II. Cantine

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La cantine était dans un piteux état. Probablement jamais rénovée, les murs troués à la peinture craquelée étaient recouverts de taggs, graffitis, et autres chefs d’œuvres réalisés par les pensionnaires. Un carrelage noir, explosé de toutes parts, parsemé d’éclats de sang plus ou moins sec, faisait office de sol. Les tables dépareillées et de diverses formes exposaient des bols remplis d’une mixture noire inidentifiable.

La salle était remplie. Enfants, adolescents et jeunes adultes, assis ou debout, semblaient assister à un spectacle fédérateur ; un nouvel arrivant d’une quinzaine d’années se faisait rouer de coups par des Veilleurs. Tout le monde hurlait, riait, agonisant d’injures le concerné.

L’ensemble des regards étant rivés vers cette scène matinale, Will se faufila furtivement dans la salle pour s’asseoir à côté de son camarade de chambre. Passé inaperçu jusque-là, il envoya une grande claque sur la nuque de celui-ci. Mürad se retourna, et d’un coup de pied à peine ménagé, projeta Will sur un enfant passant par là.

  • Mais qu’est-ce que tu fous Willy ? Tu manges par terre maintenant ?
  • La ferme, coupa Will en se relevant, goguenard.

L’enfant qu’il avait emporté dans sa chute était resté au sol, regardant Will d’un air terrorisé.

  • Pspst! Ouste, grogna-t-il, le regard noir. Fichu schizophrène…

Le concerné disparu sans demander son reste.

  • T’a encore failli louper le lynchage du jour Un ! lui dit Mürad, hilare. Tu l’aurais vu ; il a débarqué en furie dans la cantine en hurlant qu’il voulait retrouver ses parents, y en a toujours un pour se faire allumer par les Veilleurs dès le premier jour… 
  • Comme s’ils avaient besoin de ça pour être terrorisés, soupira Will.
  • Arrête un peu c’est leur manière de souhaiter la bienvenue aux arrivants, c’est pas méchant...

Will ne releva pas. Il en fallait vraiment peu pour qu’il se mettent tous à péter un plomb ici…

Un violent choc manqua de le faire tomber de sa chaise. Le temps de relever la tête, Mürad était levé en posture de boxeur, le responsable affalé à ses pieds.

  • Il faut vraiment qu’on trouve autre chose pour se dire bonjour, je sais pas moi, une poignée de main… murmura Will, se massant la nuque. 
  • Il faut surtout qu’on arrête de fréquenter Mürad, oui !

Le jeune homme se relevait péniblement, souriant.

  • On peut rien faire sans qu’il nous envoie au sol… Continua-t-il

Mürad fit la moue.

  • Pas ma faute si vous avez des corps de lâche. Surtout toi Dimi. 

Grand squelettique au visage émacié, Dimitry n’avait pas la moindre parcelle de peau ne laissant ressortir ses os saillants. Ses yeux, d’un noir contrastant violemment avec la pâleur de sa peau, semblaient prêts à sursauter au moindre bruit. 

  • Ce que tu m’épuises. Rétorqua Dimitry, irrité.  Bref. Vous avez vu les caméras dans les chambres ? Qu’est-ce qu’ils veulent, savoir si on se touche ?
  • Je giclerai sur l’objectif ce soir, ils auront plus de doute au moins, surenchérit Mürad en lançant un clin d’œil à Dimitry qui le fixait avec désespoir.
  • Immonde. Constata simplement Will, anesthésié aux vulgarités du colosse. On dirait qu’ils ont lâché l’arrivant. Enfin, ce qu’il en reste.

Le nouveau gisait au sol. Les autres arrivants, assis dans un coin de la cantine et reconnaissables à leurs visages terrifiés, regardaient leur camarade en retenant leurs sanglots, sans oser lui porter secours. Les Veilleurs, placés en posture militaire dans chaque angle de la cantine, encerclaient les jeunes, totalement immobiles, l’air menaçant. 

  • Aie. Ils t’ont pas loupé, mon grand.

Une détonation fit taire toute la Cantine, et tomber la moitié des arrivants de leur chaises.

Mürad se leva brusquement :

  • Quoi?! Laissez-moi au moins le temps de manger votre horreur ! S’exclama-t-il. La semaine prochaine ça sera quoi, on devra bouffer au pas de course en allant voir votre fichue Conseillère ?
  • Mürad ! Je veux pas me encore me prendre une raclée à cause de ta grande gueule… chuchota Dimitry, terrifié.
  • On bouge, coupa Will. De toute manière c’est le bordel, personne n’a entendu.

Toute la salle se levait en désordre, les habitués se dirigeant vers la sortie avec agitation tandis que les arrivants cherchaient à comprendre la situation, sans que personne ne prenne la peine de la leur expliquer.

  • Pas très vifs, ces nouveaux. Ils vont se faire lyncher s’ils continuent à se poser des questions. Commenta Will. 
  • Au moins ça défoulerait les Veilleurs et on n’aurait pas d’ennuis aujourd’hui… Murmura Dimitry.
  • T’as bien raison.
  • C’est pas cool c’que vous dites les gars, fit remarquer Mürad d’un air surpris.

Dimitry lui lança un regard outré :

  • Parce qu’on devrait se soucier des autres maintenant ?
  • Tss. Chacun ses problèmes, coupa Will
  • …Je déconnais. Bien sûr qu’on s’en fout. Conclut Mürad avec un sourire mauvais.

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