Chapitre 4

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A la fin des cours, je reçois un message de mon père me disant qu’il m’attend à la maison et qu’il veut me parler. Le problème avec lui, c’est que le peu de fois où il est sobre, il passe son temps à me faire la morale. Le principal a dû lui laisser un message hier qui a fait réagir mon père. J’espère au moins qu’il ne lui a pas parlé de son envie de prévenir les services sociaux, sinon je suis mort…

Quand je passe le seuil de l’appartement, je remarque tout de suite mon père, les bras croisés, assis dans la cuisine. Il a les yeux rouges et cernés, sa barbe est mal rasée et ses cheveux sont gras. Il me fait de la peine à le voir comme ça. Mais j’ai déjà donné. Jusqu’à mes quinze, je me suis occupé de lui. J’ai tout fait pour qu’il aille bien, qu’il soit fier de moi et qu’il se refasse une vie. J’ai accepté chacune de ses conquêtes en me disant que ce serait la dernière, je l’ai couché chaque soir où il rentrait bourré, en me disant que ça passerai, j’ai essuyé chacune de ses remarques blessantes, lui trouvant toujours des excuses. Mais depuis trois ans, j’ai compris que ça ne servirait à rien. J’avais perdu mes deux parents, irrévocablement. Alors je me suis concentré sur ma petite sœur, elle est la dernière chose qu’il me reste. Elle et moi, nous sommes seuls. Comme Saint-Exupéry et le Petit Prince dans le désert. La voix rauque de mon père me sort de mes pensées :

- Ton proviseur m’a laissé un message comme quoi, quand tu daignais aller en cours, tu ne travaillais pas.

- Mmm.

- Tu veux foutre toute ta vie en l’air ou quoi ? Il y a le bac à la fin de l’année, il est temps que tu te réveilles ! Je n’ai pas élevé un paresseux.

- Tu ne m’as pas élevé du tout, je marmonne.

- Pardon ?

Oups, il m’a entendu…

- Si tu es un homme, parle fort et regarde-moi dans les yeux.

Je serre les dents et relève la tête, mais à peine ai-je ouvert la bouche qu’il me coupe la parole.

- Tu n’es qu’une mauviette, pas capable de se faire entendre, et en plus tu ne fais rien de la journée. Tu te rends compte de l’exemple que tu donnes à ta sœur ?

Là, c’est la goutte qui fait déborder le vase.

- Parce que toi tu lui donnes un bon exemple peut-être, à boire comme un trou toute la journée et à l’oublier une fois sur deux !

Le regard qu’il me lance me fait tout de suite regretter mes paroles. Il s’approche de moi, les yeux lançant des éclairs. Je sais que je vais me prendre une raclée. C’est déjà arrivé quelques fois, lorsqu’il avait trop fumé, qu’il lève la main sur moi. Mais il ne l’a jamais fait sobre. Pourtant, la petite voix de Jasmine l’arrête.

- Papa, quand est-ce qu’on mange ?

Je vois sa mâchoire tressaillir et ses poings se contracter mais il se tourne vers le canapé en disant « Demande à ton frère ». Depuis que ma mère est partie, il ne cuisine plus. Je n’en ai que de très vagues souvenirs, mais je sais qu’avant, ils cuisinaient ensemble. Et chaque soir, je ne regardais pas la télé, je ne jouais pas à des jeux, je me postais dans l’embrasure de la porte de la cuisine et je les regardais. Mais quand on s’est retrouvé tous les trois, il a arrêté de faire à manger. Alors j’ai cherché sur Internet des recettes, et j’ai appris. Cependant, après notre altercation, la seule chose dont j’ai envie, c’est de partir passer la nuit chez Josh. Alors que je sors une casserole et une boîte de raviolis, ma petite sœur vient entourer ma taille de ses bras fins.

- Après avoir fait à manger, tu peux partir chez Jojo.

