Chapitre 12

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Evan

Cela fait une semaine que les cours ont repris et je n’ai eu à reprendre qu’une ou deux personnes qui commentaient un peu trop la photo de Lucie. Je pensais donc que tout allait bien se passer, au final, pour elle. Mais c’était sans compter Laura.

Je ne sais pas pourquoi mais cette fille a décidé de pourrir la vie de la blondinette. Elle n’a eu qu’a se moquer d’elle une fois, en la traitant de trainée, et toutes ses groupies l’ont suivie. C’est trop tard pour endiguer le mouvement, il ne me reste plus qu’à ramasser les pots cassés. En la voyant, ce midi, j’ai vraiment eu honte. La lueur que j’avais vu dans ses yeux à la fête a totalement disparue, et ce par ma faute.

J’essaie en vain d’écouter notre professeur de français, Mme. Sorigué, qui nous parle de notre prochain livre à lire, l’Education Sentimentale de Flaubert. Mon esprit reste figé sur Lucie. J’imagine à quel point elle doit aller mal… ça me tue. Je déteste être ce genre de personne, faire du mal aux autres. J’ai l’impression de devenir vraiment une mauvaise personne, que ça n’est plus juste un masque. Mon téléphone vibre : un message de Lupa. Une chance, mon moral devrait remonter un peu.

Lupa : J’ai besoin d’un ami…

Ou pas… comme je suis plutôt emphatique, je ressens ce que les autres ressentent, et encore plus quand je tiens à ces personnes. Et visiblement, mon amie aussi va mal. Alors j’opte pour la pseudo-bonne humeur.

Milou : Mais je suis un ami ma Lupa, même un excellent ami ;)

Lupa : Tu ferais quoi, toi, si ta vie sociale mourrait ?

Milou : Sans vouloir te vexer, pour mourir il faut avoir vécu… :P

Lupa : Merci beaucoup Milou, ça m’aide vachement.

Outch, elle va vraiment, vraiment très mal. Parce que niveau second degrés et humour noir, elle est en première place mondiale !

Milou : C’est si terrible que ça… ? :(

Lupa : Tu penses que je suis une mauvaise personne ?

Je tique. Une mauvaise personne, Lupa ? Ce n’est plus une antithèse là, c’est une aberration.

Milou : Tu es la fille la plus géniale de l’univers. Tu sais écouter les autres s’apitoyer sur leur sort sans jamais broncher, tu sais que les Rolling stones ne sont pas des biscuits, tu es cultivée, tu adores lire des notes sans importance sur la vie d’un gas sans importance, tu collectionnes les boîtes Ladurée et tu fais du taekwondo. Je ne sais pas qui ose penser, et te mettre dans la tête, que tu es une mauvaise personne. Parce qu’il n’y a rien au monde qui ne soit plus faux. Tu m’as bien compris ?

Lupa : …

Milou : Quoi ? C’est vraiment ce que je pense de toi tu sais. Et je ne dois pas être le seul, loin de là. :)

Lupa : Merci…

Lupa : Mercredi ! Tu sais que je suis sensible, tu m’as faite pleurer

Milou : Dsl Lulu, dans le bon sens du terme quand même ? :)

Lupa : Oui, même si tu n’es pas du tout sans importance, qu’il est complètement évident que les Rolling stones ne sont pas des biscuits et qu’il n’y a rien de fun à être cultivé ;)

Milou : Mmm. Ne nous penchons pas sur ces sujets, on va encore passer des heures à débattre (quoi que j’adore débattre avec toi). Je ne sais pas ce qu’il t’est arrivé mais ne te laisses pas abattre comme ça ok ? Je ne veux pas perdre ma Lupa adorée : ) : ) : )

Lupa : Merci !!!

Je sais que malgré tout, elle ne va pas super, mais je sens qu’elle se sent mieux.

Lupa : Et toi, ça va avec ton père et Dilan ?

Milou : Oui, oui. Par contre je dois suivre mon cours là, mon prof n'est pas trop content que j’écoute pas. On se reparle ce soir hein ! :3

Je sais que ce n’est pas cool de ma part de couper court comme ça mais je n’ai pas envie de m’épancher sur ce sujet alors qu’elle-même ne va pas bien.


***


Une mauvaise journée, c’est une mauvaise journée. Grande nouvelle, j’ai écopé d’une heure de retenue. Eh oui, encore. Pour violence envers l’un de mes camarades. Pour tout vous dire, c’est la première fois que je frappe quelqu’un, mais il y a des choses que je n’accepte pas, comme mettre une main aux fesses d’une fille. Et quand je me suis promis de protéger la fille en question, forcément que je réagis. Il s’est pris pour qui ce mec ?

Je sors donc du lycée, il est dix-huit heures passées, et un orage fait rage. Joshua est allé chercher ma Jasmine pour moi et la emmenée chez lui. Il l’adore. D’ailleurs, si elle n’était pas si petite, je me poserai des questions. En vérité, il la voit comme sa propre sœur, tout comme il me voit comme un frère. Josh est fils unique, et il aurait toujours voulu faire partie d’une fratrie.

