. Que c’était sale de faire debout, que ça éclaboussait partout même sur lui. Que son père et ses frères pissaient assis et se lavaient à l’eau et que les Français eux, étaient sales et qu’ils ne se lavaient pas les mains en sortant des chiottes.

Il avait également changé le carrelage pourri de la salle de bain. Si on écoutait Maman, tout était pourri.

Je m’étais assise à l’entrée du garage et je regardais Papa jeter de l’eau et frotter les pavés au balai brosse :

_ Pourquoi ta mère gueulait c’matin ?

_ Ché pas ?

_ Faut toujours que ça gueule ici ! Pas un matin tranquille ! Vous pouvez pas vous réveiller dans le calme non ?

_C’est elles là ! Elles arrêtent pas d’m’envoyer chercher des trucs !

Elles étaient prêtes à partir. Papa fixa le décolleté de Maman avec insistance :

_ Vous allez où là ? Il est à peine onze heures ? Demande-t-il.

_ Chez l’coiffeur...

_ J’peux v’nir ! Cria Touriya par la fenêtre de la cuisine.

Maman rassura qu’elles seront de retour dans à peine une heure et qu’on devait ranger nos chambres sinon : elle nous casserait le balaie sur la tête !

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