10/10. L'attentat.

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 Dimanche 27 septembre 2048, vers 17H00, Ébo se présente à l’interphone de Darius. C’est inédit ! Aucun des deux ne s’est rendu chez l’autre jusqu’à présent. La discussion au bar a resserré les liens, une évidence !

 Elle aurait souhaité arriver une heure plus tôt, mais des manifestations perturbent les déplacements avec ce demi-million de personnes dans les rues de la capitale. Les tensions sociales atteignent leur paroxysme ce week-end. Ceux qui veulent exacerber le conflit parlent de prémisses d’une guerre civile. Par conséquent, au Havre, un quart des enquêtes dans le métavers, soient dix salons virtuels, sont liés à des complots engendrés par le chaos actuel. Le tumulte trouve son origine à cause d'une réforme annoncée par la présidente de la République.

 Bientôt, la loi imposera à tous les Français une carte d’identité avec un format inédit. Il s’agit d’une puce sous-cutanée, pareil à un microbadge de télépéage, avec une signature ADN intégrée. La cheffe de l’État, persuadée d’avoir à gouverner des moutons, rencontre beaucoup de difficulté à se faire comprendre. Or, elle prévient qu’elle passera en force s’il le faut. Pourtant, les sondages d’opinion l’invitent à laisser tomber. Elle ne s’attendait pas à une telle opposition populaire. Son message tient en deux points, elle ne voit pas pourquoi ça coince. D’abord, seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher sont censés s’offusquer du décret. Ensuite, une réforme de la constitution devient nécessaire, car le terme Liberté de la devise nationale induit des contraintes qui freinent le déploiement de mesures propres à développer la sécurité des citoyens. En attendant, l’égalité et la fraternité se tiennent à carreau.

 Darius prend les choses du bon côté. Se profile une opportunité, ou plutôt une possibilité de reconversion. En rentrant en contact avec ses anciens amis pirates, il pourra leur proposer des tas d’initiatives lucratives illégales plus originales que la simple usurpation d’identité. Il imagine la demande d’une rançon pour débloquer un incident dont il serait l’instigateur. Par exemple, dans un aéroport, sa bande de hackers reconstituée ferait en sorte que tous les voyageurs portent soudain le même nom. Quelle panique ! Puis il chasse ses idées farfelues en se rappelant sa bonne résolution, s’appliquer désormais à vivre en honnête homme. Pas si simple quand on a pris de mauvaises habitudes !


 Dans la rue, Ébo aurait pu manifester, mais elle doit ranger ses principes dans sa poche puisque son statut professionnel le lui impose. Elle a une autre préoccupation, un tourment prioritaire. En effet, elle s’inquiète sans équivoque pour son collègue qui est loin d’être un agent de terrain. Sans formation, il est seulement armé d’un tas de consignes qu’il mélange. Une fois chez lui, dès que vient le moment d’évoquer le sujet, elle le recadre avec bienveillance. Avant de partir, elle lui pose des questions étranges auxquelles Darius n’apporte aucune réponse convaincante :

— M’as-tu tout dit sur ce que tu sais ? En particulier, à propos de ce que ta Joconde attend de toi ? Quels sont tes ressentis ? Comment te sens-tu en ce moment même ?

— Tout va bien ! Ne t’inquiète pas, ma chère amie, dit-il radieux, en finissant son mug. Tu ne bois pas ton thé ? Je te comprends, j’essaie de m’y mettre, mais j’ai l’impression de boire de la pisse.

— Désolé, j’ai une affaire pressante à régler. Je pars ! Rappelle-toi pour ce soir : pas de zèle gros malin ! susurre Ébo, visiblement perturbée.

 Darius a bien flairé que sa partenaire s’était montrée mystérieuse. Il se promet d’aller à la charge dès le lendemain pour lui tirer les vers du nez après le débriefing.


 Il est 20h00, le Louvre est désert. Commence un étrange remue-ménage dans les allées les plus fréquentées du musée. La troupe d’assaillants se disperse rapidement, chaque participant porte un sac à dos préparé à bon escient. Outre quatre explosifs de la taille du poing, tous possèdent trois bouteilles de cocktails Molotov et un briquet pour l’activer. Les attitudes adoptées sont glaciales. Les forcenés ressemblent à des automates silencieux au regard vide.

Quand interviennent les forces de l’ordre, certains tentent d’allumer leurs objets incendiaires, malgré les armes pointées sur eux et les injonctions hurlées pour qu’ils s’allongent au sol. Six personnes parviennent à s’immoler par le feu. Parmi eux, quatre tentent de se jeter sur le tableau le plus proche et sont abattus, les deux autres se jettent par une fenêtre. Le bilan humain est lourd : trois décès auxquels s’ajoutent deux pronostics vitaux engagés.

 Aucune œuvre ne fut atteinte au Louvre contrairement à Londres ou à Bilbao. Plusieurs morts sont également à déplorer dans chacun des musées agressés, soit dix-neuf cadavres au total. Ce bilan catastrophique fut tel qu’il provoqua la stupéfaction au Havre et consorts à l’étranger. Suite à ce désastre, les musées américains et canadiens renoncent au plan initial. Là-bas, ils ferment d’urgence et placent les locaux sous haute surveillance. Par principe de précaution, de nombreux musées en firent autant dans le monde entier, en attendant d’être rassurés.

 Depuis le Louvre, le capitaine de la brigade d’intervention communique avec l’état-major du Havre abasourdi par le désastre. Ils savent qu’il y aura des comptes à rendre. Notamment, l’annonce du nom d’une des victimes les rend mal à l’aise. Sur le champ de bataille, sans hésitation, le capitaine les informe qu’un de leurs hommes en mission sur place a été abattu. La victime se nomme Darius Glaski.

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