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Jeudi 18 octobre 2018, 15h30, chez Firmenich, la Plaine


Hans avait décidé de se rendre seul chez Firmenich. Pour éveiller le moins de soupçons possible. Il s'était dit que s'ils débarquaient à deux voire trois, Frédéric Schwarb auquel cas où il serait le fameux "E" recherché serait immédiatement alerté. Il ne mentionna à personne sa destination de cette fin d'après-midi.

Il faisait grand beau, et en sortant de sa BM une agréable petite brise lui caressait la nuque. Hans eut l'impression que c'était un sorte de bon présage. Que le "hasard" de Klara allait le ramener vite fait bien fait dans sa Thurgovie natale. Qu'il reverrait ainsi chaque jour Frida et Peter. Et même Bonko, leur chien un peu fou. Les chiens que l'on récupère à la SPA sont toujours un peu fou.

Il reverrait Amriswil parce que il allait arrêter Frédéric Schwarb, le directeur de la section recherche moléculaire de la grande entreprise de fragrance et d'arôme genevois. C'était ce que Hans lisait à l'instant dans le hall d'entrée, sur les panneaux indicateurs devant l'ascenseur. Le directeur officiait au sixième étage. Une petite sonnette retentit et les portes glissèrent délicatement de côté. Tout suintait le luxe et l'argent. Il croisa un jeune homme en costard cravate, appuya sur la touche six et l'ascenseur s'élança dans les hauteurs du bâtiment. Trente seconde plus tard, une secrétaire l'invita à patienter dans l'un des fauteuils en cuir disposé autour d'une table basse en verre. Un prospectus vantant l'entreprise y était déposé. Hans n'eut pas le temps de le parcourir dans son entier, car Frédéric Schwarb apparut.

En costume gris anthracite, cravate rouge. Hans fut frappé par sa beauté. Il n'avait pas d'attirance physique pour son propre sexe mais il ne pu que relever et même comprendre, ce qui le troubla quelque peu, que Jérôme Bonnetière ait pu vouloir tenter l'expérience. Un visage absolument magnifique, tout en finesse, un corps longiligne, de très belles mains, se surprit-il à relever.

- Bonjour, vous êtes l'inspecteur Pfäfi, n'est-ce-pas ? Vous venez pour voir la moto ?

- Oui, c'est cela.

Monsieur Schwarb lui sourit et Hans pensa qu'il ne fallait surtout pas lui renvoyer l'ascenseur, et afficha du coup un air volontairement et exagérément fermé, dur, grave et sérieux. Non mais, il n'allait quand même devoir raconter à Klara qu'un jour, à Genève, il avait fait la grande expérience !

- Vous voulez d'abord que nous discutions tranquillement dans mon bureau, ou alors que nous nous rendions tout de suite au sous-sol voir la moto ?

Hans eut une courte hésitation :

- ...allons voir la moto !

- Parfait !

Ils prirent tous les deux l'ascenseur. Il sentait le parfum de monsieur Schwarb et ne comprenait pas ses propres sensations. Mais Bon Dieu, pourquoi était-il gêné ? Cela n'avait pas de sens, s'invectiva-t-il mentalement avec force.

- Pour quel raisons voulez-vous voir ma moto ?

Dans la presse il n'avait pas été mention de l'histoire de la ER6 noire, pour ne pas alerter « E ».

- C'est dans le cadre d'une enquête sur des vols de moto, mentit Hans.

- Ah bon, s'étonna le directeur. Mais ma moto date sacrément. Je ne vois en quoi elle peut intéresser des voleurs ?

- Non mais c'est plus compliqué que ça, éluda Hans qui ne croyait plus du tout qu'il allait rejoindre Amriswil dans les jours qui suivent pour cause d'enquête terminée.

Frédéric Schwarb n'était pas "E". Il ne pouvait pas l'envisager une seule seconde. Donc il allait faire semblant de regarder la moto, prendre des photos, et puis il allait s'extirper de ce faux pas.

