Reconstruction

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"Au fil des années mon Mal s'est banalisé transformant le bonheur, la gaieté en des entités interdites, que je m'interdisais de peur de céder à mon propre malheur. Si je découvrais la joie, je ne pourrais plus supporter la peine. C'est pourquoi au-delà de la violence, je me mettais des limites.

Arrivé au lycée, plus rien n'avait de sens. Alors que les autres s'affirmait, que leur monde se teintait de douces couleurs propres à chacun, le mien restait gris et terne. Je subissais encore plus les coups et ces derniers étaient de plus en plus courant et violent car, en effet, cela avait continué.

Au début, elle me frappait simplement le dos ou les jambes à mains nues car elle avait sa supériorité de mère et l'ascendant sur moi. Elle savait le garder en me détruisant psychologiquement, me répétant que je n'étais rien pour elle et que ma vie ne représentait rien. J'ai fini par la croire. J'étais blasé de mon existence. Est-ce que je me suis battu ? Vaguement au début mais c'était vain et cela ne faisait que redoubler les traitements quotidiens. Lorsque j'avais commencé à grandir, elle s'était munie d'arme comme des batons, des ustensiles de cuisine: ce qu'elle trouvait. Ce n'était que lorsque j'étais trop faible qu'elle m'étranglait. Toujours, elle s'excusait et je n'avais jamais compris pourquoi puisqu'elle le faisait à nouveau, à chaque prétexte."

Ces lignes étaient trop compliquées à écrire. Elles étaient trop récentes et mes lettres se faisaient de plus en plus mince comme si j'avais honte de révéler mon histoire. Je décidai donc de passer certains détails pour en revenir à ce que je ressentais aujourd'hui. Peut-être j'esperais que mon récit aurait la force d'inspirer ceux qui ont vécu la même choses et qui veulent prendre en main leur vie. Je devrais plutôt dire leur nouvelle vie car cette identité créée au cours de ces années ne peut être qu'un masque cachant une souffrance trop profonde pour être réglée en deux séances chez le psychologue. Il fallait tout laisser derrière soit pour chasser le traumatisme, pouvoir le traiter sans en ressentir les effets. Il fallait apprendre à s'en détacher. C'est ce que j'avais fait dès ma majorité.

"Maintenant que mon âge était plus avancé, que j'avais pris en taille et en poids, la violence physique diminuait pour s'intensifier sur le plan mentale. Elle me rendait fou mais je m'étais trouvé un but et accordé une passion: l'écriture. Cette dernière me faisait voyager, m'évader et me faisait exprimer ce que je ne pouvais dire à personne. Elle m'avait aidé suffisamment pour que je veuille poursuivre dans cette voie pour mes études. Je cachais mes carnets et j'avais peur qu'elle les trouve mais le bonheur que j'avais en écrivant était supérieur à cette angoisse et je continuais jour après jour à noircir les feuilles jusqu'à me rendre malade.

Un jour, le dernier de mon histoire, le dernier de cette vie, je pris ma liberté. Je venais d'avoir 18 ans et je m'étais débrouillé pour partir chez un ami. J'avais simplement laissé un mot sur la table pour annoncer que je ne reviendrai plus. Je lui avait aussi laissé quelques pages de mes carnets, des photocopies, pour qu'elle voit ce qu'elle m'avait fait subir et je n'avais jamais su sa réaction. Le calvaire était fini tout simplement. Je n'avais jamais eu le courage auparavant de faire cela, de dire "stop" et en une journée je m'étais délivré de ma propre cage et j'y avait laissé le fauve avec qui je la partageait. Je m'étais raisonné toutes les années précédentes, me disant qu'elle était de ma famille et que je devais rester mais ce n'était plus valable. Je pouvais partir et c'était presque trop simple."

Je ne savais pas comment finir ce papier. Devais-je expliquer ce que je vivais aujourd'hui ? Je ne savais pas expliquer ce qui m'avait mener à avoir une vie de nouveau normale avec des personnes en qui j'avais confiance autour de moi. Je ne savais pas comment dire que j'allais mieux et que je m'autorisais à vivre sans penser sans cesse à ce que j'avais vécu. Je savais à peine comment décrire ce traumatisme. Finalement je me décidai et écrivis simplement une phrase.

"Depuis, j'ai appris à vivre à nouveau. J'étais tombé dans le ravin mais on m'en avait sorti peu à peu. Cela avait demandé du temps et une combativité que je ne me connaissais pas, et, à la fin, j'avais réussi. Je me tenais fièrement de l'autre coté de la falaise, exténué, contemplant ce nouveau monde devant moi, ce paysage infini et verdoyant: je contemplais ce qu'il me restait à vivre."

Cette fin me satisfaisait. C'était à la fois un message d'espoir mais aussi une réalité qui permettait d'accéder à tout ce que je m'étais refusé et tout ce qu'on m'avait privé. Il ne restait qu'à trouver le destinataire et après une intense réflexion, l'évidence vint. Je tournai les pages qui composaient mon devoir pour arriver au début. J'écrivis au dessus de mes mots ce qui donna du sens à tout mon récit: "Cher père,".

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