Je m’en vais alors chez mon meilleur ami, quand je remarque, assise sur un muret, une silhouette aux cheveux blonds. Je m’approche doucement, mais elle ne m’entend pas. C’est Lucie, elle est trempée à cause  de la pluie. On dirait qu’elle attend qu’un éclair s’abatte sur elle. Alors que je suis à deux pas d’elle, la blondinette relève la tête. Je décide de lui tendre la main :

-          Tu vas attraper la crève en restant là. J’habite à deux pas. Tu viens ?

En disant ces mots, je la supplie intérieurement de refuser. Elle n’en fait rien. Je sais que j’ai juré de l’aider, mais de là à l’inviter chez moi ? En plus mon père doit avoir laissé des bouteilles partout ! En la regardant me suivre, je me dis cependant que j’ai bien fait. Je vois bien qu’elle se retient de pleurer. Je m’en veux tellement… outre la photo, je n’aurais même pas dû l’inviter à la fête. Tout irait pour le mieux alors ! La curiosité est un mauvais défaut, et j’en ai la preuve. Si je n’avais pas tant été intrigué par elle, tout se serait bien passé. Même pas ! Le problème, c’est Caro. Si je n’avais pas joué à l’idiot avec elle la veille, elle ne serait pas venu me voir. Je serais rentré plus tôt dans le Styx, je n’aurai pas bousculé Lucie et donc, nous ne nous serions jamais rencontré. Et elle irait très bien.

Arrivé devant mon immeuble, je nous ouvre la porte de l’appartement. Dans le salon, j’aperçois effectivement plusieurs bouteilles trainer sur la table et je me souviens que je n’ai pas passé l’aspirateur depuis un mois… Je me dépêche donc de l’emmener dans ma chambre, seul endroit propre (avec celle de ma sœur et la salle de bain, sauf si mon père y est passé, bien entendu) de la maison. Mais quand je lui ouvre la porte, je l’entends me dire :

-          Tu sais, je ne suis pas le genre de fille facile contrairement à ce que les autres disent.

Je soulève un sourcil. Si elle savait que je suis le mieux placé pour savoir qu’elle n’est pas ce genre de fille… elle me détesterait je suppose. Et se serait mérité.

-          Je sais.

Elle entre alors dans ma chambre et je la laisse en faire le tour, bien qu’elle ne soit pas très grande. Lucie s’approche directement vers ma bibliothèque. Je grimace. Encore, Harry Potter et Tolkien, ça passe. Mais la série des Twilight ? Avouez que ça ne fait pas très badboy… Pour me donner contenance, je lui demande si elle veut boire quelque chose, elle décline.

Après avoir fait le tour de mes livres, elle semble s’intéresser à ma guitare.

-          Tu en joues ? je lui demande

-          Un peu, quand j’étais plus jeune. Et toi ?

Elle rougit après avoir posé cette question.

-          Bien sûr que tu en joues, sinon pourquoi elle serait dans ta chambre. Elle se reprend

Je ne peux m’empêcher de la trouver très mignonne quand elle est comme ça.

-          J’aurais pu la garder pour la déco. Tu veux essayer ?

-          J’ai tout oublié.

En sortant l’instrument de son étui, je lui réponds que ce n’est pas grave :

-          Je vais t’aider

Je me pose sur le lit et commence à gratter d’un rythme assez lent. A chaque fois que je peux jouer, je me sens libre, moi-même. Comme quand je discute avec Lupa. Le matelas s’affaisse à côté de moi. Je passe alors ma guitare à Lucie. Mon torse collé à son dos, je lui montre les accords. Elle s’en sort vraiment bien ! Elle fait quelques fausses notes, mais elle m’étonne. Quand je lui en fais part, elle me répond que tous ses professeurs ont toujours trouvé qu’elle apprenait vite.

J’ai le nez dans son cou et à chaque inspiration, son odeur m’enivre. Je ne sais pas comment elle fait, mais je ne peux pas nier qu’elle me fait de l’effet. D’ailleurs, je lui en fais aussi : je vois bien sa respiration s’accélérer. Oh, ne vous faites pas d’idées, je ne compte rien tenter. Si je me suis promis de l’aider, ce n’est pas pour la séduire : ce serait contre-productif. Soudain, j’entends la porte d’entrée claquer et un homme jurer. Pourquoi mon père doit toujours rentrer quand il ne faut pas ? Je me relève d’un coup et réfléchi à grande vitesse. Si Lucie sort par la porte d’entrée, elle croise mon paternel, qui ne manquera pas de faire une réflexion et qui sera totalement saoul. En plus, elle que mon père n’est qu’un ivrogne, et c’est juste hors de question que ma vie privée arrive au lycée. Il ne reste plus qu’une solution : la fenêtre.

On habite au troisième étage mais il y a un escalier de secours. Elle va trouver ça très bizarre mais c’est mieux que rien. Je lui ouvre la fenêtre.

-          Viens, tu vas descendre par l’escalier.

Elle s’approche sans dire un mot et commence à sortir. Elle est vraiment extraordinaire, dans tous les sens du terme. Je la retiens par le bras.

-          Tu me donneras ton adresse, pour que je vienne faire les pâtisseries ?

-          Hum, oui… Je te dirai ça demain. Je comptais les faire la veille, comme je finis à quatre heures le mardi.

-          Parfait !

Tant pis, je sécherai.

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