Je souris au surnom qu’elle a donné à mon ami. Elle me connait si bien… Mais je ne peux pas la laisser avec mon père vu l’état dans lequel il est. Pourtant, elle me rétorque :

- Tu sais, papa, c’est un peu comme le roi de la planète 225. Il ne dit des choses que quand c’est raisonnable, et sinon, il sait que c’est de sa faute. Tu devrais partir ce soir, je m’occupe de lui.

C’est marrant parce que si j’avais dû comparer mon père à un personnage du petit prince, je l’aurais comparé à l’ivrogne. Jasmine est haute comme trois pommes mais elle a du caractère. C’est donc comme ça que je me retrouve mardi soir chez mon meilleur ami. Alors qu’il commande des pizzas, je consulte mon téléphone que j’avais senti sonner quelques fois ces dernières heures. Aussitôt, je me sens plus léger. J’ai un message de Lupa.

Lupa : Help !!!!

Milou : Quoi ???

Je reçois tout de suite une réponse, comme si elle n’attendait que ça.

Lupa : J’ai besoin de ton aide pour une sorte de projet…

Milou : Oui ?

Lupa : J’ai pour mission de mettre en place une fête mais je suis à court d’idées. Toi qui est fêtard, tu n’en aurais pas ?

Et bien, tout le monde doit faire des fêtes en ce moment… après, Noël approche, alors c’est normal.

Milou : Comme tu y vas, je ne suis pas si fêtard que ça ;D

Lupa : Tu m’as comprise………………………

Milou : Pff, tu es vraiment désespérée hein. Choisi un thème, trois couleurs max et le style musical. Le tout doit coller, évidemment.

Lupa : Heu, Noël ; bleu, blanc, or ou argent ; musique de nos jours ??

Milou : :P, :P, ;P C’est ça. Ensuite, tu choisis la déco (pas de trop quand même) en fonction de la couleur et du thème, pareil pour la bouffe et ta fête est prête. ;-]

Lupa : C’est tout ??

Milou : Ca suffit pour faire une fête. Après, c’est sûr que si tu reçois Brad Pitt ou Angelina Jolie…

Lupa : :D :D :D Merci !!!!!!!! Je te le revaudrais.

Milou : Tu as intérêt :3

Nos échanges sont toujours très expressifs et je me surprends souvent à imaginer sa voix. Il y a des fois, j’aimerais tellement l’avoir à mes côtés… elle me connait presque mieux que Joshua et avoir de ses nouvelles me réchauffe le cœur. D’ailleurs, mon ami arrive avec la nourriture et en voyant mon sourire, il s’exclame :

- Soit tu mourrais de faim, soit tu viens de taper la causette à ta pseudo meilleure amie.

Josh est au courant pour Lupa, et bien qu’il ne comprenne pas tout à fait notre relation, il la valide. Il rigole souvent en disant qu’elle va lui voler la vedette même s'il sait que lui et moi, c’est « ami pour la vie ». Je me sers une part sans prendre la peine de lui répondre.

- Bins nous invite à une fête chez un de ses amis. Tu viens ?

Bins, c’est le mec qui est invité à toutes les bonnes soirées. Il a les meilleurs plans. Mais il se drogue alors je l’aime pas trop.

- C’est quand ?

- Jeudi soir.

- J’essaierai. Mais mon père a pété un plomb tout à l’heure. Le proviseur l’a appelé pour lui dire qu’il fallait me recadrer.

- Il a écouté le message alors qu’il avait décuvé ?

- J’ai bien l’impression oui…

- Bon, alors on se regarde quel film ?

- Un diner de cons.

- C’est que ça va vraiment pas bien.

Josh et moi sommes amis depuis la maternelle. Quand ça va mal, on regarde des films et c’est un peu comme un baromètre de notre humeur. Les films humoristiques, généralement, c’est qu’on en peu plus et qu’on aimerait avoir une télécommande pour mettre le monde sur pause.

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