Fantôme.

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Il est là, assis à son bureau, le dos courbé. Il fixe son ordinateur avec ses yeux rougis par les larmes et la fatigue, quasiment inconscient. Il est immobile, ses doigts tremblent au-dessus de son clavier depuis de longues minutes, sans qu'il parvienne à les poser sur les touches.

Panne de mot, pas d'idée, le vide absolu. La page est blanche et le restera.

Il est comme un fantôme à présent, seul chez lui pour la première nuit depuis des années. Il n'a plus cette présence qui l'avait toujours rassuré. À présent, il est livré à lui-même, entièrement détruit par cette rupture qui laissera à tout jamais une profonde entaille dans son coeur, qui sans doute ne se refermera jamais. La plaie saignera à jamais, c'est elle qui le tuera, si ce n'est déjà fait.

Un rasoir repose sur un coin du bureau, la lame est un peu rouge : il n'a pas réussi à aller jusqu'au bout, par lâcheté.

Et il s'est dit que comme l'écriture a toujours été un remède pour lui, peut-être que cela fonctionnerait aussi... Mais non, rien, pas d'inspiration, juste cette immense page blanche qui le nargue et qui l'enfonce encore plus. La douleur est trop forte, il n'y a aucun moyen de l'atténuer. Il se le répète encore et encore : il a perdu sa raison de vivre, elle est partie et ne reviendra pas.

Trouvera-t-il la force de se relever, un jour ? Il ne le sait pas. Son portable repose sur le bureau, il n'a pas donné signe de vie à ses proches depuis des jours, il a arrêté toutes ses activités. Il va au travail comme un zombie, avec son sourire de façade, en répétant "tout va bien" à ceux qui ont remarqué que quelque chose avait changé. "C'est juste un peu de fatigue, ça va aller..."

C'est un fantôme. Il hante sa propre vie. Il a disparu pour ses amis, prétextant avoir trop de travail, il se rend invisible aux yeux des gens qu'il côtoie, il esquive tous les regards, garde la tête baissée et donne toujours l'impression d'être occupé, pour qu'on le ne dérange pas. Les gens, en l'observant et en parlant de lui, se disent qu'il a une vie bien remplie. Mais en réalité, elle est vide, elle n'a plus aucun sens ni raison d'être, chaque jour est un sursis pour lui, un jour de trop que lui accorde la vie, un jour de souffrance qu'elle lui inflige.

Et chaque jour, quand il rentre chez lui, il s'affale sur sa chaise, ouvre son ordinateur, et se retrouve à nouveau face à cette page blanche, reflet de l'état de son âme. Il aurait tant envie de la remplir, il brûle de crier sa douleur, de la traduire en mots, de partager son fardeau à d'autres, d'ôter un peu du terrible poids qui est en train de l'écrabouiller ! Mais non, son corps ne suit pas, son esprit est mort et son coeur se meurtrit. Sa main ne veut pas bouger et ses doigts continuent de trembler, il se laisse doucement consumer. Plus les jours avancent, plus il a mal, et plus son sourire de façade est grand. Les gens ne voient rien et ne verront rien.

La page est blanche et le restera.

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