Mais Frédéric Schwarb n'était pas dupe :

- Monsieur l'inspecteur, j'ai eu une relation sexuelle avec Jérôme Bonnetière, et je pense que c'est pour cette raison que vous voulez me voir, dit-il alors qu'ils avaient rejoint le parking et où Hans était occupé à faire semblant de s'intéresser au deux-roues.

Hans se releva, et soupira :

- Bien vu, monsieur.

- Vous pensez que c'est moi qui ai tué par empoisonnement Jérôme ?

Hans soupira encore:

- Je vais être franc avec vous. J'y croyais jusqu'à il y a quelques minutes. Mais je n'y crois plus du tout.

Le directeur ne sembla même pas éprouver un soulagement. Il souriait gentiment tout simplement.

- Par contre, nous pouvons nous rendre dans votre bureau. J'aimerai que vous me parliez de monsieur Bonnetière, ajouta Hans.

Il se sentait mieux.

Depuis le bureau, une magnifique vue s'offrait sur le Rhône et la végétation environnante. Hans buvait le café que Frédéric Schwarb lui avait proposé et posa sa première question :

- Quand et combien de temps a duré votre relation avec le directeur de l'office cantonal de l'emploi ?

- C'était ce printemps et elle a duré à peu près une semaine.

- Qui y a mis fin ?

- Moi.

Hans s'étonna ostentatoirement.

- Ça a l'air de beaucoup vous surprendre....

- Euh...oui. C'est-à-dire que je savais effectivement que vous aviez eu une relation, et cela à travers le témoignage d'une secrétaire de l'office cantonal de l'emploi qui, elle, a eu une relation avec monsieur Bonnetière cet été. Et d'après ce témoignage, il était clair pour moi que c'était monsieur Bonnetière qui avait rompu.

- J'ai assez vite compris qu'il n'était pas réellement homosexuelle et que c'était plus par jeu, par curiosité, et par défi personnel qu'il avait tenté cette expérience, et je m'excuse inspecteur, mais je n'aime pas être un objet de curiosité.

- Je crois que je peux comprendre cela. Mais cependant, ce qui m'étonne, c'est que cela veut dire que monsieur Bonnetière n'était pas forcément contre cette expérience, alors que d'après le témoignage de la secrétaire, cela l'avait conforté sur son hétérosexualité.

- Cela peut se révéler être plus compliqué que cela, fit monsieur Schwarb avec un sourire qui déstabilisa quelque peu Hans.

Des images passaient dans son esprit, des images qu'il aurait voulu chasser.

- Vous même en ce moment vous êtes indécis...

- Comment ça indécis ? s'indigna Hans.

- Vous êtes surpris de constater que vous pourriez avoir sexuellement envie de moi.

- Pardon ?!

- Oui. C'est écrit sur votre front, fit-il en laissant échapper un petit rire.

Hans était devenu rouge. Monsieur Schwarb poursuivit :

- Mais c'est normal. On a tous en nous le féminin et le masculin. Et l'on peut tout d'un coup avoir envie d'essayer, vraiment, concrètement le sexe avec le même sexe que le sien.

- Hum...je crois que je ne vous suis pas trop là, mais revenons à notre affaire, monsieur. Avez- vous remarqué un détail, sur une femme ou un homme, qui vous a semblé bizarre ou même inquiétant lors de votre courte relation avec monsieur Bonnetière ? Le directeur de recherche réfléchissait, son index sur les lèvres.

- Alors là, je dois vous avouer que c'est difficile...écoutez, donnez-moi votre carte et si quelque chose me vient à l'esprit je vous rappellerai.

Il marqua une courte pause, puis ajouta, avec une sorte d'ironie amusée:

- Mais je voudrais quand même vous dire que à Firmenich, notre travail, ce sont les fragrances, et les...arômes. La cyanure n'entre pas dans leurs compositions.

Hans éclata alors de rire :

- N'en parlons même pas !

Frédéric Schwarb l'avait accompagné jusque en bas, dans le grand hall d'entrée.

Hans espérait que jamais ce Frédéric Schwarb ne trouve le moindre indice qui nécessite qu'ils se rencontrent de nouveau.

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