ANASUYA, L’HISTOIRE DE LA FILLE AUX CHEVEUX BLEUS

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Anasuya était une jeune fille, presqu’une enfant, l’aînée d’une famille nombreuse. Ils vivaient au bord de la mer, de la pêche et cueillette de moules et fruits de mer. Leur vie n’était pas simple, et les enfants devaient abandonner l’école après quelques années pour aider les parents.

Un jour, il faisait presque soir, Anasuya était restée la dernière sur la plage pour ramasser les paniers vides. Sa mère était partie en ville pour essayer de vendre à un restaurant le peu qu’ils avaient ramassé. Les autres frères et sœurs étaient rentrés.

Le soleil commençait à se coucher, Anasuya se leva, étira son dos, et regarda longuement l’eau. Elle aurait tant voulu que les choses soient plus faciles pour eux ! Simples, faciles, comme pour les poissons dans la mer. Et au moment où elle se dit cela, elle vit un poisson doré sauter des vagues dans le sable à ses pieds.

Elle le prit dans les mains et le jeta dans la mer. Mais le poisson se leva au-dessus des vagues et commença à lui parler :

- Jolie fille aux cheveux bleus, dit-moi quel est ton souhait et je peux te l’accomplir.

Anasuya était trop étonnée pour pouvoir parler, le poisson dut donc répéter. Et puis lui expliquer également qu’il est un poisson magique et comme elle l’avait jeté dans la mer il va réaliser un souhait pour elle.

La fille le regarda longuement :

- Je veux que mes parents ne soient plus si pauvres.

- Je peux te donner toutes les richesses que tu souhaites, répondit-il. Je peux même faire plus que ça : te montrer mon monde pour que tu choisisses seule les richesses qui te conviennent.

- Ce n’est pas ce que tu as dit, répondit Anasuya sans bouger. Si tu as vraiment tant de richesses d’où tu viens, apportes-en quelques-unes ici. Je ne te demande pas des montagnes de pierres précieuses.

Le poisson hésita un moment, vola en haut et en bas au-dessus des vagues et puis disparut. Mais avant que la fille puisse retourner à ses paniers, elle l’entendit voler au-dessus de sa tête. C’était vraiment lui, et quand Anasuya se leva, il lui remplit les mains de grains d’or brillants et des pierres précieuses.

- Viens avec moi dans mon monde, lui dit-il en guise d’explication, et tu connaîtras nos secrets, la langue des oiseaux et des insectes, tu verras le cours de l’eau du monde des origines.

- Laisse-moi d’abord dire au revoir à mes parents, et Anasuya courut vers la maison.

Mais là-bas il n’y avait que ses frères et sœurs. Elle laissa les richesses du poisson entre les marmites, à l’attention de sa mère, et sortit.

Le poisson s’assit sur son épaule. C’était déjà le crépuscule, le soleil était couché et il faisait presque nuit. Anasuya sortit de la route et coupa le chemin vers la plage. Mais sur le sentier étroit qui descendait vers la mer, elle trébucha sur une racine d’arbre.

Quand elle leva les yeux ils étaient dans un monde d’ombres, ombres étaient les arbres d’un côté et de l’autre, en écho leurs arrivaient les bruits de la mer. Ils marchaient entre des voiles plus fines que les toiles d’araignée.

- C’est ça ton monde ? demanda Anasuya, mais le poisson était terrifié.

Ils restèrent longtemps là-bas, des jours ou des semaines, ou peut-être des années et des années, qui pourrait le savoir. Le soleil se levait et se couchait comme toujours, mais la lumière n’était pas pareille d’un côté et de l’autre. Les oiseaux chantaient mais chaque chant leurs arrivait en écho, ils voyaient les gens et les animaux passer à côté d’eux transparents, comme des fantômes. La mer roulait ses vagues, mais toute tentative d’Anasuya d’entrer dans l’eau restait vaine, ses pieds étaient secs.

Parfois il arrivait jusqu’à eux des objets, des fruits, de la nourriture, qu’ils pouvaient toucher, prendre, manger, eau qu’ils pouvaient boire…

Mais pour Anasuya le plus dur était d’entendre les pleurs de sa mère tous les soirs. Elle l’entendait comme si elle était couchée à côté d’elle, comme quand elle était petite. Et à ce moment, elle se mettait à lui murmurer de petits mots, pour ne pas s’inquiéter, qu’elle allait bien, qu’elle était partie dans le monde chercher son destin.

Ils passaient le temps en racontant des histoires. Les soirs, les plis larges entre lesquels ils se mouvaient flottaient comme poussés par un même vent et le ciel se remplissait d’oiseaux. Ils restaient des heures sur la plage en les regardant. Les oiseaux volaient comme pour passer d’un côté à l’autre.

Un soir, le poisson se leva d’à côté d’elle et vola de plus en plus haut, jusqu’à ce qu’Anasuya ne le vit plus. Elle attendit longtemps, mais le poisson ne revint plus. Il avait réussi à s’échapper.

Anasuya se mit alors à observer avec plus d’attention les longs plis transparents qui la séparait du monde, mais rien de ce qu’elle essaya ne l’aida à retourner dans son monde.

Un soir, la nostalgie de ses parents et frères et sœurs la porta vers la maison. Les plis du monde flottaient au-dessus d’elle, mais elle ne les vit pas. Elle vit en revanche, comme par un rideau sa maison et la clôture de brindilles tombée sur un côté. La cour était envahie de mauvaises herbes. Anasuya passa parmi elles plus pâle qu’un fantôme.

La porte était ouverte, l’intérieur était vide et désolant. Avec les richesses laissées par Anasuya la famille avait déménagé dans une maison plus grande. Entre temps, des souris, chatons abandonnés et un putois avaient pris possession de l’endroit.

Anasuya erra dans les chambres, attristée. Dans le couloir elle s’arrêta devant le vieux miroir qui avait été oublié sur le mur, vestige d’une autre vie. Elle s’approcha, les larmes lui bloquant la vue. Mais en dépit de ses efforts de s’essuyer les yeux, elle ne pouvait toujours pas se voir dans le miroir. Avant de renoncer et s’en aller, elle vit pourtant dans le miroir le poisson doré qui l’avait amenée dans ce monde. Anasuya cria et essaya de le toucher.

Et dès qu’elle toucha l’eau du miroir, elle passa de l’autre côté, dans un monde ensoleillé, sauvage, beau, où les poissons volants pouvaient parler.

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