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1er avril 2019


Nicolas avait fini par se dire que pourquoi pas. Cela faisait des mois qu'on tournait en rond dans l'affaire "E". Alors peut-être que Hans, ou plutôt sa femme, avait raison. Que le hasard n'existait pas et que s'il avait mis son doigt " par hasard " sur le nom de Kevin Dorbst, c'était que ce monsieur avait quelque chose à lui apprendre sur "E" et que pourquoi pas, il était carrément "E"! Du coup, vu que Hans l'avait de nouveau piqué là-dessus, il avait fini par téléphoner à monsieur Dorbst et avait prit rendez-vous pour cet après-midi à 15h00.

Un 1er avril. Il y avait pensé. Et il avait fait un peu exprès. C'était sa manière d'intimer à Hans que la théorie de sa femme était fumeuse.


Il gara sa voiture. À port-Choiseul, à Versoix, au bord du lac. Kevin Dorbst possédait un bâteau et lui avait donné rendez-vous à la buvette du port. Il faisait grand beau.

Ils s'étaient donné des consignes pour se reconnaître: Nicolas, une casquette rouge, et monsieur Dorbst un T-shirt violet.

Nicolas trouva immédiatement le monsieur en question. Et le trouva particulièrement gros, et se demandait même si ce n'était pas un inconvénient pour se mouvoir sur un petit bateau avec une telle corpulence. Il était assis à une table en fer peinte en rouge sur la terrasse de la buvette, juste au bord de l'eau. Il sirotait une bière.

Nicolas mis ses lunettes de soleil, et s'assit en face de monsieur Dorbst.

- Bonjour, inspecteur Vidon.

Monsieur Dorbst le regardait en souriant. Nicolas sentit instinctivement qu'il était curieux et flatté d'avoir été contacté par la police.

- Bonjour inspecteur. Alors, que puis-je pour vous?

Nicolas héla le serveur et lui commanda une bière.

- Eh bien! Vous êtes donc membre du GdA. Depuis combien de temps?

- Depuis cinq ans. Depuis que j'ai compris que les autres partis n'ont pas du tout l'intention de travailler pour le bien des genevois mais font du copinage plus qu'autre chose.

- Vous occupez un poste à responsabilité au sein du GdA?

- Je m'occupe de faire des sondages par téléphone. Je suis pas le seul à le faire. Et promouvoir ainsi le parti.

- C'est chiant à faire, non?

- ça dépend. C'est intéressant quand les personnes ont envie de discuter. Mais c'est vrai que la plupart du temps, ils raccrochent dès qu'ils comprennent qu'il s'agit de politique. Mais des fois, je peux passer presque une demi-heure avec une personne.

- Et cette personne devient alors membre du parti?

- ça arrive des fois. Mais pas souvent, c'est vrai. La personne campe sur ses positions et essaie plutôt de me convaincre que je suis dans l'erreur. Le GdA n'a pas bonne réputation.

- Que pensez-vous de « E »?

La bière arriva. Nicolas, en attendant la réponse, monsieur Dorbst se tatait, but une gorgée.

- Ben. C'est sûr. La violence c'est pas la solution, c'est clair. Mais bon. Ça arrive. Et là c'est ce qui se passe. Ce « E » est prêt à être violent, à tuer des gens pour la cause qu'il défend. Et qui est, également notre cause, privilégier les genevois...mais je pense que « E » n'a rien à avoir avec GdA. Et je pense que la police fait fausse route en cherchant « E » dans notre parti.

- Ouais...

- Aucun des membres du parti ne ferait ce que fait « E », parce que ce serait se tirer une balle dans le pied.

- ça me semble assez évident. Mais « E » existe. Il agit. Et où peut-il donc être? Avez-vous une idée ?

- Moi?! Franchement. Non! Mais c'est vous l'inspecteur, non!?

- Oui. Et je cherche, nous cherchons. Pour l'instant sans grand succès, comme vous pouvez-vous en rendre compte.

- Oui. Dans la presse, vous commencez à en prendre pour votre grade...c'est vrai...

Nicolas finit sa bière.

- Vous avez eu l'occasion de côtoyer les conseillers d'État ? Des gens haut-placés dans les sphères politiques genevoises ?

- Ben oui. Un peu.

- Vous pouvez m'en dire quelque chose? Cela restera entre nous!

Kevin Dorbst commanda une deuxième bière.

- Ben. Il y en a une que j'aime pas du tout...

- Qui?

- Elizabeth Page.

- Pourquoi?

- C'est viscérale. Je peux pas la blairer. Elle est super hautaine. Se prend pour mieux que tous les autres.

- Ah bon?

- Ouais. Et elle est toujours fourguée avec sa copine...

- Quelle copine?

- Je me rappelle plus son nom, mais elle est pas dans la politique, et en même temps on dirait qu'elle est la principale conseillère de madame Page...

- Elena Pericolo?

- Oui! C'est ça! Pericolo! C'est ça!

Nicolas sourit.

- Et cette Elena est encore pire que la conseillère. D'une froideur épouvantable. J'ai discuté une fois avec. Plus jamais. Plus sec que ça tu meurs. Alors je dirais que elle, elle pourrait être « E »...

- Ah bon!!??

Nicolas pensait à ce que Hans dirait s'il apprenait ça. Tout en se disant qu'il ne lui dirait pas. Mais c'était tout de même incroyable comme le "hasard" le ramenait vers la voisine de Hans. Et ça tombait toujours sur lui.

- Non mais, je plaisante. Il faut quand même sacrément y aller pour faire ce qu'il ou elle fait. Franchement, ce qui est arrivé à Sylvie Delcourt, à son mari, c'est vraiment dégueulasse. Vous vous rendez compte! Ça aurait put être sa fille qui aurait prise les jumelles...j'en ai froid dans le dos. Alors particulièrement pour ça, je souhaite vraiment que vous arriviez à la choper.

- Oui. Une vraie tarée, cette « E ».

- C'est une femme, alors?

- En principe, d'après les messages de revendications.

- Qu'est-ce qu'il dise vraiment ces messages.

- Je ne peux pas vous donner les détails. Les messages n'ont évidemment jamais été transmise à la presse dans leur intégralité.

- Mais pourquoi ?

- Pour ne pas donner trop d'idées aux gens. Ils n'ont pas besoin de tout savoir, et il vaut mieux pour l'enquête qu'ils ne savent pas tout.

- Mais pourquoi ? Excusez-moi d'insister. Mais je ne comprends pas pourquoi il faut cacher ces choses.

- Pour ne pas donner trop de publicité à « E »!

- Ah bon!?

- Oui. La seule chose que je peux vous dire c'est que ce qu'elle écrit est assez chaud. Ce sont des critiques assez virulentes contre les politiques qui dirigent le canton. Et si les gens connaissaient tout les détails, certains pourraient vraiment avoir envie de la soutenir. Il faut que les gens retiennent surtout les horreurs que commet cette criminelle. Il ne faut surtout pas que son action soit perçues comme vaguement héroïque.

Nicolas regardait les bateaux, les vaguelettes qui faisaient leurs petits bruits de clapotis. Il commanda une deuxième bière.





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